Le président du Faso, Michel Kafando, vient de prendre part à la 70e session de l’assemblée générale des Nations Unies. A cette occasion, il a prononcé un discours qui, de toute évidence, était attendu. Et pour cause, son pays, le Burkina Faso, était dans la tourmente depuis le putsch opéré le 16 septembre dernier par le général Gilbert Diendéré. La vaillance et le sacrifice de son peuple, alliés à l’esprit républicain de l’armée régulière, ont permis de mettre fin à l’imposture et à la barbarie de l’ex-RSP. C’est dans ce contexte que Michel Kafando s’est adressé au monde, du haut de la tribune des Nations unies. Et il ne s’est pas encombré de circonlocutions verbales dont seuls les diplomates ont le secret, pour dire les choses telles qu’elles se sont passées dans son pays et le sentiment que celles-ci lui ont inspiré: “Devant cette assemblée, je suis venu saluer la démocratie, devenue aujourd’hui un canon universel, sauf au Burkina où des prétoriens d’un autre âge, ramant à contre-courant de l’histoire, ont tenté de la confisquer pour assouvir leurs ambitions sordides.”, a-t-il martelé. Ces propos ne souffrent d’aucune ambiguïté. L’épisode tragique que le Burkina vient de vivre a renforcé le peuple dans ses aspirations à plus de liberté et de démocratie. Cela dit, et sans fausse modestie, l’on ne doit pas craindre d’affirmer que depuis les événements des 30 et 31 octobre derniers, le Burkina a gagné la sympathie des peuples qui, en Afrique et ailleurs, sont épris de justice, de liberté et de démocratie. De ce point de vue, l’on peut dire que dès que l’on évoque le nom du Burkina, l’on pense immédiatement à ce beau label que le pays incarne. Et cette réputation fait obligation aux autorités de la Transition et à l’ensemble des citoyens, de ne pas souiller ce beau label qui place le pays à l’avant-garde de la lutte pour la démocratie. La meilleure manière de le faire est de mettre à profit le procès des putschistes et l’organisation des élections à venir, pour prouver à la face du monde que le Burkina, en théorie comme dans la pratique, est un pays véritablement engagé dans la voie de la démocratie.
Les petits plats doivent être mis dans les grands pour que les scrutins soient propres
Relativement au procès des putschistes, les choses doivent se passer dans les règles de l’art. Aucun effort ne doit être ménagé pour garantir un procès transparent et équitable au général Diendéré et à ses complices présumés. Avant d’arriver au jugement proprement dit, toutes les interpellations des acteurs présumés du putsch doivent se faire selon les exigences du droit. Et leurs lieux de détention doivent être aménagés en tenant compte du fait qu’ils sont avant tout des Hommes et non des animaux. Ce faisant, l’on opèrera une rupture avec les pratiques des Etats d’exception et des pays pseudo-démocratiques. En effet, dans ce genre de pays, les endroits de détention des personnes accusées d’atteinte à la sûreté de l’Etat, sont très souvent des antichambres de la mort où les détenus, au quotidien, subissent humiliations et tortures. Il est vrai, certains parmi ceux qui auront à répondre devant les tribunaux dans le cadre de ce putsch, pourraient avoir fait subir à des Burkinabè ces mêmes pratiques, mais cela n’est pas une raison pour leur appliquer la loi du talion. L’autre opportunité qui s’offre au Burkina pour prouver qu’il est un pays arrimé résolument à la démocratie, la vraie, est l’organisation des élections à venir. A ce sujet, les petits plats doivent être mis dans les grands pour que les scrutins soient propres. Toutes les énergies doivent être déployées avant, pendant et après les élections pour traquer et punir tous les cas de fraudes, pour ne pas créer les conditions d’une éventuelle contestation des résultats. A ce propos, l’on se souvient que peu avant le putsch, la presse avait fait état de l’existence de cartes d’électeurs illicites. Il est impérieux, pour le gouvernement, de faire toute la lumière ici et maintenant sur cette affaire. D’ailleurs, les putschistes avaient brandi cela pour justifier, entre autres, leur forfaiture. Toujours à propos de ces élections, l’on assiste actuellement à une polémique sur la date de sa tenue.
Pour les uns, il faut d’abord rendre hommage aux martyrs avant de les tenir. Pour les autres, le plus urgent, ce sont les élections. Pour des raisons de convenance morale, la première hypothèse pourrait être la meilleure. En effet, il serait indécent pour les candidats, de se lancer dans la compétition, alors que les corps des jeunes gens qui ont été fauchés par les balles assassines du RSP, sont encore entreposés dans des morgues. Leur consacrer 2 à 3 jours pour permettre à la nation de leur rendre hommage et de leur garantir des obsèques à la hauteur de leur sacrifice, est un impératif catégorique pour reprendre l’expression de Kant. Pour toutes ces raisons, l’on peut dire à propos de l’organisation des élections et du procès des putschistes, que le Burkina est attendu au tournant. Il a l’obligation de bien le négocier pour ne pas prêter le flanc à tous ceux qui n’ont pas intérêt à voir notre pays relever comme il le faut, tous les défis liés à l’édification d’un véritable Etat démocratique.
SIDZABDA