Alors qu’il occupait le poste de chauffeur au sein de l’ONG Medicus-Mundi, basée alors à Koudougou, Pascal Koudnoaga Zoma, né le 22 février 1951, reçoit le 11 février 1997 une correspondance l’informant qu’on a besoin de lui au palais de Justice. Il s’y rend, mais n’en ressortira que 5 mois et 4 jours plus tard. Jeté qu’il a été en prison après qu’il eut décliné son identité au juge d’instruction, sans qu’on lui dise de quoi il était accusé ni qui se plaignait contre lui. Depuis 2006, il avait entrepris moult démarches pour obtenir justice et réparation, sans succès jusqu’à ce jour. Le jeudi 11 avril dernier, il nous a fait le récit de son éprouvant feuilleton, soutenant, le vague à l’âme, que sa vie n’a plus de sens.
‘’Le cas de Pascal Zoma est un droit imprescriptible’’, affirme le mandataire de l’intéressé, Pierre Lalsaga. Voici l’histoire de ce monsieur de 62 ans, visiblement marquée par les écueils, telle que contée par son avocat, Ali Néya, dans une lettre adressée au ministère de la Justice en date du 09 juin 2006. Le 5 février 1997, Pascal K. Zoma, chauffeur depuis 1995 à l’ONG Medicus-Mundi, a été convoqué pour le 11 février 1997 par le président du Tribunal de Koudougou. Il s’y rend à la date indiquée et on lui dit d’attendre le juge d’instruction. Une fois arrivé, le magistrat instructeur, après s’être enquis de son identité, ordonna à un GSP de l’incarcérer à la Maison d’arrêt et de correction de Koudougou.
Pascal Zoma resta ainsi aux oubliettes sans visite de sa famille qui ne savait pas où il était. Selon ses propos, il y contracta une maladie de l’appareil génital qui le ronge jusqu’aujourd’hui, faute d’argent pour se soigner. Ce n’est qu’en mai 1997, à la suite d’une perquisition de la police chez lui, sans qu’il en ait été informé, que sa famille saura qu’il est en prison. Le même mois, il est interrogé par la police sur des choses totalement inconnues de lui. C’est enfin le 14 juillet 1997 que le juge d’instruction le fit comparaître pour ordonner sa mise en liberté. Sur son attestation, il est mentionné qu’il a été incarcéré pour vol.
Le 22 juillet 1997, son employeur, Medicus-Mundi, le licencia pour perte de confiance consécutive à son incarcération. En février 1999, le Tribunal du Travail a déclaré abusif ce licenciement, mais le jugement n’a pu être exécuté, car, entre-temps, Medicus-Mundi a fermé ses portes et transféré son actif à l’hôpital de l’Amitié de Koudougou qui, lui, dit ne pas se sentir le devoir de donner suite au verdict. En juin 1999, Pascal Zoma écrit au Collège de sages et le 28 février 2001, il dépose son dossier au Fonds d’indemnisation des personnes victimes de la violence en politique, et cela sans succès. Nouvel échec en 2006 quand il fit appel au médiateur du Faso. Maître Ali Néya poursuit en faisant remarquer que ‘’Pascal K. Zoma est rongé par une maladie attrapée en prison. Il est sans emploi, car licencié pour avoir été arbitrairement arrêté et incarcéré. Sa femme et ses enfants sont dans la rue. Ses enfants sont expulsés de l’école, faute d’argent pour payer leur scolarité’’. Me Ali Néya termine en demandant au ministre l’obtention d’une réparation pouvant être évaluée à 30 000 000 de F CFA.
Incarcéré sans mandat ni plainte, et sans avoir été auditionné
Dans sa réponse en date du 27 septembre 2006, le ministre de la Justice indique que Pascal Zoma était poursuivi pour vol de la somme de 850 000 F CFA au préjudice de Léandre Francis de l’ONG Medicus-Mundi. Le ministre précise que Pascal Zoma a été détenu pendant plus de cinq mois pour les besoins de l’enquête. Et qu’en conséquence, sa détention ‘’ne présente aucun caractère arbitraire et nous ne pouvons donner aucune suite favorable à votre requête’’. Pierre Lalsaga, qui a aussi adressé sur demande de Pascal K. Zoma, une correspondance au juge, explique que celui-ci a déclaré l’irrecevabilité en ne tenant compte que de la lettre du ministre, alors qu’il s’agit là d’un recours de plein contentieux et non d’un recours gracieux. ‘’On lui a remis une convocation et non un mandat.
Quand il a décliné son identité, on lui a mis les menottes et on l’a jeté en prison sans mandat de dépôt, sans audition, sans chef d’accusation. On n’a jamais, depuis, prouvé qu’il y ait eu vol, car il n’y a jamais eu de plainte de la part des responsables de Medicus-Mundi concernant un vol d’argent. Et nulle part, il n’est mentionné un trou de 850 000 F CFA dans les comptes de l’ONG. Le fond du problème n’a jamais été examiné. Chaque fois on s’arrête à la forme. Dans une telle affaire, il n’y a pas de prescription’’, précise Pierre Lalsaga. Pour lui, même si la procédure avait été suivie, dès qu’on se rend compte que l’individu est innocent, on doit le dédommager. Pierre Lalsaga fonde son argumentaire sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 qui stipule que ‘’tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation’’.
«Je ne sais pas ce que j’ai fait pour mériter un tel calvaire. Quand je pense que j’aurais pu mourir en prison, sans raison. Depuis plus de dix ans, ma vie n’est que cauchemar et n’a aucun sens. Je m’en remets à l’opinion pour m’aider à avoir le dessus sur l’arbitraire, le mépris et l’indifférence», a lancé Pascal Koudnoaga Zoma, soutenant être depuis dans le dénuement le plus total.