Demain, 25 avril 2013 et ce, jusqu’au 27 avril, le monde paysan commémore sa 16e journée nationale sous le thème : « Sécurité Alimentaire et résilience des populations : enjeux et défis ». Pour la présente édition, c’est la ville de Banfora, dans la région des Cascades, qui a été désignée pour abriter l’événement. Au menu de ce rendez-vous des paysans dans la ‘’cité du paysan noire’’, des activités de réjouissance et des tribunes de réflexions sont prévues. Des réflexions qui devront sans doute être accentuées sur les enseignements de l’affreuse crise alimentaire qui a fortement ébranlé notre structure sociétale en 2012, du fait de la mauvaise campagne 2010-2011. Présente encore dans les mémoires, cette crise alimentaire sera bien la cible des projecteurs, surtout quand certaines études établissent des prévisions pessimistes. En effet, des études récentes du CILSS/AGRHYMET (Sarr et al. 2007, AGRHYMET, 2009) ont montré que les rendements des cultures comme le mil/sorgho vont baisser de plus de 10 % en cas de l’augmentation des températures de + 2°C et de variations peu significatives des précipitations à l’horizon 2050. Une hausse de + 3 °C engendrera une baisse de rendements agricoles de l’ordre de 15 à 25 % pour des cultures comme le mil et le sorgho. A la tribune de cette 16e rencontre des producteurs, des partenaires techniques et financiers et des décideurs, il devrait être aussi question de trouver des voies et moyens d’accélération de l’opérationnalisation de différents documents de référence en matière de développement tels que la stratégie de croissance accélérée de développement durable (SCADD), la stratégie nationale de sécurité alimentaire (SNSA), le plan d’actions du système d’information sur la sécurité alimentaire (PA-SISA), la politique nationale de développement durable, le PANA, la stratégie nationale de valorisation et de promotion des produits forestiers non ligneux et le cadre général de coopération Etat-Partenaires en matière de sécurité alimentaire. Mais à des distances de cette tribune, il est fort imposant de penser aux conditions, toujours misérables, des traînes savates. Ceux qui sont encore contraints de croire à la transformation du monde par la daba, la houe traditionnelle. Après cinquante ans de l’accession du Burkina à la souveraineté internationale, combien d’agriculteurs s’attachent toujours de l’utilité de la daba ? Sous réserves de quelques études statistiques, on peut constater que la majeure partie des agriculteurs est encore loin de l’ère de l’agriculture mécanisée. Mais l’argument échappatoire des questions d’accompagnement des paysans en termes de moyens d’acquisition des charrues et autres engins d’agriculture se résume au refrain accusateur des aléas climatiques. Le naturel, il n’y a qu’à lui qu’on peut donner un coup de pied sans craindre des hypothétiques représailles. Alors que l’agriculture de subsistance peine à être efficace, on a ouvert la lucarne de l’agrobusiness aux conséquences bien connues et difficiles : expropriation des terres, ventes illicites des terres culturales, oisiveté accrue, effritement de la cellule familiale, exacerbation de la misère des petites gens. S’il vrai que le niveau très bas de développement au Burkina tend à faire de lui un véritable réservoir de priorités, il convient de ne pas s’enchevêtrer dans des initiatives avant d’avoir fait des résultats dans d’autres. S’adressant aux jeunes africains, à Dakar, pays de Léopold Sédar Senghor, un des précurseurs de la renaissance, le président français d’alors, déclarait une vérité qui a dérangé les chefs d’Etat africains et fait couler beaucoup d’encres et de salives. «Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. Le paysan africain qui, depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles ». Dans ce langage qui côtoie bien le principe du philosophe Socrate qui pense qu’il convient de choquer, d’allumer la tension pour faire prendre conscience et élever à un niveau supérieur de prise de conscience, il fallait voir en filigrane la démission des décideurs africains de leur mission d’accompagnement de la classe paysanne. Bref, loin des débats, des discussions de puristes et autres formes de spéculations intellectualistes, le paysan burkinabè attend que ces conditions individuelles et collectives notamment la résolution des conflits entre éleveurs et agriculteurs, ainsi que les questions relatives au foncier rural soient une réalité. En tout cas, une 16e journée nationale du paysan n’est pas de trop mais ne méritera une plus grande attention et d’exaltation que si les engagements qui en résultent sont traduits en actes concrets. Autrement, ce ne sera qu’une récréation pour ironiser sur le sort des pauvres paysans .