Les partis politiques burkinabè en lice pour la présidentielle initialement prévue le 11 octobre, "battent campagne" pour la tenue des élections "le plus rapidement possible" après le putsch manqué de l’ex-garde présidentielle (RSP) la mi-septembre contre le pouvoir de transition.
Ces formations, essentiellement celles dont des candidats figurent parmi les 14 retenus par le Constitutionnel à la présidentielle, ne tarissent pas d’arguments pour montrer la nécessité pour elles, de "mettre fin à la transition", multipliant les conférences de presse et des déclarations largement divulguer sur les réseaux sociaux.
"Il faut mettre un terme le plus rapidement possible à la transition (car) plus la transition dure, plus le risque d’instabilité est entretenu et les investisseurs ne sont pas rassurés", clame Clément Sawadogo, secrétaire général du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), le parti du candidat Roch Christian Kaboré.
Le 16 septembre, l’ex-garde prétorienne (RSP) de l’ex-président Blaise Compaoré (1987-2014) - exilé en Côte d’Ivoire voisine depuis sa chute début novembre 2014 -, a perpétré un putsch qui s’est heurté à des manifestations populaires de "rejet" au plan national et international.
Ce coup mené par le général Gilbert Diendéré (55 ans) qui dirige ce corps depuis sa création en 1995, a sonné le glas d’une profonde crise née au lendemain de la démission forcée de M. Compaoré, avec le Premier ministre Isaac Zida, numéro deux de l’ex-RSP jusqu’à sa désignation comme "chef de l’Etat" par la hiérarchie militaire avant de laisser le pouvoir à un civil.
Des éléments de l’ex-RSP, alors hostiles à la dissolution de leur unité (1.300 hommes), avaient fait intrusion en plein Conseil des ministres et ont retenu en otages le président Michel Kafando (73 ans), le lieutenant-colonel Isaac Zida (50 ans), les ministres de la Fonction publique Augustin Loada et de l’Habitat René Bagoro avant de les relâcher progressivement.
Avec la dissolution de ce régiment par décret présidentiel le 25 septembre, "nous osons croire que (…) nous avancerons rapidement vers l’organisation d’élections", a déclaré samedi le candidat du parti "Le Faso autrement", Ablassé Ouédraogo, face à la presse à Ouagadougou.
Il est préférable que le scrutin ait lieu "dans les prochaines semaines si ce n’est dans les prochains jours", a-t-il insisté.
D’emblée, en signe de pressentiment, pour calmer le jeu, le président de la transition a promis depuis son premier discours à la nation d’après-putsch prononcé le 23 septembre, la tenue des "élections (mais) après avoir naturellement pansé les plaies" ouvertes par le coup d’Etat.
"La transition ne peut pas tout faire ni tout régler. Son objectif ultime, faut-il le rappeler encore, n’est-il pas d’ailleurs d’organiser des élections ?", s’interroge Ablassé Ouédraogo, qui a récemment reçu le soutien de sept partis politiques.
Depuis, le gouvernement réitère sa volonté de programmer une nouvelle date après de "larges concertations" avec les parties signataires d’une charte qui régit la transition (société civile, partis politiques, armée entre autres).
Le MPP attend "de pieds-ferme" cette rencontre "pour faire valoir" sa proposition du 8 novembre pour la tenue de la présidentielle, selon le parti.
L’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), le parti du candidat Zéphirin Diabré qui a dirigé l’opposition au moment du soulèvement populaire qui a balayé les 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré, souhaite qu’elle ait lieu la "mi-novembre".
"Justice sur le putsch"
Le mouvement syndical comptait à rebours les trois semaines qui restaient à la transition, pour constater les premières concrétisations des engagements pris en leur faveur par le gouvernement début septembre, notamment la promesse d’"une baisse significative sur les prix des hydrocarbures" dès le 1er octobre.
Le préjudice financier causé par le coup d’Etat est estimé à plus de 50 milliards FCFA, soit "9.713.540.415 FCFA" de perte pour les douanes, contre "30,80 milliards de francs CFA sur le plan de la trésorerie (et) environ 11 milliards de francs CFA au niveau des impôts", selon le gouvernement.
L’Unité d’action syndicale (UAS) entend se dresser "contre toute amnistie pour les putschistes", selon son porte-parole Bassolma Bazié.
Dimanche, le Tribunal militaire s’est saisi du dossier en plus d’une commission d’enquête mise en place par le gouvernement, et dont le rapport est attendu fin octobre. Une quinzaine de militaires dont le général Diendéré sont déjà détenus à la gendarmerie.
Trois civils notamment un cadre du parti de Blaise Compaoré, Léonce Koné qui a soutenu publiquement le coup d’Etat qui a fait officiellement au moins 14 civils morts et 251 blessés, sont en garde à vue depuis lundi, dans le cadre de l’enquête.
Dès le constat d’échec du coup de force, les organisations de la société civile, notamment le principal mouvement "Le Balai citoyen", qui s’est illustré dans les manifestations "anti-Compaoré" fin octobre 2014, ont appelé leurs militants à se démarquer "des règlements de comptes", les invitant à "laisser la justice faire son travail".
Toutefois, la Convention des organisations de la société civile pour l’observation domestiques des élections (Codel) souhaite "la tenue du premier tour des élections au plus tard le 22 novembre".
- La pression internationale –
François Hollande a rencontré lundi son homologue ghanéen John Dramani Mahama et "les deux présidents ont appelé à des élections rapides", a annoncé dans la matinée un communiqué de l’Elysée.
Concomitamment à Ouagadougou, atterrissait l’avion de la cheffe de la mission d’observation des élections de l’Union européenne au Burkina Faso, l’Italienne Cécile Kyengé. Elle vient prendre la tête de 80 observateurs européens sur place depuis deux semaines.
Après le putsch qui qui a officiellement causé au moins 11 civils morts et 271 autres blessés lors les manifestations, "à présent il faut faire confiance à la justice, travailler pour la réconciliation et la tenue d’élections apaisées", hiérarchise l’ambassadeur Etats-uniens Tulinabo Mushingi sur ses réseaux sociaux.
Mais pendant ce temps, "la transition poursuit sa traque des putschistes", titre le journal en ligne "Jeune Afrique" sur son site lundi.
HZO