Le Burkina a ratifié et adopté plusieurs textes relatifs aux droits des personnes handicapées. Aussi, les associations qui s’investissent dans le créneau pullulent et les fora sur la problématique se multiplient, signes de la détermination des uns et des autres à améliorer la situation de ce public cible. Tel n’est cependant pas le cas des résultats de la lutte. Même les droits les plus élémentaires de cette catégorie sociale se trouvent encore brimés de nos jours. Nous en voulons pour preuve le spectacle désolant et révoltant qu’il nous a été donné de voir la semaine dernière au pied d’un bâtiment public. En effet, un handicapé moteur a été invité à participer à un atelier au premier étage de cet immeuble qui n’est pourtant pas muni de rampe d’accès. Conséquence, c’est le cœur meurtri que ce participant, à part entière mais hélas entièrement à part, a été contraint de repartir, si on ose dire, sur ces pas.
Faut-il en rire ou en pleurer ? Au pied d’un immeuble est assise sur son tricycle, documents sous l’aiselle, toute désemparée, une personne handicapée (PH). Au premier étage de la bâtisse se tenait le mercredi 17 avril 2013 un atelier de formation organisée par le CAPES et à laquelle elle a été invitée à participer. En plus, il s’agit d’une rencontre la concernant directement car portant sur la «Convention relative aux droits des PH et sur la vie citoyenne».
Dommage, car contrairement aux autres séminaristes «valides», Henri Koné, venu représenter la Fédération burkinabè des associations pour la promotion des personnes handicapées (FEBAH) ne pouvait pas avoir accès à la salle de formation, faute de rampes d’accès. Il n’avait donc d’autre choix que de rebrousser chemin, l’air remonté, pour laisser les autres discuter de sa propre situation. On comprend que dans ces conditions, «Vous repartez ? pourquoi ?», sonne comme de la provocation mais la réponse simple ne s’est pas fait attendre. «Ce n’est pas accessible (le bâtiment : ndlr). Je vais faire comment ?», lâche-t-il tout en continuant son chemin. Pas besoin de demander s’il est fâché, car il l’est vraiment et ne cache pas son sentiment. «C’est frustrant. Je ne peux pas imaginer que je sois invité et que je ne puisse pas prendre part aux travaux tout simplement par faute de rampe d’accès à la salle. Et tout ça tant d’années après l’adoption de la Convention par notre pays. C’est inimaginable…», confie-t-il et d’ajouter avant de tourner définitivement dos que son souhait est qu’au sortir de cet atelier des solutions concrètes soient trouvées aux difficultés auxquelles sont quotidiennement confrontées les PH.
Tout comme M. Koné, elles sont nombreuses ces personnes à vivre de tels cauchemars au quotidien. Chose incompréhensible cependant, les acteurs de défense de leurs droits ne baissent pas les bras et même que leur nombre ne cesse d’augmenter sur le terrain de la lutte. Qu’est-ce qui cloche donc dans cette affaire ? Les acteurs nourrissent-ils des ambitions inavouées et leur agenda serait-il autre que celui de ces pauvres hères qu’ils sont censés défendre?
Ousséni Badini de Handicap international, témoin oculaire de cette lamentable scène, explique : «Certes, il y a un nombre important de mesures réglementaires que notre pays a prises mais qui, malheureusement, ne sont pas du tout appliquées. Ce que nous voyons ce matin est déplorable, car on ne peut pas prétendre assurer une implication effective des PH dans les processus de développement si ces personnes là, invitées à des cérémonies ou à des ateliers de formation sur la Convention relative à leurs droits, n’arrivent pas à avoir physiquement accès à la salle de formation. Mais il faut aussi voir le fait que ce triste événement met ceux qui ont voté les lois en faveur des PH en situation réelle d’exclusion. Cela revient à dire que les textes sont beaux, mais les gens n’arrivent pas à les intégrer dans leur quotidien.
Le côté positif de cette situation est également que quelque part, elle interpelle les autorités et les organisateurs de telles manifestations à plus de vigilance, à faire en sorte qu’il y ait des aménagements raisonnables afin de permettre aux PH de pouvoir avoir accès aux bâtiments. Nous ne disons pas qu’il faut refaire la roue, mais il suffit simplement d’y songer souvent. Pour le cas présent, il suffisait simplement de trouver une salle au rez-de-chaussée. Je pense que cela nous sert de leçon et nous allons interpeller à l’avenir tous ceux qui organisent des ateliers sur la question». Vivement donc que des mesures idoines soient prises afin de permettre aux PH, enfin, de jouir pleinement de leurs droits au lieu de rester là à mener des luttes qui n’en valent pas la peine comme par exemple celle concernant leur appellation. «Personnes en situation de handicap», «personnes vivant avec un handicap» ; «personnes handicapées». Pourvu seulement qu’on veille au respect de leurs droits, car en vérité ils sont nombreux, ceux qui pensent que les handicapés sont souvent des faire-valoir sur le dos desquels on casse du sucre et où se construisent des bunkers. Sans rampe d’accès naturellement...