Pour le gouvernement qui l’a tout de suite affirmé dans un communiqué de presse, il n’ y a pas de doute, c’est la confirmation des connexions djihadistes des putschistes du 17-Septembre dont il avait parlé il y a deux semaines mais auxquelles beaucoup de gens, y compris dans les chancelleries, n’avaient pas accordé assez de crédit. « Du pipeau », a-t-on entendu. Certains même y avaient vu une façon de diaboliser davantage les généraux Gilbert Diendéré et Djibril Bassolet dont les carnets d’adresses dans les milieux salafistes et touaregs du Mali sont, il est vrai, bien garnis.
Ce serait donc la preuve par Samorogouan de l’intelligence avec l’ennemi de ceux qui ont voulu donner un coup fatal à la Transition et qui, fort heureusement, ont vu leur funeste dessein taillé en pièce. Que cette thèse prospère ou pas, ce qui s’est passé jeudi et vendredi dans cette bourgade du Kénédougou est suffisamment grave. Rappel des faits : la nuit du jeudi 8 au vendredi 9 octobre 2015, une cinquantaines d’individus non encore identifiés attaquent la gendarmerie de la localité.
Bilan : plusieurs morts dont trois pandores et un des assaillants ; avec, à la clé, une psychose qui s’installe au sein d’une population qui sortait à peine du cauchemar diendéresque. Aujourd’hui c’est Samorogouan, demain ça peut être Ouaga, Bobo, Ouahigouya ou Dori. Au lendemain de ce drame, de présumés djihadistes auraient du reste déjà été interpellés à Gaoua.
Avons-nous quitté un danger pour nous retrouver face à un péril autrement plus grave ? Tant qu’il s’agissait de putschistes connus avec un repaire déterminé, rien de plus facile que de les enfumer comme des rats pour qu’ils se rendent ou filent à la Diendéré. Ce qui fut fait et bien fait. Mais quand on a affaire à des hommes (ou des femmes) sans visage et passés maîtres dans l’art de la dissimulation, de la fourberie et de la perfidie, le combat devient inégal.
On le voit au Mali, au Nigeria, au Niger, au Cameroun ou au Tchad où les gouvernements de ces pays ont engagé un combat à armes asymétriques, éprouvant toutes les difficultés du monde à couper les branches d’une pieuvre tentaculaire qui serait depuis un certain temps à la recherche d’un nouveau sanctuaire pour ses funestes visées. Aurait-elle donc jeté son dévolu sur le Burkina quand on sait que ce type de renégats profitent souvent des Etats affaiblis comme semble l’être le nôtre, englué depuis un an dans des vicissitudes politiques sans fin ?
Collusion avec les mauvais garçons du RSP ou pas, avant Samorogouan, comme de petites répétitions en attendant le grand coup, c’est par deux fois que le Burkina avait été touché par une association de malfaiteurs dans une entreprise terroriste. Le 4 avril 2015, Iulian Gherghut, un officier de sécurité roumain de la mine de manganèse de Tambao, était enlevé par Al Mourabitoune, un groupe djihadiste aux confins de la frontière malienne ; ce n’est du reste que le 19 août qu’on a eu la première preuve qu’il est en vie. Et pas plus tard que dans la nuit du 23 au 24 août, c’est la brigade de gendarmerie d’ Oursi qui était attaquée, faisant un mort (un gendarme) et un blessé.
Mais ce coup-ci, c’est un palier supplémentaire dans l’horreur qui vient d’être franchi, et si les félons de l’ex-RSP y sont vraiment pour quelque chose, on mesure à quel point le mot patriotisme n’a pas le même sens pour tous, car pour de petits avantages perdus, on ne saurait brûler son propre pays au risque de passer au poteau d’exécution. Pour des généraux, ce serait en effet la pire des trahisons. Voici d’ailleurs un combat qui aurait dû être celui de la soi-disant unité d’élite si elle ne s’était pas fourvoyée dans une cause indéfendable qui a précipité sa dissolution.
La situation est d’autant plus préoccupante aujourd’hui que, comme on le sait, quelques dizaines d’éléments du camp Naaba Koom II sont toujours dans la nature, pour ne pas dire qu’ils ont pu se sanctuariser à certaines de nos frontières où ils peuvent entreprendre des opérations de harcèlement en activant, au besoin, des réseaux intérieurs et extérieurs.
Maintenant qu’il y a péril en la demeure, la question se pose de savoir comment cette dramatique actualité va impacter les élections couplées qui auraient dû se tenir hier dimanche 11 octobre et pour lesquelles les différents acteurs semblaient être tombés d’accord pour un report au 15 novembre.
Déjà qu’après le coup d’Etat , il en est qui tiraient, entre autres arguments, de l’impératif sécuritaire pour prôner le renvoi du scrutin aux calendes burkinabé, nous voici désormais face à la quadrature du cercle : il faut certes sécuriser le territoire pour organiser le scrutin mais en même temps il faut vite aller aux urnes pour retrouver une certaine stabilité institutionnelle pour monter au front contre l’insécurité et pour une véritable reprise de l’économie nationale, en berne depuis deux bonnes années.
LA REDACTION