A compter de ce 9 octobre 2015, les 10 candidats (ou plutôt 9, plus un indécis en la personne de Amara Essy) à la magistrature suprême de la Côte d’Ivoire, prendront d’assaut les villes et campagnes du pays pour une campagne électorale de 3 semaines, au terme de laquelle les Ivoiriens choisiront celui qui présidera aux destinées de leur pays jusqu’en 2020. Si, au regard de son expérience politique et surtout de son bilan économique, le président sortant et candidat à sa propre succession, Alassane Ouattara, semble bénéficier des faveurs des pronostics, il serait hasardeux de considérer ses challengers comme des perdants d’office, d’autant que certains parmi eux ont plusieurs années d’activités politiques et militantes au compteur, donc rompus à l’art de la mobilisation et du conditionnement psychologique des électeurs.
Alassane Ouattara peut certes se targuer d’avoir redressé l’économie ivoirienne ruinée par une décennie de guerre civile dont lui-même fut l’un des principaux acteurs, mais il faut reconnaître qu’il n’a pas réussi à apaiser les cœurs d’une frange importante des Ivoiriens qui pourraient s’accoquiner, par conviction ou par défaut, avec le candidat de l’opposition qui incarnera le plus, à leurs yeux en tout cas, la rupture avec le système Ouattara qu’ils qualifient de sectaire, et donc potentiellement dangereux pour la cohésion sociale.
Avant même le début de la campagne électorale au cours de laquelle tous les coups seront apparemment permis, on a assisté à une véritable guerre des tranchées entre pro et anti Ouattara, tantôt avec des envolées lyriques dignes des sophistes, tantôt avec des arguments qui volent au ras des pâquerettes, mais toujours dans une ambiance de feu qui fait craindre un possible embrasement avant, pendant et après le scrutin du 25 octobre prochain. Les plus virulents parmi les contempteurs de Alassane Ouattara se sont réunis au sein de la Coalition nationale pour le changement (CNC) et entendent faire obstacle au « tacko kellin » (en langue vernaculaire dioula, un seul tour fatal aux adversaires du candidat Ouattara) que les partisans outrageusement triomphalistes du président sortant, promettent à leur candidat.
Si la Côte d’Ivoire rate le virage, elle entraînera durablement toute la sous-région dans sa sortie de route
Pour contraindre ce dernier à un second tour, les leaders de la CNC multiplient les manifestations de rues depuis le mois de mai et semblent avoir décidé, à mesure qu’approche la date du scrutin, de frapper là où ça fait le plus mal, en ramenant sur le tapis la nationalité du président Ouattara. On se rappelle, en effet, que c’est ce sujet ultra-sensible qui avait déclenché la terrible crise ivoirienne dont on n’a pas encore fini de solder les comptes, mais qu’à cela ne tienne, ils sont nombreux aujourd’hui encore en Côte d’Ivoire qui n’arrivent pas à accepter, la mort dans l’âme, que le « Burkinabè d’origine » soit à la tête de la Côte d’Ivoire pour cinq ans encore.
Même si les Ivoiriens, dans leur écrasante majorité, ne souhaitent plus revivre les combats de rue dont ils ont été dramatiquement victimes à Duékoué et à Abidjan en 2011, il y a de quoi s’inquiéter des discours de plus en plus maximalistes et opportunément « ivoiritaires » qui pourraient servir de thèmes de campagne à des politiciens en manque d’inspiration. A bien des égards, il est vrai, Alassane Ouattara a donné à ses adversaires la chicotte qui sert à le fouetter, mais l’intérêt supérieur du pays devrait commander à ses détracteurs de ne pas agiter, à tout bout de champ, le spectre d’une guerre civile post-électorale dont personne ne sortira gagnant. Et pour conjurer cet épouvantail et faire baisser la tension qui préfigure une campagne électorale électrique, le président sortant doit se départir de cette attitude condescendante et volontairement provocatrice vis-à-vis de ses challengers (il aurait promis 100 millions à chacun d’eux pour sa campagne). Il doit accepter le dialogue direct proposé par la CNC, lever le soupçon relatif à sa mainmise sur la commission électorale indépendante en en retirant son représentant, mettre fin à la justice à géométrie variable pour les crimes commis lors de la crise post-électorale de 2011 ainsi qu’à la répression de ses opposants (la dernière victime en date est du nom de Samba David, condamné à 6 mois d’emprisonnement ferme pour trouble à l’ordre public à l’issue d’un procès expéditif). C’est seulement à ce prix que Alassane Ouattara, qui doit se sentir de plus en plus isolé sur la scène internationale depuis que ses soutiens les plus actifs qu’étaient Blaise Compaoré et Nicolas Sarkozy ne sont plus aux affaires, pourra organiser des élections apaisées et les gagner, surtout avec un taux élevé de participation qui donnerait encore plus de légitimité à sa victoire. En ce premier jour de campagne électorale, implorons les dieux de la politique afin qu’ils ne fassent pas encore une fois dérailler la locomotive de l’Afrique de l’Ouest francophone car, si la Côte d’Ivoire rate ce virage, elle entraînera durablement toute la sous-région dans sa sortie de route.
Hamadou GADIAGA
A compter de ce 9 octobre 2015, les 10 candidats (ou plutôt 9, plus un indécis en la personne de Amara Essy) à la magistrature suprême de la Côte d’Ivoire, prendront d’assaut les villes et campagnes du pays pour une campagne électorale de 3 semaines, au terme de laquelle les Ivoiriens choisiront celui qui présidera aux destinées de leur pays jusqu’en 2020. Si, au regard de son expérience politique et surtout de son bilan économique, le président sortant et candidat à sa propre succession, Alassane Ouattara, semble bénéficier des faveurs des pronostics, il serait hasardeux de considérer ses challengers comme des perdants d’office, d’autant que certains parmi eux ont plusieurs années d’activités politiques et militantes au compteur, donc rompus à l’art de la mobilisation et du conditionnement psychologique des électeurs.
Alassane Ouattara peut certes se targuer d’avoir redressé l’économie ivoirienne ruinée par une décennie de guerre civile dont lui-même fut l’un des principaux acteurs, mais il faut reconnaître qu’il n’a pas réussi à apaiser les cœurs d’une frange importante des Ivoiriens qui pourraient s’accoquiner, par conviction ou par défaut, avec le candidat de l’opposition qui incarnera le plus, à leurs yeux en tout cas, la rupture avec le système Ouattara qu’ils qualifient de sectaire, et donc potentiellement dangereux pour la cohésion sociale.
Avant même le début de la campagne électorale au cours de laquelle tous les coups seront apparemment permis, on a assisté à une véritable guerre des tranchées entre pro et anti Ouattara, tantôt avec des envolées lyriques dignes des sophistes, tantôt avec des arguments qui volent au ras des pâquerettes, mais toujours dans une ambiance de feu qui fait craindre un possible embrasement avant, pendant et après le scrutin du 25 octobre prochain. Les plus virulents parmi les contempteurs de Alassane Ouattara se sont réunis au sein de la Coalition nationale pour le changement (CNC) et entendent faire obstacle au « tacko kellin » (en langue vernaculaire dioula, un seul tour fatal aux adversaires du candidat Ouattara) que les partisans outrageusement triomphalistes du président sortant, promettent à leur candidat.
Si la Côte d’Ivoire rate le virage, elle entraînera durablement toute la sous-région dans sa sortie de route
Pour contraindre ce dernier à un second tour, les leaders de la CNC multiplient les manifestations de rues depuis le mois de mai et semblent avoir décidé, à mesure qu’approche la date du scrutin, de frapper là où ça fait le plus mal, en ramenant sur le tapis la nationalité du président Ouattara. On se rappelle, en effet, que c’est ce sujet ultra-sensible qui avait déclenché la terrible crise ivoirienne dont on n’a pas encore fini de solder les comptes, mais qu’à cela ne tienne, ils sont nombreux aujourd’hui encore en Côte d’Ivoire qui n’arrivent pas à accepter, la mort dans l’âme, que le « Burkinabè d’origine » soit à la tête de la Côte d’Ivoire pour cinq ans encore.
Même si les Ivoiriens, dans leur écrasante majorité, ne souhaitent plus revivre les combats de rue dont ils ont été dramatiquement victimes à Duékoué et à Abidjan en 2011, il y a de quoi s’inquiéter des discours de plus en plus maximalistes et opportunément « ivoiritaires » qui pourraient servir de thèmes de campagne à des politiciens en manque d’inspiration. A bien des égards, il est vrai, Alassane Ouattara a donné à ses adversaires la chicotte qui sert à le fouetter, mais l’intérêt supérieur du pays devrait commander à ses détracteurs de ne pas agiter, à tout bout de champ, le spectre d’une guerre civile post-électorale dont personne ne sortira gagnant. Et pour conjurer cet épouvantail et faire baisser la tension qui préfigure une campagne électorale électrique, le président sortant doit se départir de cette attitude condescendante et volontairement provocatrice vis-à-vis de ses challengers (il aurait promis 100 millions à chacun d’eux pour sa campagne). Il doit accepter le dialogue direct proposé par la CNC, lever le soupçon relatif à sa mainmise sur la commission électorale indépendante en en retirant son représentant, mettre fin à la justice à géométrie variable pour les crimes commis lors de la crise post-électorale de 2011 ainsi qu’à la répression de ses opposants (la dernière victime en date est du nom de Samba David, condamné à 6 mois d’emprisonnement ferme pour trouble à l’ordre public à l’issue d’un procès expéditif). C’est seulement à ce prix que Alassane Ouattara, qui doit se sentir de plus en plus isolé sur la scène internationale depuis que ses soutiens les plus actifs qu’étaient Blaise Compaoré et Nicolas Sarkozy ne sont plus aux affaires, pourra organiser des élections apaisées et les gagner, surtout avec un taux élevé de participation qui donnerait encore plus de légitimité à sa victoire. En ce premier jour de campagne électorale, implorons les dieux de la politique afin qu’ils ne fassent pas encore une fois dérailler la locomotive de l’Afrique de l’Ouest francophone car, si la Côte d’Ivoire rate ce virage, elle entraînera durablement toute la sous-région dans sa sortie de route.
Hamadou GADIAGA