Ouagadougou - Au lendemain du coup d’État au Burkina Faso, le général Diendéré, nouvel homme fort du pays et fidèle de l’ex-président Compaoré s’employait vendredi à asseoir son pouvoir et multipliait les gages de bonne volonté avant de rencontrer les chefs d’Etat du Sénégal et du Bénin.
Quelques heures avant le début de cette rencontre , le conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine (UA), a annoncé la suspension du Burkina "de toutes les activités de l’UA, avec effet immédiat", a déclaré un diplomate africain.
Au Burkina, le chef des putschistes devait s’entretenir à partir de 19H00 GMT avec le président sénégalais Macky Sall, dirigeant en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), et son homologue béninois Thomas Boni Yayi, dans la capitale burkinabè.
Les deux présidents sont arrivés à Ouagadougou à la mi-journée, accueillis à l’aéroport par le général Diendéré. Le chef d’état-major général du Burkina, le général Pingrenoma Zagré et la haute hiérarchie militaire du pays (armée de terre, gendarmerie, etc) étaient également présents.
Le président sénégalais avait été l’émissaire de la Cédéao lors du soulèvement populaire qui en octobre 2014 avait chassé du pouvoir le président Blaise Compaoré, après 27 ans à la tête du pays. Et M. Boni Yayi était le médiateur désigné par la Cédéao pour les élections présidentielle et législatives qui étaient programmées le 11 octobre et devaient clore la période de transition ouverte avec la chute de l’ex président.
"En signe d’apaisement", le nouveau régime a libéré jeudi soir le président du régime de transition Michel Kafando et deux de ses ministres, séquestrés aux premières heures du coup d’État mercredi après-midi par les soldats du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP). Ces libérations étaient réclamées par la communauté internationale, qui a fermement condamné le putsch.
Toutefois, le Premier ministre et lieutenant-colonel Isaac Zida demeurait "en résidence surveillée", a annoncé à la presse le général Diendéré.
Le nouveau régime a également ordonné la réouverture des frontières terrestres et aériennes vendredi à 12H00, 24 heures après les avoir fermées.
Dans la matinée, le général Diendéré, ancien saint-cyrien, avait déjà
convoqué les secrétaires généraux des ministères pour leur demander d’assurer
la continuité de leur mission.
Dans la capitale, les hommes du RSP ont de nouveau ouvert le feu vendredi à la mi-journée pour disperser des groupes mobiles de manifestants qui tentaient de converger vers la place de la Révolution, où s’étaient concentrées la plupart des manifestations d’octobre 2014.
Les soldats avaient tiré jeudi pour disperser les attroupements, faisant au moins trois morts et une soixantaine de blessés, selon une source hospitalière.
A Ouagadougou, de nombreux magasins restaient fermés et les rues peu fréquentées.
Le président de l’Assemblée du régime renversé Cherif Sy a continué d’appeler la population à la mobilisation, tout comme le mouvement "Balai citoyen", en pointe dans le soulèvement populaire contre M. Compaoré l’an dernier. Une radio locale baptisée "Radio Résistance" relayait également ces appels.
"Il y a une condition qui est non négociable, c’est le départ de Diendéré", a déclaré vendredi l’AFP le porte-parole des organisations de la société civile, Me Guy-Hervé Kam, appelant à la formation d’un "front commun de résistance" avec les syndicats et partis politiques.
Avant leur entretien avec le général Diendéré, les deux présidents ouest-africains devaient rencontrer les représentants des partis politiques et de la société civile.
- ’On ne va pas s’éterniser’ -
Le RSP, unité d’élite de l’armée forte de 1.300 hommes, a pris le pouvoir en accusant les autorités d’avoir dévoyé la transition, notamment en excluant les partisans de l’ex-homme fort des élections d’octobre.
Deux jours avant le putsch, une commission avait aussi recommandé la dissolution du RSP, qui était la garde prétorienne de l’ex-président.
Le Burkina Faso, "pays des hommes intègres", État sahélien pauvre de 17 millions d’habitants, a connu depuis son indépendance en 1960 de nombreux coups d’État militaires.
Le général Diendéré, homme de l’ombre et bras droit de l’ancien président, avait joué un rôle clé dans le putsch de 1987 qui avait porté au pouvoir "le beau Blaise" et s’était soldé par la mort du président Thomas Sankara.
Brusquement passé de l’ombre à la lumière, le général Diendéré, un quinquagénaire, a promis d’organiser "rapidement" des élections. "Nous n’avons
pas l’intention de nous éterniser", a-t-il assuré.
Oeuvrant dans les coulisses du pouvoir depuis 30 ans au Burkina et dans les conflits régionaux ouest-africains, ancien chef du RSP sous Compaoré, il a été porté jeudi par les putschistes à la tête de leur "Conseil national pour la démocratie" (CND). Mais il a récusé être téléguidé par Blaise Compaoré.
On ignore où se trouve l’ex-président, qui réside habituellement en Côte d’Ivoire voisine depuis son exil forcé.
Le putsch a été unanimement condamné par la communauté internationale et les principaux partenaires du pays: ONU, Union africaine, Union européenne, Cédéao, ainsi que la France et les États-Unis.
La France, ancienne puissance coloniale, qui dispose d’un contingent de 220 soldats des forces spéciales françaises à Ouagadougou, dans le cadre de son opération antijihadistes Barkhane, a assuré qu’elle n’interviendrait pas.
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