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Sidwaya N° 7403 du 24/4/2013

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Bassiaka dao, président de la confédération paysanne du Faso : « Il faudra songer à la création d’un secrétariat permanent de la JNP »
Publié le jeudi 25 avril 2013   |  Sidwaya


Bassiaka
© Sidwaya par DR
Bassiaka dao, président de la confédération paysanne du Faso


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La 16e Journée nationale du paysan (JNP) s’ouvre ce matin, et ce, pour 72h, à Banfora, chef-lieu de la région des Cascades. A la veille de ce grand rendez-vous des acteurs du monde agrosylvopastoral avec les plus hautes autorités du pays, nous avons rencontré le président de la Confédération paysanne du Faso (CPF), Bassiaka Dao. Il donne sa recette pour un réel essor de l’agriculture burkinabè, commente l’organisation des JNP et livre ses attentes de la présente édition.

Sidwaya (S.) : Quelles sont les attentes des producteurs que vous êtes, de cette 16e édition de la Journée nationale du paysan (JNP) ?

Bassiaka Dao : Nos attentes sont liées au thème de la rencontre : « Sécurité alimentaire et résilience des populations : enjeux et défis ». Nous nous attardons surtout sur l’aspect accompagnement. Parce que la résilience fait appel à la capacité des exploitants à résister aux changements. Et pour que les producteurs puissent résister aux changements dans un contexte de changements climatiques, il faut les accompagner à mettre en œuvre un certain nombre de stratégies, surtout celles existantes, telles que la conservation des eaux et des sols, les cordons pierreux. Il nous faut, par exemple, suffisamment de moyens pour avoir des moellons afin de réaliser les cordons pierreux. Aussi, quand on parle de changements climatiques, on pense aux inondations ou à la sécheresse. S’il y a sécheresse, il faudra accompagner financièrement et techniquement les producteurs à avoir des bassins de rétention d’eau. Pour nous aider réellement à faire face aux défis qui se présentent à nous, il est plus qu’urgent de mettre à notre disposition une banque agricole adaptée à nos conditions de production. Tant qu’il n’y aura pas une banque agricole, il sera très difficile pour les exploitations d’adopter les techniques ou de réaliser des dispositifs permettant de produire en quantité et en qualité. Nous devons changer nos systèmes de production. L’accompagnement des producteurs peut être également technique. Si l’on veut passer de la culture pluviale à celle irriguée, il faut alors apprendre aux producteurs comment y arriver. Et ce ne sera pas avec des arrosoirs mais plutôt avec des motopompes qu’on pourra le faire.
Concernant les inondations, il n’est plus pertinent d’attendre la survenue de catastrophe avant de chercher à prendre en charge les sinistrés. Je pense que les décideurs politiques doivent changer de vision pour aider le monde rural à construire des logements décents. La campagne a servi à construire les villes, le moment est venu pour que les villes contribuent à édifier les campagnes. Nous construisons encore, essentiellement, en banco. Il faut donc permettre aux paysans d’avoir un peu d’argent afin de pouvoir se construire des habitations en matériaux définitifs qui vont résister aux inondations. Il faudra aussi penser à construire des infrastructures à même de canaliser les eaux de pluies qui tombent en grande quantité, mais qui ne sont pas en mesure d’être conservées. Si les eaux susceptibles de provoquer des inondations peuvent être convenablement retenues et redéployées au profit de l’agriculture.

Vous dites ce que l’Etat doit faire en termes d’accompagnement. Quelle est votre contribution quand on sait que quelques-uns de vos membres s’opposent aux nouvelles techniques/variétés culturales ?

Non, nous ne sommes pas réfractaires à ces techniques. C’est plutôt un problème d’accessibilité financière. Nous savons que l’Etat ne peut pas continuer à subventionner les intrants et autres équipements agricoles. Mais il faut permettre aux agriculteurs de bénéficier de crédits adaptés à nos conditions. Les crédits accordés par les banques ne permettre pas de bien investir. Un crédit dans une banque commerciale est assorti d’un intérêt d’environ 12% et d’une TVA de 18%. En plus, s’il s’agit d’un crédit- campagne, c’est-à-dire étalé sur une année à peine. Dans ces conditions, les fruits du travail du producteur arrivent difficilement à rembourser le crédit et lui permettre de faire des bénéfices. Au Burkina, quand on prend un crédit, on travaille toute l’année pour le banquier. Alors que nous sommes dans un monde de compétition. Le Niger et le Sénégal ont des banques agricoles, avec des taux d’intérêt raisonnables, environ 7%. Nous sommes tous dans la zone CEDEAO et nos produits doivent aller en compétition. Nous avons besoin d’un outil de financement adéquat. Les exploitations familiales sont des entreprises, il faut les accompagner à se moderniser.

Les questions d’accompagnement du monde rural ne sont pas nouvelles en soi. Elles ont toujours été débattues depuis la première édition de la JNP en 1993 et sont restées sans réponse appropriée. Finalement, pensez-vous que ces journées servent à quelque chose ?

Les JNP servent à quelque chose. Elles ont vu le jour en 1993 à l’initiative du chef de l’Etat pour permettre au monde paysan et aux décideurs politiques d’écouter de vive voix, les préoccupations du monde rural. Elles permettent à ceux qui n’ont pas souvent droit à la parole de se faire entendre afin que leurs préoccupations soient prises en compte dans leur planification. Les premières journées ont été bien élaborées et il y avait du suivi. Si aujourd’hui, on parle de fertilisation des sols et des fosses fumières, c’est que des efforts ont été faits à ce niveau. A travers le Programme national de gestion des terroirs (PNGT), l’Etat a permis d’équiper les petits producteurs et à les stabiliser. Mais de plus en plus, les débats ne sont plus suivis. Comme elles se tiennent annuellement, on ne se rend pas compte de ses impacts. Si elles se tenaient au moins tous les deux ans, on allait avoir la possibilité d’évaluer le chemin parcouru. Il faudra également songer à la création d’un secrétariat permanent de la JNP qui va servir d’organe de suivi, d’interpellation et de mise en œuvre des différentes recommandations. Une fois que la messe est dite et que les engagements sont pris, il faut que les différents ministères en charge du développement en fassent le suivi. Actuellement, cela n’est pas le cas, chaque ministère ayant ses préoccupations propres. Les JNP permettent de soulever les vrais problèmes. La mise en place d’un secrétariat permettra de le faire et de relever les impacts positifs.

Donc vous êtes d’accord avec ceux qui disent que le folklore semble avoir pris le pas sur le fond de ces journées ?

Effectivement. Lors des premières JNP, on avait des réflexions approfondies : chercher des solutions sur des thématiques ou des préoccupations. Mais de plus en plus, on assiste à de grandes fêtes du monde paysan. Au plan régional, on essaie de mener les réflexions qu’on devrait pouvoir approfondir au niveau nation et relever un certain nombre de priorités pour la prochaine édition. Les JNP sont maintenant des moments de réjouissance et cela semble satisfaire certains paysans, du fait des perdiems et autres commodités de séjour. Cette vision doit changer.

Vous êtes impliqués dans l’organisation de la JNP. Et pourtant vous ne semblez pas d’accord avec la façon dont elle est organisée et la suite donnée aux recommandations. Est-ce à dire que votre voix ne porte pas suffisamment ?

Nous sommes suffisamment impliqués dans l’organisation des JNP. Mais ce que nous n’avons pas, c’est l’argent que le gouvernement donne. En termes de choix du thème, des foras, nous sommes des acteurs- clés. Une fois que les engagements sont pris, les paysans vont assumer les leurs. Et les autres aspects ? Si depuis longtemps, la question du financement avait été réglée, aujourd’hui on n’en serait pas là. Concernant les équipements, plus de 750 tracteurs ont été envoyés ces dernières années mais plus de 90% de ces machines sont détenus par des nantis et non des exploitants familiaux. En plus, la moitié est concentrée entre les mains des entrepreneurs de la construction alors qu’elles ont été envoyées pour permettre au monde paysan de se développer. C’est cela la réalité.

Quelle appréciation faites-vous du déroulement de l’opération 100 mille charrues lancée par le président du Faso ?

Nous sommes dans la deuxième phase. Cette année, les charrues sont affectées aux exploitants avec tous les équipements nécessaires. Ils auront les charrues ainsi que les animaux de train. Alors qu’au début de l’opération, les bénéficiaires recevaient les charrues uniquement. Cet accompagnement des producteurs ne pouvait pas être efficace parce que ne disposant de tous les équipements nécessaires. En plus donc de la charrue, il leur faut les deux animaux de train et la charrette. Cette année, on pourra constater l’impact de l’accompagnement présidentiel. Un paysan doté judicieusement en matériels, en intrant, dans une situation de bonne pluviométrie, peut être très productif. Quand on parle d’exploitation familiale, certains voient une petite superficie de terrain. En zone cotonnière par exemple, les petites exploitations s’étendent sur 30 à 50 ha.

A la 15e édition de la JNP, vous demandiez un statut pour le paysan. Quelles en sont les motivations et où en êtes-vous avec ce projet ?

Nous sommes toujours sur le projet. Actuellement, nous sommes en train d’élaborer la loi d’orientation agricole dans laquelle il est prévu le statut du paysan. Nous estimons que l’agriculture doit être considérée comme un métier à part entière, générant des droits et des devoirs. Nous ne sommes pas d’accord avec ceux qui disent que l’agriculture est compatible avec tous les autres corps de métier. Car cela reviendra à appauvrir davantage les plus pauvres. Quand un ministre ou un député se lance dans l’agriculture, ce n’est pas vraiment à temps plein. Puisqu’il tire l’essentiel de ses ressources ailleurs. Voilà pourquoi, le débat sur l’agrobusiness n’avance pas. Un jeune qui se lance dans l’agriculture, avec pour seul outil sa daba, va mettre forcément du temps avant de se hisser au statut d’entrepreneur agricole. Un ministre ou un député peut débuter avec, déjà, un tracteur. Or, en réalité, 80% de ces agriculteurs de dimanche ne récolte pas plus de 100 sacs de maïs. Pour eux, il s’agit plus de fermes de luxe. Si l’agriculture est reconnue comme corps de métier, nous auront aussi droit à une retraite paisible, après une cotisation à la caisse de sécurité sociale. Nous ne serions plus contraints d’attendre tout de nos enfants une fois que nous serons à bout de force. Aujourd’hui, l’agriculteur est considéré comme un citoyen de seconde zone. Que nos décideurs politiques reconnaissent de l’agriculture, en tant que corps de métier complet. C’est ce combat que nous menons.

Interview réalisée par Koumia Alassane KARAMA

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