Ostracisé par les organes dirigeants de son parti, abandonné par l’administration, pourtant garante de la loi, il est aujourd’hui aux yeux de bien des notabilités politiques proches du pouvoir l’homme qui sent le soufre.
Son seul péché : avoir exercé son droit en se présentant à un scrutin, puis en remportant un poste de maire. Donc pour avoir cru au code électoral de son pays, un citoyen s’en trouve être l’ennemi public numéro 1 d’une nomenklatura qui ne reconnaît au dessus d’elle l’autorité de personne et de rien.
Surtout ne vous méprenez pas, cette affaire ne se passe ni dans la Russie de Poutine ni sous la démocrature de Robert Mugabe. Nous sommes bel et bien au Burkina Faso.
De quoi s’agit-il au juste ? De ce déni de démocratie qui s’est installé à l’arrondissement 4 de Ouagadougou, regroupant les quartiers Tanghin, Sambin Barrage, Somgandé, Bendogo, Nioko II et Toukain.
Après avoir remporté en toute légalité et en toute légitimité l’élection au poste de maire de cette collectivité territoriale, Anatole Bonkoungou se voit interdit par une minorité vociférante et instrumentalisée d’exercer le pouvoir que lui a conféré la majorité des conseillers municipaux de sa circonscription. Sous l’œil sinon complice, du moins indifférent de l’autorité centrale.
Rappel des faits.
Ils sont nombreux à se souvenir encore de ce coup de théâtre dans la salle de conférences du secrétariat général de la commune de Ouagadougou, le 6 mars 2013, où avait lieu l’élection des membres du bureau de l’arrondissement 4 dans le cadre de la mise en place des bureaux d’arrondissement de la capitale.
En effet, ce jour-là, allant à l’encontre des directives de sa formation politique, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), Issa Anatole Bonkoungou pose sa candidature à la succession de Zacharia Sawadogo à la tête de l’arrondissement. Face lui, le candidat imposé par son parti, Modeste Compaoré. Ce qui devait passer pour une simple formalité tourne en une véritable déculottée pour le chouchou du CDP. Battu à 9 voix contre 11 pour Anatole, Modeste prend acte de sa défaite sans moufter. Les choix des deux adjoints au maire ainsi que des présidents de commission se déroulent également dans les règles de l’art démocratique. Aucune contestation n’est alors enregistrée. Comme l’attestent les procès-verbaux dûment signés et déposés auprès des responsables de l’administration centrale, dont le haut commissaire de la province du Kadiogo, président de la séance.
Mais cette victoire sans bavure va tourner plus tard en un véritable calvaire politique pour le nouvel édile.
Dès le lendemain, la fatwa des oulémas du CDP tombe sur la tête de «l’insoumis», avec sa suspension provisoire de tous les organes, instances et structures du parti. Motifs : indiscipline et manquements graves aux principes fondamentaux du Congrès pour la démocratie et le progrès (sic).
Le jeudi 14 mars 2013, c’était au tour d’une horde de militants et de membres du bureau de la section CDP de l’arrondissement de ruer dans les brancards ou plutôt de se ruer vers la mairie pour manifester contre la future installation d’Anatole Bonkoungou en criant à qui voulait bien les entendre : «Pour nous, Anatole n’est pas maire, seul le candidat du parti est notre maire». Comme s’il n’y avait qu’eux dans cet arrondissement.
Alors que l’on croyait que cette fronde n’était que l’œuvre de simples militants de base, l’on s’est rendu compte avec stupéfaction qu’on assistait là à un coup de force orchestré depuis le sommet.
En effet, le 9 avril 2013 a eu lieu la cérémonie de passation de service entre le maire sortant de l’ancien arrondissement de Nongr Massom et les maires des arrondissements n°05, n°09 et n°10. De la passation avec celui du n°4, Anatole Boukoungou, il n’en sera point ! Jusqu’à l’heure où vous lisez le présent article.
Comme on peut donc le voir, il y a un acharnement contre un citoyen proprement élu, et on nage en plein déni de démocratie et de justice de l’autre côté des eaux des barrages 2 et 3.
Que le CDP prenne des sanctions contre le maire élu pour indiscipline, on en convient. C’est même normal, car la force et la cohésion d’un parti reposent sur le respect strict des textes qui régissent son fonctionnement. Même si le pestiféré avait été exclu du parti ou même attrait devant une juridiction pour le fait qui lui est reproché, on n’aurait rien à redire. C’est une cuisine interne. Mais vouloir faire un hold-up contre la volonté de la majorité des électeurs d’un arrondissement, c’est là une forfaiture contre les principes élémentaires du suffrage populaire. C’est d’autant plus incompréhensible que cette tentative de coup de force est portée par le parti au pouvoir, qui devrait pourtant être le premier à respecter les règles de la démocratie.
En la matière, on notera que le CDP n’est pas à sa première conspiration : on se rappelle en effet des élections du conseil municipal de l’arrondissement 5, où le parti majoritaire, battu au sortir des urnes, est parvenu, grâce à des micmacs politiques, à marauder la victoire de l’UPC avec la complicité d’un élu de ce parti, le sieur Assibo Ouédraogo.
Voilà qu’ici encore, il veut rééditer son exploit avec peut-être la complicité de l’Administration, qui laisse faire.
Au cours d’un meeting de soutien au maire élu, organisé hier jeudi 18 avril sur le plateau de Somgandé, le «regroupement de militants de partis politiques et membres des organisations de la société civile pour la défense de la légalité et de la démocratie dans l’arrondissement 04» a d’ailleurs interpellé le Haut-Commissaire sur la situation : «Le conseil municipal et l’ensemble de la population de l’arrondissement 04 ne comprennent pas votre silence». On pourrait crier avec eux «mais allô quoi Monsieur le Haut-Commissaire !» (Lire aussi page…) pour reprendre l’expression chère à la star de téléréalité française Nabila.
Mais pourquoi diable cette agitation fébrile contre l’installation du nouveau maire ? Serait-il gênant pour certains ? Le soupçonne-t-on de vouloir faire la lumière sur la gestion de son prédécesseur ? Craint-on enfin, comme le pensent d’aucuns, qu’Anatole Bonkoungou ait décidé de donner un coup de pied dans la fourmilière de chenapans qui s’engraissaient de prébendes et autres kalaboulés autour des parcelles ? Ces questions méritent d’être posées quand on sait que l’ancien maire, Zacharia Sawadogo, un des instigateurs des manifs contre son successeur, est soupçonné à tort ou à raison d’avoir fait son trou sur les lotissements.
Comment comprendre cet activisme des gros requins si ce n’est dans l’optique de placer un homme de main qui viendra couvrir leurs méfaits, le cas échéant, pratiquer la stratégie du pourrissement en espérant l’instauration d’une délégation spéciale.
L’administration acceptera-t-elle de se prêter à ce jeu ?
Présent la semaine dernière à Tô à l’occasion de l’installation du maire de cette localité, le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Toussaint Abel Coulibaly, a affiché son opposition à tous ceux qui viendraient à entreprendre des actions tendant à empêcher la prise de fonctions des élus locaux. Alors, on l’attend sur ce dossier fétide de l’arrondissement 4.