Après la libération du camp Naaba Koom II par l’armée burkinabè, le bilan était très attendu par l’opinion. Pour une opération militaire de ce genre, il y en a qui craignaient le pire, même si le fait qu’il n’y a eu que quelques tirs d’armes lourdes, donnait à espérer une issue sans trop de dégâts. La bonne nouvelle, c’est le président de la Transition qui l’a annoncée, le mardi 30 septembre 2015. L’opération n’aurait fait aucune victime, ni dans le camp des « irréductibles » de l’ex-Régiment de Sécurité présidentielle (RSP), ni dans celui du reste de l’armée burkinabè loyaliste. C’est une bonne nouvelle car une fin de transition marquée par une hécatombe, n’aurait fait le bonheur de personne, surtout pas du Burkina Faso. Un massacre d’éléments « irréductibles » de l’ex-RSP, aurait d’ailleurs permis aux putschistes de noyer leur sang dans celui de leurs victimes innocentes.
Le Burkina peut remercier le Bon Dieu d’avoir permis ce dénouement sans effusion de sang
Si l’information faisant état de zéro victime se confirme, on ne pourra que s’en réjouir, car, faut-il le rappeler, toute vie, surtout humaine, est sacrée. Après toutes les pertes en vies humaines enregistrées lors de cette douloureuse épreuve, le Burkina peut donc remercier le Bon Dieu d’avoir permis ce dénouement sans effusion de sang. En tout cas, on n’ose pas imaginer que les autorités de la transition puissent s’amuser à mener juste une simple opération de communication pour démentir les propos du général Gilbert Diendéré qui affirmait craindre qu’il y ait des victimes après l’assaut du camp Naaba Koom II. Michel Kafando et son équipe n’oseraient pas donner au peuple un faux bilan de cette opération. Eux-mêmes savent que si d’aventure ils le faisaient, cela les décrédibiliserait gravement. Ainsi donc, le pays des Hommes intègres aura, une fois encore, bénéficié de cette main bienveillante de Dieu qui l’a en effet couvé et préservé du chaos.
Ceci dit, l’armée burkinabè est à féliciter pour le professionnalisme dont elle a fait preuve dans cette opération. Prendre un camp, certainement conçu pour résister aux assauts, n’est pas une promenade de santé. Surtout si on a à cœur d’éviter d’occasionner des pertes en vies humaines. Au-delà du courage et de l’amour de la patrie qu’une telle opération commande, il aura fallu beaucoup de tact, de professionnalisme. Bravo donc à l’armée républicaine du Faso ! Quand on sait surtout la pression que faisait peser sur elle, certaines organisations de la société civile qui avaient à cœur d’en finir, quel que soit le prix à payer pour le pays, on peut dire qu’elle a su bien négocier cette confrontation qui était devenue inévitable entre elle et certaines de ses « brebis égarées ». Certes, on imagine que ce dénouement heureux a aussi été rendu possible par des tractations et probablement, des arrangements entre l’armée et certains ex-éléments du RSP. On sait, en effet, que des officiers de l’ex-RSP ont annoncé leur décision de se plier aux instructions du chef d’Etat-major général des Armées et qu’il ne restait que quelques « irréductibles » selon plusieurs sources, qui refusaient d’obtempérer.
Il faut maintenant espérer que tous les soldats de l’ex-RSP aient effectivement aujourd’hui répondu à l’appel. Car, le fait qu’aucun chiffre sur ceux qui se seraient rendus après l’assaut, n’a été communiqué, nourrit un certain scepticisme. Surtout que la sortie du chef de l’Etat n’a pas permis aux journalistes de poser des questions d’éclaircissement. Bien des Burkinabè se demandent si le millier de soldats qui ne s’étaient pas encore rendus, du moins officiellement, ont rejoint maintenant les rangs de l’armée républicaine ou s’ils sont encore dans la nature. C’est dire que bien que les populations soient soulagées d’apprendre que tout s’est bien passé, que des vies n’ont plus été fauchées, elles restent tout de même sur leur soif par rapport aux informations relatives à cette opération. La communication a quelque peu péché. Bien entendu, pour préserver l’unité de la Grande muette, tout ne peut pas se dire. Mais, il importe également de dissiper les craintes des populations. S’il y a eu des désertions dans les rangs des ex-RSP, et que certains se sont évanouis dans la nature, les Burkinabè doivent-ils s’attendre à faire les frais d’une nouvelle race de coupeurs de route et autres bandits armés ?
Eviter toute précipitation aveugle, mais aussi toute lenteur inutile dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel normal
Cela dit, la meilleure preuve que tout va désormais bien, consisterait à aller de l’avant, à reprendre rapidement le processus électoral qui était stoppé. En effet, maintenant que cette parenthèse cauchemardesque est en train de se refermer, il importe de remettre au centre des priorités l’organisation des élections présidentielle et législatives. Après le zéro mort, vite une date consensuelle pour les élections, pourrait-on ainsi dire. Certes, il ne faut pas verser dans une précipitation aveugle. La sécurisation du pays doit se poursuivre. C’est d’ailleurs très important pour espérer des élections pacifiques et acceptées. L’insécurité ambiante, il faut en convenir, est source de dangers, tant au moment des campagnes électorales que des votes eux-mêmes. Mais, il faudra éviter de s’installer dans un certain attentisme. Une longue période de transition est très difficile pour un pays, ne serait-ce qu’au plan économique. Les investisseurs sont frileux, voire inexistants. Les partenaires ne sont pas rassurés. La transition burkinabè, comme toute autre d’ailleurs, devra donc être la plus brève possible.
Du reste, la sécurisation du pays peut aller de pair avec la programmation des prochaines échéances électorales. Il faut se hâter de sortir de cette période d’incertitudes. Cela passe par l’ouverture rapide de concertations entre toutes les parties signataires de la Charte de la Transition et la Commission électorale nationale indépendante. Ces concertations devront permettre de fixer, de façon consensuelle, une date pour les élections. Il faut avoir toujours à l’esprit que des Burkinabè ont versé leur sang pour l’alternance, pour une gouvernance vertueuse. Il convient donc de cheminer rapidement vers la restauration de l’ordre constitutionnel normal. En tout état de cause, il faut éviter, à tout prix, le syndrome de la République centrafricaine où la Transition roule frein en main, avec des élections qui vont de report en report. Le Burkina doit sortir le plus vite possible de ces eaux troubles. Et ce, dans le dialogue, la concertation entre tous les acteurs. Certes, le pays des Hommes intègres devra éviter toute précipitation aveugle, mais aussi toute lenteur inutile dans ce processus de retour à l’ordre constitutionnel normal.
« Le Pays »