La chute des cours des matières premières, combinée avec le ralentissement de l’économie chinoise, va entraîner un repli de la croissance économique de plus d’un point en Afrique selon la Banque mondiale. En conséquence cette institution de Bretton Woods exhorte les gouvernants africains à engager des réformes structurelles pour faire face à ce choc. C’est la conclusion du dernier rapport Africa’s Pulse qui a été lancé, hier 5 octobre 2015 à Washington, et suivi en visioconférence à Ouagadougou à l’instar de plusieurs capitales du continent.
A l’image du pétrole dont le cours a connu une baisse drastique depuis déjà plus d’un an, les autres matières premières connaissent un repli significatif qui affecte négativement le niveau des recettes de nombre de pays africains qui tirent l’essentiel de leurs revenus de la vente de ces produits d’exportation. Dans un pays comme le Burkina Faso, l’or et le coton constituent les principales sources de devises. Mais les cours de ces deux produits d’exportation ont baissé respectivement de 27% et 9%. Avec ces chiffres, pas besoin d’un dessin pour comprendre le manque à gagner dans les caisses de l’Etat.
Parce qu’elle suit l’évolution de l’économie mondiale, la Banque mondiale est très intéressée par les avatars de celle-ci. C’est la raison d’être des rapports régionaux sur l’évolution de l’économie que publie périodiquement cette institution de Bretton Woods. Concernant le continent africain, la Banque mondiale édite semestriellement un rapport, Africa’s Pulse, qui est une publication analysant les tendances et les dernières données économiques de l’Afrique.
La dernière édition d’Africa’s Pulse a été lancée le 5 octobre 2015 à Washington par madame Punam Chuhan-Pole, économiste en chef de la région Afrique par intérim et auteur principal de ce rapport. L’événement a été suivi par visioconférence dans les locaux de la Banque mondiale dans différentes capitales des pays de l’Afrique subsaharienne.
Le rapport souligne le contexte économique défavorable qui prévaut sur le continent et oblige à revoir à la baisse les prévisions de croissance économique. Ainsi, si en 2014 les pays africains au sud du Sahara ont réalisé 4,6% de taux de croissance, en 2015, ce même taux se situera à 3,7% ; donc à un niveau inférieur à 4,5% enregistré en 2009 après la crise financière mondiale.
Ce repli de l’économie africaine s’explique selon les auteurs d’Africa’s Pulse par «la chute brutale des cours du pétrole et des autres matières premières» comme l’or, le coton et divers minerais. Ce ralentissement de l’économie africaine était inévitable vu que beaucoup de pays sont dépendants de ces matières premières qui constituent souvent l’essentiel de leurs produits d’exportation.
La situation de l’économie chinoise a également impacté négativement l’évolution de l’économie mondiale et donc aussi de l’Afrique. En effet, selon Punam Chuhan-Pole, parce que Pékin est un très grand consommateur des matières premières africaines, toute baisse de la demande de ce pays se ressent durement sur le continent noir. A cette situation de morosité il faut ajouter l’insuffisance de la production d’électricité dans nombre de ces pays africains qui a accentué ces facteurs négatifs qui entravent leur croissance économique.
Pour Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique subsaharienne, en réalité, le continent vit une fin de cycle économique qui impose aux Etats de développer des initiatives pour diversifier leurs économies afin d’être résilients aux chocs économiques endogènes et exogènes. En effet, selon lui, «la fin du supercycle des matières premières constitue une opportunité pour ces pays de relancer leurs réformes afin de moderniser leur économie et de diversifier leurs sources de croissance».
Cela passe aussi par la mise en œuvre de bonnes politiques «pour stimuler la productivité agricole et réduire les coûts de l’électricité tout en en augmentant l’accès, ce qui permettra d’accroître la compétitivité et de soutenir la croissance de l’industrie légère».
Africa’s Pulse a noté une évolution positive dans la réduction de la pauvreté même s’il reste encore beaucoup de progrès à réaliser. Dans ce secteur, il faut avoir à l’esprit que l’Afrique est la seule région qui n’atteindra pas les Objectifs de développement du millénaire (OMD), à savoir réduire de moitié le taux de pauvreté d’ici fin 2015. Selon Punam Chuhan-Pole, si on veut réduire la pauvreté et changer la vie des gens, il faut agir sur les grands secteurs économiques qui les concernent, notamment l’agriculture.
Il y a également l’instabilité politique qui sape la croissance, car la fragilité institutionnelle impacte négativement la croissance économique.
Le prochain rapport Africa’s Pulse sera publié dans six mois.
San Evariste Barro