La situation de mi-paix mi- guerre dans laquelle était plongé le Burkina depuis que les forces loyalistes, sur instruction de Michel Kafando, président du Faso, chef suprême des armées, ont mis un point d’honneur à faire entrer la soldatesque du RSP dans la république, avait fini par mettre les nerfs des Burkinabè à rude épreuve. C’était donc avec un soulagement difficilement dissimulable que ces derniers ont appris ce mardi soir, que les forces régulières ont libéré à coups d’obus le camp Naaba Koom où étaient retranchés les soldats hostiles au désarmement et à la dissolution de leur unité. En attendant de connaître le bilan de l’assaut en termes de dégâts matériels et probablement en termes de pertes en vies humaines, l’on peut déjà saluer le professionnalisme avec lequel l’armée nationale a mené cet assaut réussi contre cette forteresse qui, selon l’imaginaire collectif, était inexpugnable.
Les Burkinabè peuvent être fiers de leur armée
La prise donc de ce camp qui représente un des vestiges du système Compaoré, sonne comme un pas décisif en direction de la libération du Burkina en ce sens qu’elle peut permettre d’espérer la fin de la terreur et des chantages permanents exercés sur le Burkina, ses institutions et son peuple, par le RSP. Et le prix que le peuple a payé pour arracher sa liberté que cette unité avait confisquée pendant plus de deux décennies, n’est pas négligeable. Ce mardi 29 septembre est désormais inscrit en lettres d’or dans l’Histoire du Burkina. Des soldats et des civils, puisque il y avait des familles qui logeaient dans la caserne, ont pu perdre la vie pendant l’opération, vu l’intensité des bombardements. Dans l’hypothèse où cela se confirmerait, les Burkinabè, tout en ayant une pensée pieuse pour l’ensemble des victimes sans discrimination, doivent lever leurs bras vers les cieux pour rendre grâce au Grand horloger. Car les deux camps disposaient de moyens militaires suffisamment sophistiqués pour rayer Ouagadougou de la carte. Si ce scénario de l’apocalypse a été évité, le mérite en revient d’abord aux forces loyalistes dont le savoir-faire militaire a permis au Burkina de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Les Burkinabè, légitimement, peuvent être fiers de leur armée. Dans le même temps, ces derniers doivent unir leurs voix pour condamner le comportement de celui par lequel ils ont connu de longues nuits d’insomnie et d’angoisses, c’est-à-dire le général de Brigade Gilbert Diendéré. Car celui-ci aura poussé jusqu’au bout la félonie et la lâcheté. En effet, au fil de l’évolution des choses, ses actions ont permis aux Burkinabè de découvrir que derrière son uniforme et ses Etoiles de général de Brigade, se cachait un homme froid qui n’a aucune considération ni pour sa patrie ni pour la vie humaine. Après avoir feint un repentir pour son putsch auquel certains Burkinabè ont eu la faiblesse de croire, l’homme, en toute conscience, a choisi de conduire sa troupe à l’abattoir. Et s’étant rendu compte qu’en aucun cas les irréductibles du RSP ne pouvaient venir à bout des forces régulières, il les a livrés à leur propre sort pour trouver refuge dans une ambassade.
Diendéré ne s’est pas conduit en vrai chef militaire
Que c’est lâche mon général ! L’honneur aurait commandé qu’il restât avec ses hommes, advînt que pourrait. De ce point de vue, du lieu sûr où il est, il devrait avoir sur la conscience la responsabilité de la mort des soldats qui ont cru en lui jusqu’au bout. Comparaison n’est pas raison, mais l’on se souvient que lorsque les commandos, alors commandés par le même Diendéré, avaient fait irruption au Conseil de l’entente pour mettre fin à la Révolution, son premier responsable, le Capitaine Thomas Sankara, n’avait pas craint de dire à ses bourreaux de s’en prendre à lui et à lui seul et d’épargner ses collaborateurs. Cela s’appelle s’assumer jusqu’au bout. De toute évidence, Diendéré ne s’est pas conduit en vrai chef militaire. Pire, il veut masquer cette lâcheté en faisant croire à l’opinion nationale et internationale qu’il avait demandé aux irréductibles de l’ex-RSP de déposer les armes et de se mettre à la disposition de l’Etat-major général des armées. Même si, par extraordinaire, cela s’avérait, la responsabilité du Général reste entière dans le dénouement violent de la crise. Car ce comportement des irréductibles illustre le fait qu’au RSP, la discipline qui est la force principale de toute armée digne de ce nom, était royalement ignorée. Seules les milices se comportent de cette manière. Pour toutes ces raisons, Diendéré est à condamner. Militairement et moralement, il aura agi en lâche. Politiquement, les Burkinabè l’auraient peut-être compris, s’il avait mis en mouvement ses codos pour déposer Blaise Compaoré au moment où celui-ci s’obstinait à confisquer le pouvoir en cherchant à s’offrir un troisième mandat. Mais à quelque chose, malheur est bon. Le général Diendéré, par ce putsch, aura permis au peuple d’adouber son armée, aux Burkinabè de renforcer la cohésion nationale autour des valeurs de la République et à l’Afrique de percevoir les Burkinabè comme un peuple digne de respect. Et ce peuple pourrait ne pas se satisfaire de voir le Général Diendéré exfiltré comme ce fut le cas de son mentor, Blaise Compaoré, sans répondre de ses actes devant les tribunaux.
« Le Pays »