Ouagadougou- Les présidents sénégalais et béninois poursuivaient samedi leurs consultations au Burkina Faso après avoir rencontré la veille le général putschiste Gilbert Diendéré, dans l’espoir de permettre au pays qui devait voter en octobre de reprendre rapidement "sa marche vers la démocratie".
La majorité de ces entretiens se déroulaient dans un hôtel de Ouagadougou, où la tension restait vive.
Dans la capitale, où les appels à la "désobéissance civile" se sont multipliés, des habitants avaient érigé des barrages et brûlaient des pneus sur plusieurs artères de la capitale, a constaté un journaliste de l’AFP lors de sa progression vers le centre-ville.
"On a dit que c’est +ville morte+, donc personne ne passe ici!", expliquait Souleiman Kabore, un jeune posté à un barrage à l’entrée ouest de la capitale.
Seuls quelques marchés et magasins étaient ouverts samedi. Mais la plupart des stations essence et des banques restaient fermées.
Les maisons de deux anciens proches de l’ex-président Blaise Compaoré - Simon Compaoré, ancien maire de Ouagadougou et Salif Diallo qui ont tous deux rejoint les rangs de l’opposition en 2014 - ont été saccagées dans la nuit de vendredi à samedi.
A Bobo Dioulasso, deuxième ville du Burkina Faso, réputée pour son esprit frondeur, des comités bloquaient aussi les axes d’entrée et de sortie de la ville.
Le président de l’Assemblée du régime renversé, Cherif Sy, avait appelé vendredi la population à la mobilisation, tout comme le mouvement "Balai citoyen", en pointe dans le soulèvement populaire contre M. Compaoré l’an dernier.
Arrivés la veille au Burkina, le président sénégalais Macky Sall, président en exercice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), ainsi que son homologue béninois Thomas Boni Yayi poursuivaient leur marathon de rencontres avec les acteurs politiques, syndicaux et militaires burkinabè.
Les deux chefs d’Etat étrangers se sont notamment rendus à la résidence surveillée de Michel Kafando, le président du régime de transition, libéré jeudi soir après avoir été séquestré par les putschistes. Ils ont également rencontré l’ancienne opposition au président Compaoré, réunie au sein du CCPP et menée entre autres par Roch Marc Christian Kaboré.
"Il est impossible qu’il y ait un dialogue avec ceux qui ont opéré un coup d’Etat (...), c’est un pouvoir illégitime", a-t-il déclaré à la presse à l’issue de sa rencontre avec les médiateurs sénégalais et béninois.
- Aller aux élections ’dans la paix’ -
"Nous avons demandé de façon urgente que soient rétablis tous les organes de la transition (...) jusqu’à l’organisation d’élections transparentes et démocratiques", a ajouté M. Kaboré, qui figurait jusqu’ici parmi les favoris à l’élection présidentielle.
Peu avant 17H00, les deux chefs d’État africains ont rencontré, pour la 3e fois depuis leur arrivée, Gilbert Diendéré, qui a multiplié auprès d’eux les gages de bonne volonté.
Le RSP, unité d’élite de l’armée forte de 1.300 hommes dirigée par le général Diendéré, a pris le pouvoir jeudi en accusant les autorités d’avoir dévoyé le régime de transition post-Compaoré, notamment en excluant des élections d’octobre les partisans de l’ex-homme fort.
"Nous voulons tout simplement avoir des propositions pour aller aux élections dans la sérénité dans la paix, et faire en sorte que les résultats soient incontestés et incontestables", a assuré M. Diendéré sur TV5 Monde vendredi soir.
M. Sall, lui, a appelé vendredi en fin de soirée à lancer "une dynamique de réconciliation nationale, de pardon, arrêter la violence, faire en sorte qu’un schéma accepté par tous et bien entendu de la communauté internationale, puisse permettre au pays de se repositionner dans sa voie et dans sa marche vers la démocratie".
En attendant, l’Union Africaine a annoncé vendredi la suspension du Burkina Faso ainsi que des sanctions à l’encontre des putschistes, frappés d’une interdiction de voyager et d’un gel des avoirs dans tous ses États membres.
Le Burkina Faso a connu depuis son indépendance en 1960 de nombreux coups d’État militaires. Le général Diendéré avait joué un rôle clé dans le putsch de 1987 qui avait porté au pouvoir Blaise Compaoré et s’était soldé par la mort du président Thomas Sankara.
Le général Diendéré, qui nie être téléguidé par Blaise Compaoré, a promis d’organiser "rapidement" des élections. On ignore où se trouve l’ex-président, qui réside habituellement en Côte d’Ivoire voisine depuis son exil forcé.
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