Ouagadougou - Chantre de l’anti-impérialisme, figure tutélaire du récent "printemps burkinabè", Thomas Sankara a tenté de mener d’une main de fer le Burkina Faso sur la voie du développement économique,
avant d’être assassiné lors d’un coup d’Etat.
Près de trente ans après sa mort, le culte de celui qu’on surnommait "Che Sankara" est encore entretenu à travers toute l’Afrique, et particulièrement dans son pays.
Son héritage a été abondamment revendiqué durant le soulèvement populaire qui a conduit à la chute du président Compaoré, il y a tout juste un an.
Né le 21 décembre 1949 à Yako (nord), Thomas Sankara a douze ans au moment de la décolonisation.
Son premier fait d’armes est une action militaire d’éclat lors du premier conflit ayant opposé son pays, alors la Haute-Volta, au Mali, en 1974-75.
Il n’a pas 32 ans lorsque, après le coup d’Etat de novembre 1980, le nouveau chef de l’Etat, le colonel Saye Zerbo, lui confie le poste de secrétaire d’Etat à l’Information. Ses idées progressistes lui font claquer la porte du gouvernement un an et demi plus tard.
Mais il revient à la faveur d’un nouveau coup d’Etat, et est nommé Premier ministre, en janvier 1983. Une sourde lutte pour le pouvoir s’engage alors entre militaires.
D’abord arrêté en mai 1983, il ressurgit en août, cette fois pour de bon, à la suite d’un coup d’Etat mené par son ami intime le capitaine Blaise Compaoré.
Agé de tout juste 33 ans, Sankara symbolise l’Afrique des jeunes, celle de l’intégrité, tranchant avec les dirigeants bedonnants et acoquinés issus des indépendances.
D’allure sportive et élancée, le sourire facile et le charme certain, il bénéficie d’une indéniable popularité.
Grand travailleur, dormant peu, autoritaire, il ne se montre jamais qu’en treillis, portant à la ceinture un pistolet à crosse de nacre offert par le dirigeant nord-coréen Kim Il Sung.
Vivant chichement avec sa femme et ses deux fils dans un palais présidentiel délabré, il n’a pour tout bien que sa guitare et sa Renault 5 d’occasion, un véhicule qu’il impose comme voiture de fonction à tous les membres de son gouvernement habitués aux luxueuses berlines.
A peine au pouvoir, il change le nom de son pays, qu’il rebaptise Burkina Faso, "pays des hommes intègres".
Ses priorités: assainissement des finances publiques et dégraissage d’une fonction publique "pléthorique", amélioration de la situation sanitaire et désenclavement des campagnes, élévation du taux d’éducation, politique rurale plus proche des aspirations des paysans.
Mais cette politique volontariste est menée d’une main de fer.
La population est surveillée par les "Comités de défense de la révolution" (CDR) et sanctionnée par les "Tribunaux populaires de la révolution" (TPR). Il brise une grève des instituteurs en les licenciant, l’opposition syndicale et politique est réprimée par des arrestations.
A l’extérieur, non plus il ne fait pas l’unanimité: ses prises de position, ses liens avec les sulfureux dirigeants de la Libye et du Ghana lui valent de solides inimitiés en Afrique, à commencer par la Côte d’Ivoire et le Togo.
Au président français, François Mitterrand, qui avait accueilli officiellement le rebelle angolais Jonas Savimbi et le Sud-Africain Peter Botha, il donne une leçon de droits de l’Homme, lors d’une visite de ce
dernier à Ouagadougou.
Il appelle l’Afrique à ne pas payer sa dette aux pays occidentaux, dénonce, devant l’ONU, les guerres impérialistes, l’apartheid, le conflit israélo-palestinien, la pauvreté.
La parenthèse "sankariste" ne dure que quatre ans. Le 15 octobre 1987, alors qu’il se rend au palais présidentiel pour un conseil des ministres extraordinaire, il est assassiné lors d’un putsch qui laisse Blaise Compaoré seul au pouvoir. Il a 37 ans.
bur-ber/acm/pgf/sba