Paris, - Il reste invisible, muet. Et pourtant, depuis le coup d'Etat à Ouagadougou, on ne parle que de l'ancien maître du pays, Blaise Compaoré, soupçonné de tirer les ficelles des putschistes dans l'ombre.
Evincé le 31 octobre 2014, après 27 ans de règne, il avait dû fuir précipitamment sous la pression de la rue. Une exfiltration protégée par ses fidèles et la France, avant un exil doré à Yamoussoukro en Côte d'Ivoire, pays dont sa femme Chantal est originaire.
Mais on ignore où Blaise Compaoré se trouve désormais. Au Maroc, où il a reçu des soins au printemps pour se remettre d'une mauvaise chute ? A Brazzaville, pour assister ce vendredi à la finale Burkina-Sénégal des jeux africains comme le murmurent de folles rumeurs ? De retour à Yamoussokro, capitale politique de la Côte d'Ivoire ? Ou à Abidjan, où le président sénégalais Macky Sall aurait pu s'arrêter en chemin pour une médiation de crise à Ouagadougou ?
Il est aussi proche du président ivoirien, Alassane Ouattara, qu'il avait aidé à prendre le pouvoir en le soutenant activement lors de la guerre civile ivoirienne, à partir de 2002. Le Burkina Faso servait alors de base arrière aux rebelles.
Seule certitude, depuis le coup de force perpétré mercredi par son ancienne garde prétorienne, le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ombre de Blaise Compaoré est revenue planer sur le Burkina.
Le nouvel homme fort du pays, le général Gilbert Diendéré, est un compagnon d'armes de toujours de l'ancien président dont il fut chef d'état-major particulier.
"Durant toute leur histoire - ils se sont certainement connus au début des années 80 - ils n'ont jamais agi l'un sans l'autre. Ce sont deux personnes secrètes qui se font une confiance absolue", relève Rinaldo Depagne, expert à l'International Crisis Group (ICG) à Dakar.
Le général était déjà à ses côtés lorsque M. Compaoré a renversé le président Thomas Sankara, le 15 octobre 1987. Les troupes commando soupçonnées d'avoir exécuté Sankara et douze de ses fidèles ont constitué le noyau du RSP, créé par Blaise Compaoré.
- 'Frères siamois' -
L'ancien chef d'Etat burkinabè a-t-il donc pu jouer un rôle dans le renversement des autorités de transition ? "Non, pas du tout", affirme le général Diendéré. "Je n'ai pas eu de contact avec lui, ni avant ni après" le coup d'Etat, assure-t-il.
Ces dénégations ont du mal à convaincre Bénéwendé Sankara, candidat à la présidentielle du parti sankariste. Le putsch ? "C'est Blaise", assène-t-il sans hésiter, dans un entretien à l'AFP. Ils veulent "restaurer l'ancien système et le régime de Blaise Compaoré".
"C'est une question à laquelle on ne peut pas répondre, par définition, parce que Blaise Compaoré ne parle jamais. Ce couple de +frères siamois+, cet homme et son ombre, a toujours travaillé dans le silence", souligne pour sa part Rinaldo Depagne.
"Mais il est difficile d'imaginer que Blaise Compaoré ne soit pas au courant d'un projet qui a été minutieusement préparé et réfléchi", estime l'expert.
"Blaise et Diendéré, c'est la même personne", explique également Sekou Koureissy Condé, directeur exécutif de l'African Crisis Group, basé à Ougadougou. Mais "Diendéré joue sa carte et plus celle de Blaise", estime-t-il.
Blaise Compaoré, marionnettiste des putschistes ou président trahi par son fidèle lieutenant ?
"C'est très difficile à dire. Personne n'a aucune preuve d'une influence directe ou indirecte", constate Richard Banégas, professeur à Science-Po et chercheur au CERI (Centre de Recherches Internationales) à Paris.
Mais "Diendéré, le RSP, c'est la colonne vertébrale de l'ancien régime de Compaoré. C'est du Compaoré sans Compaoré. Peu importe que ce soit lui qui soit à la manoeuvre ou pas. C'est le système Compaoré - la +compaorose+ comme le dit le chanteur Almamy - qui est encore à l'oeuvre ou ses derniers
soubresauts".
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