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Mousbilla Sankara, ancien ambassadeur du Burkina sous le CNR : « Boureima Kiéré et ses hommes torturaient pour plaire à Diendéré »
Publié le jeudi 8 octobre 2015  |  Le Quotidien




« Nous avons eu des sexes brûlés. C’est Kiéré qui en était le maître d’œuvre »

Ancien ambassadeur du Burkina à Tripoli en Lybie sous le Conseil national de la révolution (CNR ) et ingénieur en télécommunication de formation, Mousbilla Sankara, nous a accordé un entretien au cours de la matinée du 6 octobre 2015 à domicile sis à Ouagadougou. Cet homme convaincu de l’idéal sankariste a été prisonnier politique dès les premières instances du Front populaire et de la rectification dont Blaise Compaoré est l’initiateur. Torturé au Conseil de l’entente et à la gendarmerie nationale quatre années durant, Mousbilla Sankara revient sur les souvenirs amers de sa détention et évoque la reddition du RSP où certains de ses tortionnaires y étaient. Pour lui, il est nécessaire de procéder au nettoyage et d’évacuer les questions urgentes de justice avant d’aller aux élections. «Je souhaite que Diendéré parle pour qu’on ne fasse pas les élections avec les faux jetons », a-t-il dit.

Le Quotidien : Présentez-vous à nos lecteurs ?

Mousbilla Sankara : Je suis ingénieur des télécommunications à la retraite, depuis 2000 et ancien ambassadeur du Burkina à Tripoli en Libye pendant la période révolutionnaire. J’ai démissionné pendant le Front populaire.

Avez-vous démissionné ou avez-vous été demis de vos fonctions ?

J’ai échangé à l’époque avec les nouvelles autorités de la rectification et nos visions n’allaient pas dans le même sens. C’est pourquoi, j’ai préféré démissionner. Pour cela, j’ai dû me rendre au pays avec ma famille sur fonds propre. Quatre années après, j’ai été remboursé. Lorsque je suis rentré, j’ai été emprisonné dans des conditions déplorables. Vous avez dû entendre parler des tortures et autres. C’était une effectivité. A ma sortie, j’ai été à l’ONATEL car j’ai bien voulu accomplir les activités qu’on m’y a confiées et cela jusqu’à ma retraite en 2000.

En tant que prisonnier, qu’est ce qu’on vous a reproché ?

En réalité, on ne m’a rien reproché. J’étais entrain de faire le point de ma mission avec le ministère des Affaires étrangères, lorsque je suis rentré de Tripoli. C’est à midi que ce point de ma gestion a été interrompu et on m’a envoyé à la gendarmerie pour m’emprisonner. J’ai même fait le point des dépenses de l’Ambassade que j’ai assumées à hauteur de 300 000 FCFA. Cette somme m’a été remboursée par le ministère et plus rien encore. J’ai été torturé à la gendarmerie.

Qui sont ceux qui vous ont pris à l’époque ?

C’est la gendarmerie nationale. Ils étaient cinq dont un nommé Ouattara. Là bas, j’ai trouvé d’autres personnes qui étaient les dignitaires du Conseil national de la révolution notamment l’ambassadeur de l’époque Bassirou Sanogo du Burkina à Alger, le consul du Burkina en France et des ministres. Nous avons été torturés de la manière que Valère Somé a expliquée dans son livre. Ce qu’il a d’ailleurs relaté n’est qu’une partie par ce que, j’ai vécu quatre années là-bas. Valère a consommé la sauce de la gendarmerie qui était assez douce. C’est lorsqu’on nous a amenés au Conseil de l’entente que les tortures ont atteint le summum.

Qui était le responsable de la gendarmerie lorsque vous y avez été arrêté ?

Mes tortures à la gendarmerie ont été faites sous Jean Pierre Palm, sous Badiel chef d’escadron, Ouangré et bien d’autres.

Etiez-vous un acolyte prisonnier de Valère Somé ?

Oui. Mais c’est pour un moment parce qu’eux sont sortis et nous, nous avons continué la prolongation.

Les révélations de Valère Somé dans son livre ne font l’ombre d’aucun doute ?

C’est juste. Et cela ne concerne que quatre mois. En ce qui concerne l’arrestation de Saran Sérémé, moi je n’ai pas vu par ce que j’étais en prison. Par contre à la gendarmerie, j’étais-là et j’ai même voulu incendier pour manifester mon mécontentement relatif aux tortures qu’on nous infligeait. Des gens plus avisés m’ont déconseillé. Lorsqu’on les a libérés, nous avions de la peine à les reconnaitre. Un camarade de Valère Somé, Firmin Diallo a lui été emmené directement à l’infirmerie.

Avez-vous été gardé sans jugement ?

Nous avons voulu exprimer notre opinion politique et c’est ce qui nous a valu ces tortures. Pendant tout le temps que j’étais gardé, je n’ai pas vu un juge devant moi ou un monsieur des droits de l’homme. Ce sont les gendarmes qui venaient nous faire sortir et nous bastonner quand ils estimaient cela bon. J’ai vu des gens qui ont été bastonnés et torturés, mais qui étaient avec le régime.

Pouvez-vous citer quelques noms ?

Il y a certains qui sont morts et ce ne serait pas la peine de revenir la- dessus. Par exemple Basile Guissou, Djibrina Barry était également à la gendarmerie nationale. Parmi les militaires, il y a eu certains qui ont collaboré avec le régime après. Il y a Issouf Sawadogo et Tiébo qui lui a été enchaîné des pieds et des mains. Ce dernier est devenu capitaine après. Ces gens sont allés avec le régime pour sauver leurs vies ,disaient-ils.

Aujourd’hui, comment vivez-vous la chute de vos bourreaux d’hier, notamment avec le démantèlement récent de l’ex-garde de sécurité présidentielle suite à leur putsch avorté ?

Le terme bourreau ne me convient pas parce que je ne suis pas mort. Ils ont été des bourreaux pour d’autres personnes mais pour moi ce n’est pas convenable et Je préfère le terme tortionnaire. Il y a eu deux événements. Que ce soit la chute de Blaise ou la chute du RSP. Pour moi, la chute de Blaise a été une surprise, pas parce que je ne voulais pas qu’il parte…. C’est la manière qui m’a surpris. Les événements ont été une surprise dans le temps. Il est parti plus tôt que prévu et je n’avais pas d’éléments d’analyse pour la suite. La chute du RSP est venu très tard parce qu’après les événements des 30 et 31 octobre 2014, le RSP ne devrait pas continuer. Le fait d’être arrivé maintenant, a permis de faire du gâchis. Les gens n’ont pas été courageux en affrontant la réalité du RSP. Ils ont conçu le pouvoir de Blaise Compaoré sans le RSP.

Suite à l’insurrection populaire, n’est ce pas le RSP qui était au pouvoir avec la venue de Yacouba Isaac Zida aux affaires ?

J’avoue que c’est à la Place de la révolution que j’ai connu Zida. Je n’avais rien contre lui. Quand j’ai appris que Kiéré a été nommé, c’est à la Place de la révolution que je suis allé dire qu’on ne peut pas nommer des tortionnaires parce que je savais de qui je parlais. Mais jusqu’à ce que Zida devienne Premier ministre, je ne le connaissais pas.

Parlez-nous donc de Boureima Kiéré que vous semblez connaître ?

Kiéré était l’aide de camp de Blaise Compaoré quand j’ai été amené au Conseil de l’entente en décembre 1989. J’ai été arrêté en 1987 et transféré au Conseil de l’entente en 1989. C’est Kiéré qui y était. C’est OTIS, Ouédraogo Arzouma qui m’a sorti du trou à la sûreté et m’a envoyé au Conseil pour me remettre à Kiéré. Celui-ci gérait un groupe qui se chargeait de torturer ceux qui tentaient de prendre le pouvoir par coup d’Etat. Il m’a fait malmener de façon inimaginable. A un moment donné, un élément de la gendarmerie qui devrait assister aux interrogatoires a indiqué qu’il ne pouvait enregistrer les aveux des gens dans de telles conditions. Il a expliqué que les conditions dans lesquelles l’interrogatoire est fait pourraient remettre en cause les aveux. Kiéré l’a sommé d’écrire ce qu’il entendait. Pour la première fois, nous avons vu quelques personnes de la défense des droits de l’homme. Je me rappelle que Me Pacéré a dit en présence de Gilbert Diendéré qu’il ne pouvait pas assister des détenus pendant que ceux-ci sont dans des conditions déplorables. Il parlait de Tiébo à l’époque qui était menotté des bras et des pieds. Des avocats ont refusé de travailler dans de telles conditions.

Que retenez-vous des années de tortures que vous avez vécues ?

Ce que j’ai vécu est psychologique et physique. Par exemple, nous étions gardés nus et nous n’avions pas le droit de voir nos proches. Même quand nous devrons sortir, c’était nu. Mon doigt a été mis dans un étau. Ils ont serré l’étau et mon doigt s’est éclaté. (NDLR, il nous montre son bras). Sur mon bras c’est avec un couteau qu’un commando a
dessiné un chien. Nous faisions le tour de tout le Conseil à genoux (NDLR, il indexe son genou où il y a des cicatrices indélébiles). Nous avons eu des sexes brûlés. C’est Kiéré qui en était le maître d’œuvre. Une nuit, il est venu avec son véhicule où il devrait transporter dans son coffre quatre personnes. La quatrième personne, Kouka était corpulente et celle-ci n’a pas pu été transportée. Après cela, il a fait un tour pour aller nous faire voir quelqu’un. Il nous a dit de faire notre dernière prière. Nous avons dépassé le poste de péage sur la route de Fada
N’gourma. Ce sont des tortures psychologiques qui ont été orchestrées à travers une simulation de notre exécution.

Aujourd’hui avec la reddition du RSP et l’arrestation de Boureima Kiéré suite au coup d’Etat, que souhaitez-vous ?

Je voudrais qu’on l’entretienne bien. Pas parce que je l’aime mais pour qu’il confirme ou infirme en donnant des informations sur ceux qui ont été tués. Lorsqu’on était enregistré, on sortait le cahier pour dire qu’un tel ou tel autre n’est pas là. Kiéré pourrait être à mesure d’expliquer combien ont été libérés et que sont devenus ceux qui n’ont pas été libérés. Si on le maltraite comme on me l’a fait, ce n’est pas sûr qu’on puisse tirer profit. Je voudrais qu’on lui permette d’expliquer pour qu’il sache qu’on n’est pas fait de la même fibre.

Gilbert Diendéré et Boureima Kiéré ont-ils toujours été du même tandem ?

Bien sûr, c’est Diendéré qui est leur chef. Kiéré et ses hommes torturaient pour plaire à Diendéré. Il y a des gens qui ne sont pas véritablement courageux. Il y a d’autres qui savent bien anticiper la volonté du chef.

C'est-à-dire zélé ?

Exactement, sinon c’est Gilbert Diendéré qui est le responsable. Gilbert n’est pas courageux, mais il est malin. Il a eu deux mauvaises passes dont la dernière à savoir le coup d’Etat du 16 septembre 2015 qui l’a emporté. Pour le dernier coup, Gilbert s’est surestimé. Tel que je le connais, je ne crois pas que c’est lui qui a organisé le coup d’Etat. Comme il a l’habitude d’utiliser ses éléments pour faire de sales besognes, ceux-ci ont voulu lui faire plaisir en orchestrant le coup
d’Etat. Ils lui ont dit probablement que c’est son tour d’être président. Gilbert est assez pointilleux pour se mettre dans une telle situation. Il a voulu faire plaisir à ses éléments et en disant que cela a toujours marché depuis les fois passées. Il a oublié que ce n’est pas la même génération. Son premier échec, était d’avoir massacré Thomas Sankara au Conseil de l’entente.
Si Boukary le Lion n’avait pas réagi, à partir de Koudougou, Blaise allait trépasser après la mort de Thomas Sankara et Gilbert Diendéré allait s’emparer du pouvoir. C’est l’appel du Lion qui a freiné ses ardeurs. C’est pourquoi, Blaise Compaoré est resté dans ses souliers jusqu’à l’insurrection populaire où il est allé
l’installer à Abidjan. Il a pensé que Zida allait le mettre en scelle. Mais Zida est d’une autre génération et il le connaît.
L’expérience a prouvé que lorsqu’on sert Blaise Compaoré, il te laisse tomber après. Mais Gilbert, lui, il tue après. Zida a compris et est allé dans le sens de la vision de la jeunesse. Il s’en est tiré à bon compte.

Dans une déclaration, Valère Somé a relevé que si Diendéré parle, beaucoup de têtes vont tomber. Qu’en est-il
exactement ?

Je souhaite que Diendéré parle pour qu’on ne fasse pas les élections avec les faux jetons. C’est comme ce que j’ai dit précédemment, je ne suis pas sûr que
Diendéré soit l’initiateur de ce coup. Mais il a été mis devant le fait accompli. Il n’a pas été assez courageux pour dénoncer et accepter par conséquent cela va le bouffer. Si le Lion s’était tu, ce ne serait pas Blaise qui devrait être président mais Diendéré. C’est lui qui opère toujours. Les gens comme les Henri Zongo et Boukary Lingani qui étaient des personnalités à l’époque ont été passées de vie à trépas en une nuit sans que rien ne se passe. Ensuite, il y a eu Clément Oumarou dont dans son unité s’opérait toujours les sales besognes. Chaque fois qu’une situation se passe, il recompose avec des civils. Les civils qui ont maquillé les faits et qui sont dans les partis d’opposition doivent être démasqués avant qu’on ne passe aux élections.

A qui faîtes-vous allusion quand vous parlez de civils collaborateurs de Gilbert Diendéré ?

Les civils avec Blaise Compaoré, j’en connais mais avec Gilbert Diendéré, je n’en connais pas. Ce qui est sûr, il a fait toujours partie d’un groupe où il y a toujours des civils. Diendéré n’a jamais dirigé seul. C’est pourquoi, nous voulons qu’il parle. Salif Diallo, Etienne Traoré, Roch Marc Christian Kaboré ont coopéré au départ pendant le Front populaire avant de s’en séparer.

Pensez-vous que Gilbert Diendéré sera jugé après ou avant la Transition ?

Le pouvoir ne s’est pas pris tôt parce que les événements se sont déroulés, le 16 septembre 2015, et nous sommes déjà au 6 Octobre 2015. Je ne souhaiterais pas que son procès soit bâclé.

Seriez –vous pour la prolongation de la Transition pour évacuer des questions urgentes avant les élections ?

Je voudrais être en rapport avec une sagesse de mon village : Si on veut traverser une zone argileuse, c’est celui qui marche lentement qui s’en tire en sachant où mettre ses pas. Si on part rapidement on tombe mais avec des grands pas, on dépasse la zone argileuse sans se rendre compte. Pour moi il ne faudrait pas que ce travail soit bâclé. Cela était possible si on avait fait fi de la camisole de force que l’environnement international nous a passée. En ce moment on aurait pris le temps de bien regarder où mettre les pieds. Actuellement, nous parlons partout d’élections et il y a même un des acteurs des élections qui dit vouloir démissionner de la CENI si toutefois, il y a une prolongation. Cela veut dire qu’on n’a pas les mêmes appréhensions. Moi, je ne suis pas pressé d’avoir un président. Je suis plutôt préoccupé par l’obtention d’un cadre qui permet de faire des élections libres et même d’anticiper sur certaines personnes qui ont posé des actes d’une certaine nature. Aussi, est-il préférable d’avoir un système d’élection et de consultation à notre niveau, en fonction de nos moyens. Actuellement le Burkina n’a aucun moyen de faire les élections si cela ne vient pas de l’extérieur.

La situation financière du pays est peu enviable avec le putsch qui a enfoncé le clou. Ne faut-il pas agir vite pour éviter le gouffre à notre pays ?

Mais justement nous devons dire à nos partenaires techniques et financiers qu’à partir du moment où vous êtes conjoncturels, laisser un cadre ou toute aide qui nous permettra de nous développer. Ce raisonnement catastrophique qui parle d’activité économique est maladroit. A cette époque, l’économie était pour qui ? Ce n’était pas pour le peuple. L’activité économique qui devrait aider le peuple, on ne l’a jamais mené. On n’a jamais mené des activités qui permettent à tous les enfants burkinabè d’aller à l’école, qui ne permettent à toute personne ne se sentant pas bien d’avoir accès au premier soin. Allez-y voir à Ouaga 2000 et comparer cette zone à celle de Nagrin qui est juste à côté. Le peuple ne profite pas des activités économiques dont vous parlez. Pour que le peuple soit servi, il faut qu’il y ait un cadre où il va de façon harmonieuse avancer. Donc si on se presse pour faire des élections, on aura certes un chef, mais ce ne serait probablement pas le bon. Parce que le système électoral tel qu’on nous l’impose n’est pas bon. Nous devrons avoir des cadres de consultations qui puissent être organisés par les communes, les provinces et comptabiliser les choses dans notre contexte et dans la
limite de nos moyens.

Pensez-vous que l’arrestation de Gilbert Diendéré et l’enclenchement d’une information judiciaire sur lui permettra un dénouement définitif du dossier Thomas Sankara ?

C’est possible si Gilbert Diendéré explique pourquoi il est allé le massacrer. Si ce n’est pas pour prendre le pouvoir comme moi je le prétends, s’il a été sous les ordres d’un président ou d’un chef d’Etat-major de l’époque au moins on le saura. Il ne peut ignorer qui était là et qui a fait quoi. Il ne peut pas le nier, il l’a dit dans un document anglais : « on m’a dit de le détruire et je l’ai détruit». Et il a même expliqué que c’est lui qui a dit à Blaise que la mission est terminée. La responsabilité à ce niveau est facile à situer. Donc s’il y a des responsables, le jugement est aussi facile.

Est-ce lui qui a exécuté ?

En matière militaire, tes hommes ne peuvent pas exécuter une tâche sans tes ordres. Il faut assumer. Ou bien tu les commandes ou tu ne les commandes pas. Et là ce ne sont pas tes hommes. Ou tu les dénonces et on les enferme.

On a vu avec le putsch lorsqu’il cherchait une échappatoire, il a dit qu’il ne maitrisait plus ses hommes et que c’est ce qui a fait trainer la résistance mettant en difficulté le processus de désarmement. Les mêmes causes ne produisent-elles pas les mêmes effets ?

Il ne pourrait pas, parce qu’il a eu le temps de le dire et il ne l’a pas fait. Et je pense qu’un bon interrogatoire à son niveau pourrait aider à avancer dans le dossier Thomas Sankara. Peut-être pas lui seul, mais il est le mieux indiqué. Sinon que la personne qui doit justifier ces actes, c’est bien Blaise Compaoré, parce que c’est lui qui a assumé. Il a agi avec Gilbert Diendéré, Hyacinthe Kafando et bien d’autres. Et il y a aussi des civils qui l’ont aidé à assumer ce coup d’Etat. Après le 15 octobre 1987, il a travaillé avec des gens qui ont accepté que c’était juste ce qu’il a fait et qu’ils l’ont même aidé à justifier cet acte. Ils se sont baladés un peu partout pour expliquer la raison qui a prévalu au coup d’Etat. Les concernés sont encore là. Pour les noms ce n’est pas difficile. Il n’y a qu’à prendre un journal de l’époque et vous verrez leurs noms. Achille Tapsoba, Jean Marc Palm, Etienne Traoré, Salif Diallo, ils ont tous expliqué la raison de la rectification. Donc, il faut assumer. C’est par la suite qu’ils ne se sont pas entendus et chacun est parti de son côté.

Bientôt le 15 octobre date de l’assassinat de Thomas Sankara et de la prise de pouvoir de Blaise. Enfin un boulevard pour aller vers la vérité ?

La vérité peut jaillir, si les autorités actuelles permettent aux juges d’avoir tous les moyens. Quand je dis moyens je ne parle pas de moyens financiers, je parle des moyens d’actions pour conclure le dossier. Sinon l’approche de la date n’est plus un évènement. Seulement avec le départ du RSP, cela doit faciliter la réponse à certaines questions et cela peut aider le juge. Nous sommes dans une situation où il y a plus de 28 ans qui se sont écoulés. Dans cette situation seules les preuves écrites peuvent ne pas être déformées. Il y a des personnes qui étaient des acteurs clés qui ne sont plus de cette terre.

Mais ceux à qui le crime a profité sont vivants ?

Oui ! Ils le sont effectivement et c’est pourquoi je dis qu’il ne faut pas que l’on se presse pour aller aux élections sans établir la responsabilité de chacun dans les drames passés. Parce que s’il y a un dénouement d’une situation et que quelqu’un s’est bien positionné après les élections, vous faites quoi ? C’est de cela que je parle des possibilités d’anticiper les élections. Nous sommes en train d’aller aux élections avec des potentiels criminels, des personnes qui, à un moment donné, ont posé des actes ignobles au sein de la société. Ils ne sont pas frappés d’inéligibilité parce qu’ils n’ont jamais été jugés, mais si ces gens arrivent au pouvoir que pouvons-nous faire ? C’est pourquoi je dis que ce n’est pas la peine de se précipiter pour aller aux élections avec des inconnus d’une telle taille. Mais naturellement quand vous regardez ces gens qui foncent aux élections, c’est le poste de président qui les intéresse. Ils ne savent pas que s’ils ne balisent pas bien le terrain, ils peuvent être élus et ne pas pouvoir gouverner. Ce qui intéresse la masse, ce n’est pas les élections, ils veulent être soignés, pouvoir envoyer leurs enfants à l’école, ils veulent avoir une carrière et ça ce ne sont pas les tribunaux qui peuvent nous le donner sur un plateau doré. Mais les tribunaux peuvent nous permettre d’épingler ceux-là qui nous ont amenés dans cette situation. Cela permettra à une personne qui a une nouvelle vision de pouvoir gouverner et apporter un souffle nouveau. Cela fait 28 ans que la magouille a permis à des gens d’avoir des postes dans ce pays. Le népotisme, le favoritisme, la corruption ont été installés. La base sur laquelle nous nous référons pour édifier une nouvelle société, ce sont des faux jetons. Par exemple, si moi, on m’a mis dans un poste pas à cause de mes diplômes mais parce que je connais un tel, il ne faut pas compter sur moi pour lutter contre ce régime. Le départ du RSP et de Blaise devrait permettre à des sages de faire une réflexion sur comment bâtir une nouvelle société.

Pensez-vous à une Conférence nationale ?

Je n’ai pas eu le temps de voir l’efficacité d’une Conférence nationale. J’aurais préféré qu’il faille prendre le rapport de la Commission nationale de la réconciliation et des réformes et appeler ceux qui sont indexés dans les crimes économiques et autres de venir s’expliquer. L’essentiel est qu’il faut travailler à éloigner les uns et les autres de l’esprit du gain facile. Il nous faut reconstruire les bases qui nous ont permis d’être intègres.

Quels sont vos souvenirs agréables et vos regrets de la Révolution ?

Le souvenir que je retiens, c’est l’enthousiasme, l’acceptation et l’exécution des mots d’ordre par la population. Je souhaiterais dans ma vie revivre une telle période. Les regrets, il y a eu des gâchis. Par exemple, ils sont allés bruler l’Observateur Paalga et aussi les exécutions physiques à cause de leur engagement politique étaient regrettables. En ce qui me concerne, je suis en train de militer pour que les Kiéré et Gilbert que l’on a arrêtés puissent s’expliquer. Sous le CNR, il y a eu aussi des exécutions de ce genre et cela aussi fait partie de mes regrets.

Pourriez-vous faire un témoignage sur l’assassinat de Thomas Sankara par exemple ?

Je n’étais pas là lorsqu’on l’exécutait. Si j’étais là, je pouvais apporter mon témoignage en fonction de ce que j’aurais vu. Mais hélas moi je témoigne sur la barbarie du RSP, de la gendarmerie et des militaires au Conseil de l’entente.

Quid de Djibrill Bassolé et de Gilbert Diendéré qui sont inculpés déjà dans le coup d’Etat ?

C’est Djibrill Bassolé qui a été le premier à avoir mis dans la tête des gens et de ces partisans qu’il ne pouvait pas être exclu au motif qu’il a ses moyens et ses relations. S‘il est établi qu’il est impliqué dans le coup d’Etat, il est beaucoup plus coupable parce qu’il est plus politique que Gilbert. Ce dernier est féroce et a son arme et sa troupe. Djibrill est passé commandant de gendarmerie, ministre de l’intérieur, ministre des Affaires étrangères. Il est beaucoup connu et plus politique et il était par conséquent mieux renseigné qu’au stade où nous étions, un coup d’Etat n’était pas favorable. S’il est coupable, c’est qu’il a garanti à ses hommes qu’il a ses relations et ses moyens. Je ne souhaite pas qu’il soit coupable parce que si c’est le cas, il serait moins pardonnable que Gilbert. S’il est partie prenante dans cette affaire, il aurait plus fauté que Gilbert.

Avez- vous quelque chose à ajouter pour conclure?

Je voudrais que le peuple burkinabè devienne indépendant. Nous aurions pu dire à la CEDEAO, à la France ou aux Etats-Unis certes qu’ils nous aident mais de nous laisser régler nos différends et convenir de ceux qui peuvent nous représenter
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