« Nouvel avis de tempête sur Conakry ». Ainsi s’intitulait notre éditorial d’hier consacré à la présidentielle du 11 octobre 2015. Ce dimanche donc, les Guinéens étaient sortis massivement dans les 14000 bureaux de vote pour opérer leur choix pour les 5 prochaines années; et selon une formule désormais consacrée, tout s’était déroulé « dans le calme et la sérénité » ; même si l’organisation, comme toujours, avait été émaillée d’une pagaille certaine, qui ne fait pas honneur à la CENI. Ainsi, on a vu des listings désordonnés ou en tout cas ne respectant pas l’élémentaire ordre alphabétique. Un embrouillamini monstre dans lequel même une chatte n’aurait pas retrouvé ses petits.
Mais depuis hier, il faut dire que de gros nuages annonciateurs d’orage s’amoncellement sur le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest. En effet, les 7 challengers du président sortant, Alpha Condé, qui déjà à maintes reprises ne s’étaient pas privés de brocarder une CENI qu’ils estiment aux ordres, sont montés au créneau hier pour dénoncer en chœur des fraudes massives et prévenir qu’ils n’accepteront pas les résultats du premier tour. Ils réclament purement et simplement l’annulation du scrutin. Et pour sa part, l’enfant de Dalein, Cellou Diallo, leader de l’UFDG qui soit dit en passant n’a toujours pas digéré sa défaite de 2010 appelle à manifester pour faire barrage au hold-up électoral qui se trame.
Et voilà que ça recommence, alors même que les résultats provisoires ne sont pas attendus avant demain mercredi, la Guinée s’engage de nouveau sur une pente glissante, comme si elle était abonnée aux lendemains électoraux chahutés, pour ne pas dire violents. Et le plus surprenant dans tout cela, c’est le fait que l’opposition n’ait même pas pris la peine d’attendre que les urnes rendent leur verdict avant de contester celui-ci, comme si elle était déjà convaincue de sa défaite, pour ne pas dire de la victoire dès le premier tour du locataire de Sékoutoureya. Car tout le problème est là.
En effet, si le camp présidentiel n’a jamais fait grand mystère de sa volonté de faire un coup K.-O., pour ses contempteurs une telle éventualité est mathématiquement impossible, surtout dans cette Guinée où les clivages ethno-régionalistes ne sont jamais bien loin des questions politiques.
Un nouvel acte de la tragédie guinéenne est donc en train de se nouer, car les autorités ont beau appeler au calme et au sens de la responsabilité, si les manifestations projetées par les 7 frondeurs ont bien lieu, il y a de gros risques que très rapidement le pays s’embarque dans un long cycle de violences- répression aux conséquences imprévisibles.
Au lendemain du scrutin, on ne sait pas encore qui en sera le gagnant, mais l’on sait que le grand perdant sera à coup sûr la Guinée elle-même.
H. Marie Ouédraogo