Les représentants des médias ont été reçus en audience par le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, en début d'après-midi du mardi 6 octobre 2015 à la primature. Cette rencontre visait à témoigner de la solidarité du gouvernement aux médias pour le lourd tribut que les organes de presse ont payé pendant le temps qu'a duré le putsch du 16 septembre dernier en n’adhérant pas au projet de Diendéré.
Deux bonnes heures, il n’en aura pas fallu moins pour le cœur à cœur entre le Premier ministre et les hommes de médias. Ils ont en effet partagé leurs expérience amères pendant et après le putsch du 16 septembre dernier orchestré par l'ex-RSP.
Tour à tour, les representants de la presse ont temoigné des stigmates matérielles, physiques et morales dont ils ont été victimes et dont certains sont encore visibles. Pour l'ensemble de la presse c'était un choc psychologique, un traumatisme, car tous les journalistes ont plus ou moins bavé soit en voyant leur outil de travail endommagé, soit en étant brutalisés.
"Nous étions pris entre service public et manifestants, donc ce n'était pas évident à gérer. Nous avons expliqué comment les travailleurs ont passé ces moments difficiles et c'était une riche expérience d'entendre ce que les autres ont vécu. Nous avons par ailleurs relaté la manière dont nous avons résisté puisqu'il était question que la RTB présente un journal normal et la rédaction a résisté en faisant le strict minimum", a expliqué Danielle Bougaïré, la directrice générale de la RTB .
Une fois n'est pas coutume pour celui qui s'est souvent laissé aller dans les digressions, Moustapha Thiombiano, P-DG du groupe Horizon, qui a relevé le sentiment général : "On a eu chaud, nous vous soutenons, alors soutenez-nous".
Cette rencontre a été le lieu de poser certains problèmes déjà connus et d'autres plus circonstanciels puisque radios, télévisions et organes de presse ne diffusaient plus et autant de jours sans paraître ou émettre sont des périodes sans recettes alors que dans le même temps les charges demeurent : salaires, impôts, cotisations sociales dues à la CNSS.... si bien que certains tels Souleymane Traoré du journal Le quotidien se demandaient s'il ne pouvait pas y avoir une espèce de moratoire dans le payement des impôts.
Un appel qui n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd puisque le chef du gouvernement a affirmé que si les médias ont payé un lourd tribut à ce putsch, c'est parce que les journalistes ont fait le choix de ne pas accompagner "l'imposture". Et c'est d'ailleurs ce que les putschistes ont tout de suite compris.
Le gouvernement de la transition compatit donc à la douleur des organes de presse et se dit disposé à accompagner les médias dans la restitution des outils de travail endommagés. Il a alors pris l'engagement selon Rémi Dandjinou de dédommager les médias victimes, de revoir la subvention à la hausse et la possibilité de la mise en place d'un fonds de soutien aux entreprises de presse.
Mon général, prions
Les journalistes se sont aussi enquis de l'état de santé du PM et de quelques détails sur les conditions de sa détention. C'est d'ailleurs la gorge encore nouée par l'émotion à l'évocation de ce souvenir douleureux qu'il a parlé des conditions de sa détention et ce jusqu’au menu.
Il a ainsi fait cas du café qu’Augustin Loada (ministre de la Fonction publique détenu avec lui dans la même pièce) et lui refusaient de boire ou des somnifères qu'ils se gardaient de prendre par précaution jusqu'à son face-à-face presque tragique avec le général Diendéré une nuit vers 3h du matin.
Il a demandé au général Diendéré s'ils pouvaient tous les deux prier ensemble, il n'y a pas trouvé d'objection et le pasteur Zida a prié. Il a également reçu la visite de l'ambassadeur américain Tulinabo Mushingui qui dès qu'il est entré dans sa cellule a d'abord voulu lui faire une photo avant même de le saluer pour la simple raison que dehors on le prenait pour mort.
"On croyait que le PM était mort. Moi personnellement j'ai appelé un commandant de l'armée américaine à Washington qui m'a assuré qu'il n'est pas mort", a confié Moustapha Thiombiano de Horizon FM.
Il est également ressorti de ces échanges que contrairement à ce que pensent beaucoup de Burkinabè, il n’y a pas que du mauvais au RSP. A en croire Rémi Dandjinou de Burkina Info, certains de ses anciens élèves membres de ce corps l'avaient prévenu du danger qu'il pouvait courir. Ce témoignage vient donc corroborer la thèse défendue également par le PM selon laquelle la majorité silencieuse et sans doute apeurée du RSP a été entraînée dans cette aventure.
Ebou Mireille Bayala