Président de la Chambre régionale d’agriculture des Cascades depuis 2011, Moustapha Ouattara conduit, à cette 16ème Journée nationale du paysan, la commission régionale foire et exposition. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il nous parle du choix de la région pour accueillir ce forum, de son enjeu pour les producteurs et des frustrations nées de l’aménagement du site de l’exposition.
Sidwaya (S.) : Lorsque le président du Faso a demandé, le 20 avril 2012 à Ouahigouya, la région volontaire pour abriter la 16ème Journée nationale du paysan en 2013, vous avez tout de suite levé votre doigt. Y-a-t-il un enjeu quelconque pour la région des Cascades d’accueillir ce forum quand on sait qu’elle l’a déjà organisé en 2002 ?
Moustapha Ouattara (M.O) : Avant d’aller à Ouahigouya, nous avons nourri le secret espoir d’abriter une deuxième fois, la Journée nationale du paysan. Car pour avoir été perturbée par la pluie, la JNP que nous avons accueillie en 2002 à Banfora, s’est achevée à Ouagadougou. Pour cela, notre région n’a pas profité pleinement de cet évènement. Nous avons donc pensé qu’il était important que la JNP revienne encore chez nous. Nous pensons que cela peut être une bonne motivation pour les producteurs des Cascades pour booster leur production.
Au-delà de cet aspect, c’est certainement l’occasion pour vous de mieux poser les contraintes spécifiques du secteur agrosylvopastoral de la région.
C’est une évidence. Depuis la XIVe édition, il a été décidé l’organisation de fora régionaux au cours desquels les producteurs dégagent trois grandes recommandations transversales au milieu rural, à soumettre au président du Faso comme étant les priorités de leur région. Nous avons donc tenu notre forum régional des Cascades, les 8 et 9 avril derniers. Dans le secteur agricole, nous avons souhaité qu’il y ait beaucoup plus d’aménagements, c’est-à-dire des retenues d’eau pour la petite irrigation. Si le thème évoque la résilience de la population, cela veut dire que le plus grand défi actuel de l’agriculture porte sur la problématique de l’eau. Nous avons pu dégager de grandes actions qui pourront, une fois mises en œuvre, booster l’agriculture dans notre région. Notre deuxième recommandation porte sur les ressources animales, précisément les nouvelles races à introduire dans le cheptel. Nous nous sommes rendu compte que notre élevage est essentiellement contemplatif. Il faut amener les producteurs à aller vers un élevage intensif mais qualitatif. Cela suppose l’apport de races nouvelles qui produisent beaucoup et sont moins exigeantes. Nous avons parlé de technique de fauche et de conservation ainsi que des mécanismes pour encourager les producteurs à cultiver du fourrage. Malgré que notre région reçoit plus de 1000 millimètres d’eau de pluie par an, nous constatons que les ressources en eau se raréfient. Nous avons des difficultés pour obtenir du fourrage et le bétail en souffre. Nous avons demandé ainsi aux producteurs de faucher l’herbe, de la conserver et même de la cultiver. Dans le volet environnement, nous avons abordé les problèmes de l’aquaculture. C’est un secret de polichinelle, la plupart des cours d’eau de la région sont en train de tarir et cela fait que la quantité et la qualité de poisson diminue. Nous avons suggéré l’empoissement des barrages et des retenues d’eau. Nous allons solliciter l’aménagement de nouveaux barrages afin que le ravitaillement en poisson puisse se renforcer. Nous avons jugé qu’il faut encourager les producteurs à faire de la pisciculture une activité à part entière. Cela peut contribuer à la lutte contre la pauvreté et répondre à la demande croissante en poisson.
Comment se fait-il que malgré les fortes potentialités de la région des Cascades, les prix des céréales y sont inaccessibles sur le marché ?
C’est un phénomène quasi-national. Il faut compter sur le prix des intrants qui ne font que s’augmenter. Il est vrai que l’Etat subventionne l’engrais, mais tous les producteurs n’y ont pas accès. Et compte tenu du prix de ces intrants, les gens se livrent à la spéculation. Au-delà de cet aspect, la main-d’œuvre agricole se fait très rare et coûteuse, parce qu’avec la multiplication des sites aurifères, on a des difficultés pour avoir des employés. Il faut aussi des équipements modernes et adaptés pour pouvoir produire suffisamment. Tout cela conduit les producteurs à augmenter les prix des céréales. Mais ce n’est pas les producteurs seuls qui augmentent les prix parce qu’il y a, dans la chaîne, les commerçants. Ceux-ci achètent le plus souvent les céréales à bas prix auprès des producteurs, les stockent et les revendent plus chers en période de soudure.
Quelles appréciations faites-vous du thème de cette 16ème Journée nationale du paysan à savoir « Sécurité alimentaire et résilience des populations : enjeux et défis » ?
Ce thème, il faut le rappeler, est propre aux acteurs. Cette année, ce sont les Chambres régionales d’agriculture, la Confédération paysanne du Faso et les quatre directions des ministères impliqués à la JNP qui ont, ensemble, déterminé le thème. Ce thème colle bien avec nos réalités parce que la résilience des populations demeure une préoccupation parce que nous devons faire face aux changements climatiques. Nous ne pouvons pas ne pas en parler aujourd’hui pour prospecter les solutions idoines, dans la durée.
Il semblerait que certains de vos proches sont mécontents du fait que les seccos pour l’aménagement du site de la foire soient venus de Ouagadougou ?
Effectivement, des voix se sont élevées contre cette manière de faire. Moi aussi, je déplore cela. On aurait souhaité qu’on puisse avoir la possibilité de payer les seccos dans la région. Cela aurait permis d’augmenter le revenu de ceux qui les fabriquent et sur la chaîne, à beaucoup de personnes d’avoir un peu d’argent. Aussi, ces seccos allaient revenir moins cher au comité d’organisation. C’était également une occasion d’avoir un stock de seccos pour la région. On nous a dit que le temps presse et qu’il était préférable de faire venir ces seccos de Ouagadougou afin qu’on puisse aller à cette JNP avec des stands de qualité. Les producteurs ne semblent pas convaincus et pensent qu’il y avait la possibilité d’exploiter les ressources naturelles de la région, surtout que le thème de la 16ème JNP porte sur la résilience des populations. Le manque de coordination entre nous et les gens de Ouagadougou fait qu’ils ont tendance à tout nous emmener. Alors que si nous nous étions assis pour discuter, ils allaient se rendre compte, qu’en prenant certains matériels dans la région, cela reviendrait moins cher. L’un des objectifs de ces Journées étant d’injecter de l’argent dans les régions organisatrices, on doit être regardant sur cet aspect pour ne pas frustrer les producteurs que nous sommes.