La rentrée judicaire 2015-2016 a eu lieu, hier jeudi 1er octobre conformément à la tradition, sous le patronage de Yacouba Isaac Zida, représentant le président du Faso. Cette reprise de l’ère post-coup d’Etat se tient sous le thème : «Le contrôle juridictionnel de l’activité administrative ».
La rentrée judiciaire 2015-2016, consacrée par une audience solennelle, se tient deux semaines après le coup d’Etat manqué de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), qui a ébranlé momentanément les institutions de la République. Eu égard à ce contexte dans lequel les juridictions burkinabè reprennent service, la ministre de la Justice, de la Promotion civique et des Droits humains, Joséphine Ouédraogo, a d’emblée rendu hommage aux victimes du putsch et loué le courage des acteurs du domaine, notamment des magistrats, qui ont plaidé pour un retour à l’ordre constitutionnel normal. Marque de reconnaissance, qui a permis à la vice-présidente du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de s’appesantir sur le thème «Le contrôle juridictionnel de l’activité administrative », qui a nourri les réflexions à cette rentrée. « Ce thème nous renvoie à une préoccupation d’actualité, car les conflits entre les particuliers et l’Administration se sont accrus ces dernières années devant les juridictions administratives.
Ces conflits font perdre aux contribuables burkinabè d’énormes ressources souvent liées au non-respect de certaines procédures », a-t-elle indiqué. En tout état de cause, a-t-elle relevé, le contrôle de l’action de l’administration par la justice, gage de bonne gouvernance, s’impose afin d’éviter les risques d’arbitraire et les problèmes en tout genre. La ministre Ouédraogo n’a pas fait que de la réflexion, elle a jeté un regard dans le rétroviseur, en établissant le bilan de l’année judiciaire écoulée. Une « année de stigmatisation », a-t-elle fait remarquer, qui a pourtant enregistré de nombreuses avancées.
Elle a fait référence, entre autres, à la tenue des Etats généraux de la justice, l’adoption et la signature du pacte de renouveau de la justice et la réouverture des grands dossiers de crimes de sang et de crimes économiques, dont les affaires Thomas Sankara et Guiro. Le président de l’audience solennelle de la rentrée 2015-2016, le premier président du Conseil d’Etat (CE), Souleymane Coulibaly, lui aussi n’a pas occulté le tumulte qu’a connu le Burkina Faso ces dernières semaines. « Ce coup d’Etat nous rappelle que l’Etat de droit est une conquête permanente.
Il a été déjoué par la résistance farouche du peuple burkinabè, qui a montré sa volonté à ne plus tolérer un gouvernement illégitime issu d’un coup d’Etat », a-t-il affirmé avant de s’appesantir sur le thème de la présente rentrée. Pour lui, comme pour le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Harouna Sawadogo, le contrôle juridictionnel de l’activité administrative participe à la consolidation de l’Etat de droit et de la démocratie. Si le premier président du CE admet que le contrôle juridictionnel, inscrit dans le droit positif burkinabè est peu exercé, le bâtonnier, lui, est catégorique à reconnaître la nécessité de créer un ordre administratif. Aussi souhaite-t-il la création de cours d’appel administratifs pour faire progresser en la matière. Du reste, le thème de la rentrée a été « décortiqué » par le conseiller au CE, Marc Zongo, lors de l’audience solennelle. Celui-ci a souligné que le contrôle juridictionnel de l’activité administrative incombe à son institution, mais peut aussi être assuré par les tribunaux administratifs et la Cour des comptes.
Il a, dans son développement, attiré l’attention sur le fait que l’intervention du juge dans le domaine de l’administration publique, quoique saine, fait peser le soupçon d’une « ingérence illégitime » à même de susciter les crispations des autres pouvoirs publics. Aussi recommande-t-il aux juges d’assumer certaines responsabilités, précisément un devoir renforcé de motivation des décisions de justice, un devoir de modulation du contrôle juridictionnel et des obligations déontologiques plus fortes.
Kader Patrick
KARANTAO
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Yacouba Isaac Zida, Premier ministre
Cette rentrée judiciaire revêt un caractère assez particulier, au regard du contexte dans lequel notre pays se trouve. Je veux faire allusion à la crise que nous venons de traverser, qui va connaître un épilogue juridique. Les auteurs du coup d’Etat seront jugés et tout le monde est dans l’attente de voir le sort qui sera réservé aux putschistes. Ce n’est pas le châtiment qui retient l’attention, mais plutôt les enseignements que nous allons tirer qui comptent. Afin que l’on comprenne définitivement qu’au Burkina, l’on ne tolère plus un changement anticonstitutionnel mais que nous sommes désormais engagés sur la voie de la démocratie. Nous plaçons cette rentrée sous ce signe.
Propos recueillis par K.P.K