Dans sa délégitimation du pouvoir de Alassane Ouattara, le Front populaire ivoirien (FPI) n’hésite pas à faire feu de tout bois. Le dernier exemple en date est l’appel lancé par le président par intérim de cet ancien parti au pouvoir au Parti démocratique de Côte d’Ivoire /Rassemblement démocratique africain (PDCI/RDA) afin qu’il rompe son alliance avec le Rassemblement des républicains (RDR) de Alassane Ouattara dans le cadre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Le plus sérieusement du monde, le parti de Laurent Gbagbo justifie son appel par le fait que le RDR a payé le PDCI/RDA en monnaie de singe. Pour étayer son propos, le FPI a pris l’exemple des dernières législatives, largement remportées par le RDR. Incroyable mais vrai ! Le parti de Laurent Gbagbo agit comme si l’ancien parti unique ivoirien était incapable de décider par lui-même et qu’il fallait l’aider. Mais de quoi se mêle le FPI ?
A ce que nous sachions, le PDCI/RDA n’a pas demandé l’avis du FPI avant de former l’alliance avec le RDR. Si ce parti doit rompre le pacte, ce ne serait pas sur des « conseils » d’un adversaire politique. Et puis, le FPI est-il au sein de l’alliance pour savoir que le PDCI/RDA est mal à l’aise ? Connaît-il les clauses pour en déduire aujourd’hui que ce parti a été payé en monnaie de singe ? Le parti de Henri Konan Bédié est allé de lui-même dans le cadre unitaire et s’il doit se retirer, ce serait de façon volontaire et sans contrainte. Apparemment, le FPI n’a cure de toutes ces considérations. Dès lors qu’il s’agit de mettre des bâtons dans les roues de Alassane Ouattara, ce parti, qui n’a jamais digéré son éjection du pouvoir, est prêt à s’allier même au diable. Son appel au FPI est à inscrire dans cette logique. Après avoir échoué à faire gripper la machine de la réconciliation, à prendre en otage les élections régionales et municipales du 21 avril par leur boycott, les frontistes s’attaquent aujourd’hui à l’attelage RDR-PDCI. Objectif : créer la zizanie et enrayer la mécanique qui a permis à Alassane Ouattara d’arriver au pouvoir. Pour cela, le FPI entend exploiter les mésententes et les frustrations qui ne manquent pas dans un regroupement, surtout à l’orée de joutes électorales. Si jamais ce parti parvenait à ses fins, c’est-à-dire provoquer le divorce entre le RDR et le PDCI, il entraverait sérieusement l’action de son meilleur ennemi politique. Nul n’ignore l’importance du PDCI/RDA sur la scène politique ivoirienne, bien qu’il ait été évincé du pouvoir à l’orée des années 2000. S’allier à un tel parti est toujours une bonne opération. C’est ce qu’a compris le RDR qui, faut-il le rappeler, est un parti de dissidents du PDCI/RDA. Avec le temps, le FPI a compris aussi qu’il ne peut pas ébranler Alassane Ouattara et son parti tant qu’ils auront comme allié le PDCI/RDA. L’union fait la force, dit-on. Et la meilleure façon de déstabiliser des personnes solidaires, c’est de les diviser. Sous nos tropiques, bien des politiciens adorent surfer sur les divisions, exacerber les différences même s’ils ont le mot unité à la boucle. C’est pourquoi le PDCI/RDA doit se méfier de cet appel du pied du FPI. Si ce parti s’est mué subitement en avocat-défenseur de sa cause, ce n’est pas pour rien. Il ne voit pas d’un bon oeil son alliance avec celui dont il ne pensait ni ne rêvait qu’il pouvait devenir, un jour, président de la Côte d’Ivoire. Dan son appel du pied au PDCI, le FPI fait mine d’oublier qu’il a des responsabilités à assumer : celui d’un parti ayant conduit à une guerre civile mais qui refuse de se repentir. Voilà ce qui devrait occuper le FPI.
