Je croyais que j’étais le seul fou à Ouagadougou capable de braver tout danger. Erreur ! Les derniers événements m’ont donné la preuve qu’il y a plus fou que moi. En effet, malgré l’appel du chef d’Etat-major général des armées, aux habitants de Ouaga 2000 et environnants, à rester chez eux et à ne pas faire de mouvements vers les lesdits quartiers le mardi 29 septembre dernier, il s’en est trouvé des curieux qui s’y sont aventurés. Et ce, juste pour être témoins oculaires de l’assaut de l’armée régulière contre la poignée d’éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui s’était retranchée au camp Naaba Koom, refusant tout désarmement. Quelle audace? Même les scribouillards qui, en pareilles circonstances, risquent leur vie en allant à la quête de l’information, s’étaient terrés chez eux de peur d’être victimes de balles perdues, tant le bruit des armes lourdes faisait trembler. Même moi qui, d’ordinaire, ne recule devant aucun danger, n’ai pas osé mettre le nez dehors. J’ai même renforcé ma tanière avec des morceaux de matelas usés dans l’espoir que la mousse des matelas ralentirait la vitesse et amoindrirait l’impact des balles. Toujours est-il que j’ai essayé de me protéger. Et je n’étais pas le seul à prendre des mesures de précautions. J’ai même vu un père de famille cacher ses deux enfants dans un poulailler comme si cet endroit était le plus sûr, tellement il était gagné par la panique. Mais voilà que des curieux, sinon des fous, ont délibérément choisi d’aller à la rencontre des engins de la mort. Mesuraient-ils vraiment les risques auxquels ils s’exposaient? Evidemment, pour certains oui, mais pour d’autres non. Car si certains savaient qu’ils pouvaient passer de vie à trépas du fait de leur curiosité, ils n’oseraient pas dire que leur comportement aurait même pu compromettre l’opération de l’armée régulière. Heureusement que celle-ci a su faire preuve de professionnalisme. Du reste, il convient de saluer l’héroïsme de ces vaillants soldats qui ont conduit cette opération qui, à tout point de vue, un gros risque pour les populations voire la Nation entière. La libération du fameux camp Naaba Koom n’était pas une ballade de santé ni pour les forces régulières ni pour les putschistes. Et ce ne certainement pas le chef des putschistes, le général de brigade Gilbert Diendéré qui dira le contraire ; lui qui, sentant la défaite venir, a pris la poudre d’escampette abandonnant ainsi les pauvres jeunes soldats à la mort. Certes, face à la mort, même le plus vaillant soldat peut éprouver de la peur mais le comportement de Diendéré, est loin d’être digne de celui d’un général. C’est lâche et malhonnête d’engager des jeunes gens dans un combat perdu d’avance. Peut-on résister éventuellement à tout un peuple ! Certes, il dit avoir demandé à ses éléments de rendre les armes mais tout cela n’est que prétexte qu’il croit pouvoir utiliser ultérieurement devant la justice. La félonie du général saute aux yeux. Au-delà de la troupe qu’il aura manipulée à sa guise et envoyée à l’abattoir, il aura, sur toute la ligne, produit des contradictions monstres. La radio Oméga, pour ne prendre que ce seul exemple, à laquelle le général a eu recours pour obtenir ce qu’il pourrait qualifier plus tard de preuve sonore concernant son appel au désarmement, si c’en était vraiment un, avait pourtant été mise à sac dès les premières heures du putsch par ses hommes. Allez-y comprendre. S’il lui reste encore un peu d’honneur, le général doit, sans délai, reconnaître son entière responsabilité de dire que tous les dégâts liés au putsch et s’engager à l’assumer. Dans le dénouement de ces tristes événements, les lauriers reviennent sans conteste à l’armée régulière qui aura sauvé la Nation d’une catastrophe. Et en le faisant, elle a créé une osmose entre elle et le peuple et il lui appartient de travailler à maintenir cette confiance. Quant à moi, j’irai visiter le camp Naaba Koom quand le spectre de la violence aura totalement disparu.
« Le Fou »