Ouagadougou- "A bas la Cédéao! A bas Diendéré! Vive le Burkina Faso". A Tampouy, dans la périphérie ouest de Ouagadougou, des jeunes ont monté des barrages sur un rond-point et scandent leur hostilité aux putschistes mais aussi à la médiation ouest-africaine de la Cédéao sur la crise au Burkina Faso.
L’un porte un T-shirt Thomas Sankara, l’autre un maillot de foot orange sur lequel il a écrit "Chasseur de putschiste". Les jeunes empêchent la circulation de véhicules en faisant brûler des pneus, en tendant des câbles sur la route et en installant des grosses pierres.
Ces barrages étaient déjà présents aux alentours de la ville depuis le 17 septembre et le putsch du RSP.
"On ne peut pas accepter l’amnistie! Il y a des camarades qui sont tombés et la Cédéao vient nous dire qu’il faut les amnistier !", tempête Mady Ouedraogo, porte-parole du Balai citoyen, un collectif qui avait joué un rôle prépondérant dans la chute en octobre 2014 du président Compaoré, après 27 ans au pouvoir.
Parmi les points qui fâchent dans le plan proposé dimanche par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao): l’amnistie des putschistes du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré chassé par la rue en octobre 2014.
De même, l’inclusion des candidats de son parti aux élections, ou encore le sort du RSP laissé à l’appréciation du prochain président - alors que la société civile réclame sa dissolution - suscitent la colère.
Mady connaît visiblement le "plan de sortie de crise" par coeur. Il énumère les propositions que les jeunes refusent: "On ne veut pas de (candidats) CDP (Congrès pour Démocratie et le Progrès, parti pro-Compaoré) dont la candidature a été invalidée. S’ils sont rappelés, c’est le chaos!"
"On veut la dissolution du RSP tout de suite", poursuit-il. Autour, des jeunes hurlent leur approbation. Ahmed Diallo, présent sur le barrage, ajoute: "Si on ne dissout pas le RSP, qu’est-ce qui les empêche de refaire un coup?"
"La Cédéao est avec les putschistes", crient les jeunes.
Des voitures venant du centre-ville font demi-tour de leur propre chef en apercevant le barrage de loin. Dans l’autre sens, il n’y a pas ou plus de circulation. Les jeunes laissent toutefois passer la voiture d’une ONG.
- ’Les gendarmes sont avec nous’ -
Un peu plus loin, au marché de Baskuy, la vie semble normale. Le marché n’a pas rouvert mais des centaines de commerçantes ont pris place autour de cette zone commerciale qui grouille de monde.
"On n’a pas pu sortir pendant trois jours et là, on a l’occasion de faire les courses. On ne sait pas ce qui se passera dans les jours qui viennent", affirme un client.
Mère de quatre enfants, dont un bambin assis à ses côtés, Marie Ouedraogo, une commerçante vendant du savon, se désespère: "On n’a pas pu travailler pendant trois jours. On n’a plus d’argent, on n’a plus rien à manger. Je n’ai pas gagné 500 francs (75 centimes d’euro) depuis ce matin. Normalement en septembre, on gagne l’argent pour la rentrée".
Surviennent deux pick-ups de gendarmes en tenue anti-émeutes. Ils se dirigent vers les barrages à faible allure. Les jeunes entourent rapidement les deux véhicules tandis qu’un officier discute avec les leaders. Après quelques moments de tension, les jeunes applaudissent.
"Ils nous ont demandé de laisser passer les ambulances, explique un jeune. Ils ont dit qu’on pouvait continuer les barrages. Les gendarmes sont avec nous!"
Un peu après, l’annonce qu’une partie de l’armée, loyaliste, roule sur "Ouaga" et exige la reddition du RSP se répand.
"C’est merveilleux, l’armée va venir nous aider. Si on a des armes, on va les aider. On n’a pas peur. Il faut que le RSP arrête de faire chier", s’enflamme Issouf Nikema, un artisan.
Et soudain, les rues se vident.
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