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Burkina : Bobo-Dioulasso la frondeuse refuse les ordres des putschistes
Publié le samedi 19 septembre 2015  |  AFP
Situation
© AFP par SIA KAMBOU
Situation nationale: protestation contre le coup d`Etat militaire
Vendredi 18 Septembre 2015. Banfora. Les manifestants construisent une barricade à Banfora, pour protester contre coup d`Etat militaire




Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) - "Ici à Bobo Dioulasso, il n’y pas de couvre-feu! On n’obéit pas aux terroristes", martèle fièrement Abbas Traoré en buvant du Tchapalo (bière de mil) au ’Cabaret Pougouli’, un
bar miteux d’une petite rue en terre de la deuxième ville du Burkina Faso, réputée pour son esprit frondeur.


"Terroristes", c’est ainsi que beaucoup de Bobolais qualifient le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et le général Gilbert Diendéré qui ont déposé le président de transition Michel Kafando, instauré un couvre-feu et pris le pouvoir à Ouagadougou jeudi.


Assis sur des bancs, buvant le tchapalo dans des bols en plastique qu’il posent à-même le sol, les hommes discutent, débattent, se contredisent... sous le regard d’une fresque avec Tiken Jah Fakoly, le musicien ivoirien auteur notamment de "Balayeur balayé" (chanson sur les dictatures).


Pour éviter les mouches, les clients recouvrent le liquide amer de planchettes en bois quand ils causent.


Il est déjà 20h et officiellement le couvre-feu instauré par la junte est en vigueur depuis 19h et court jusqu’à 5h. Les clients ne donnent aucun signe de départ de la gargote.


Dans la rue, d’autres maquis sont ouverts. Ceux qui ont une télévision diffusent France 24 et les clients écoutent avec attention l’évolution de la situation dans leur pays.


"Ce n’est pas l’activité des grands soirs. Depuis que Diendéré est là, ça marche pas", précise une tenancière Jacqueline. Beaucoup d’établissements sont fermés.


Electricien, Abbas Traoré est lui au chômage depuis les événements. "On ne travaille plus, on n’a plus d’argent", se plaint-il. "Le peu qu’on a c’est pour le Tchapalo" qui coute 500 (75 centimes le litre).


Pneus, branches, tonneaux... Pendant la journée des barrages ont été dressés partout dans et autour de la ville où les commerces et administrations sont restés fermés. Ils sont contrôlés par des jeunes dont certains portent les T-Shirt du mouvement de la société civile "Balai citoyen", très active dans le renversement de Blaise Compaoré. Sur l’un d’eux il y a écrit: "Notre force est notre nombre".


A Bobo Dioulasso, militaires, gendarmes et policiers restent confinés, dans une sorte de neutralité bienveillante.


Devant l’énorme camp militaire du Ouezzin Coulibaly, des manifestants sont
réunis.


"On n’a pas d’armes, mais nous sommes là. Nous voulons montrer au RSP que nous sommes mobilisés. Un groupe ne peut pas prendre en otage 16 millions de personnes", explique Sanon Issiaka, un acteur de la société civile, président du mouvement des jeunes en vert.


Dans l’après-midi, des femmes ont défilé dans les rues avec des spatules.


Un symbole fort, selon un homme: "Quand les femmes sortent avec les spatules, c’est que la situation est grave".


"Ca c’est pour frapper Diendéré", crie Clarisse Koura, bébé de neuf mois dans le dos, en brandissant son instrument de cuisine.


"Les soldats doivent nous aider. Ils doivent déloger le RSP", affirme un manifestant. L’armée "régulière" n’a pas encore pris position ni contre les putschistes membres d’un régiment d’élite ni en leur faveur.

- ’Jamais nous décourager’ -

La nuit tombée, sur la place de la célèbre gare blanche de style soudanais de Bobo Dioulasso, environ 200 personnes écoutent un porte-parole qui demande aux habitants de rester mobilisés.


Ils étaient beaucoup plus dans l’après-midi, selon des images visibles sur des téléphones portables.


"On restera ici jusqu’à ce que Diendéré descende du pouvoir. Au Burkina, c’est le peuple qui décide", affirme Abdou Naon, commercial de 30 ans. A côté de lui, un ami brandit une pancarte: "Diendéré et RSP, vous êtes des Baabie (imbéciles)".


"Nous ne travaillons plus depuis le coup. Nous ne travaillerons pas pour eux. Ils ne pourront jamais nous décourager!", explique Constant Hien.


Il est assis à une table avec deux collègues en bordure de la place: "Nous nous occupons de mettre tout sur Facebook, et Twitter et de suivre ce qui se passe dans les autres villes", explique ce fonctionnaire en soulignant l’importance des réseaux sociaux dans la chute de Blaise Compaoré en 2014.


Exemple de Bobo? A 60 km de là à Banfoura, des jeunes ont installé un barrage.


"Cela permet de savoir qui entre et qui sort, explique Youssouf Sirima, le chef du groupe, "Mais, surtout ça montre au RSP que le pays est contre eux. Ils voient qu’il se passe quelque chose. Ici, il n’y a pas de militaires, nous sommes l’armée civile!"


pgf/tll
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