Il n'y aura pas de 8e audition pour Karim Wade à Colobane! Après la dernière intervenue le 15 mars dernier, effectuée par la Cour de répression contre l'enrichissement illicite (CREI), le fils d'Abdoulaye avait jusqu'au 15 avril 2013, hier donc, pour justifier le pactole qu'on lui attribuait à tort ou à raison.
Sans qu'on sache trop quel est le mode de calcul, la fortune de Karim était estimée à un 1 milliard d'euros, soit 694 milliards de F CFA (comptes en banque, immobiliers et actions confondus).
Une somme astronomique qui laisse pantois. On attendait donc cette date du 15 avril 2013 avec impatience, aussi bien chez le mis en cause, chez le Sénégalais lambda qu'au niveau international.
C'est ainsi qu'hier dans la matinée, on était informé que ses avocats avaient déposé un précieux colis dont on ignorait le contenu chez le juge spécial Ndaw, patron de la CREI.
Soudain, en fin de journée, on apprenait que le présumé crésus de la Teranga avait été interpellé par la gendarmerie.
Qu'est-ce qui s'est passé ? Car on se disait que cette juridiction créée sur mesure mettrait du temps à examiner le dossier de Karim, si tant est que ses arguments soient consistants.
Toujours est-il que l'accélération de la procédure sème la circonspection, même si l'on sait que c'est le dossier qui conduit le juge et non l'inverse.
Avec cette arrestation de l'ex-superministre du régime, libéral, ce qu'il est convenu de nommer un épisode politico-judiciaire entre dans une nouvelle phase, où les protagonistes semblent en découdre au couteau. La guerre feutrée entre les enfants biologique et politique du chantre du "Sopi" (changement) est désormais frontale.
Et on a beau dire qu'à force de persécuter le fils de son ex-mentor Macky Sall finira par en faire un martyr, ce dernier semble décidé à aller jusqu'au bout. Advienne que pourra.
In petto, l'artisan de la seconde alternance au Sénégal jubile peut-être, car 5 ans après avoir échoué à entendre Karim Wade, place Soweto (Assemblée nationale), sur sa gestion de l'ANOCI, il prend sa revanche. Macky se veut donc convaincant face aux sceptiques qui doutaient encore de son intention d'aller au fond de cette œuvre de salubrité publique.
Cette interpellation de Karim Wade a, dans ce cas d'espèce, valeur de test et de symbole, et les SARR, BALDE et Cie, bref tous les autres de la galaxie Wade, doivent se le tenir pour dit : nul ne sera épargné.
Une petite victoire de l'enfant terrible de Fathick qui avait, ces derniers temps, subi des revers, notamment l'arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO, qui invalidait le Travel Band (interdiction de voyager) qui frappait Karim et la bronca des "droits-de-l'hommistes" qui soulevaient certaines violations flagrantes commises par le régime en place.
Celui que les intimes appellent affectueusement "RIMKA" n'est peut-être pas totalement au-dessus de tout soupçon comme la femme de César, mais en matière de justice, c'est connu, la forme tient le fond en l'état.
Les conseils de ce dernier ont déposé 2000 pages de preuves qui disculpent leur client. Les questions qui turlipinent les bien-pensants sont donc les suivantes :
- la CREI a-t-elle eu le temps nécessaire pour éplucher ces 2000 pages de justif avant d'arriver à la conclusion que le document est aussi léger qu'un moineau ?
- autrement dit, les preuves fournies dans ce gigantesque document ont-elles été passées au crible par la CREI ?
A moins d'être des Stakhanov de la lecture, parvenir, en l'espace de 3 ou 4 heures, à lire entre les lignes un aussi volumineux écrit relève de la prouesse dont seuls les juges de la CREI détiennent le secret.
Enfin, on a beau être en présence d'une juridiction spéciale, cette étrange inversion de la charge de la preuve semble contraire aux sacro-saints principes de la justice.
En règle générale, c'est à la justice d'amener la preuve qui culpabilise, ici c'est à Karim Wade de prouver qu'il n'est pas coupable !
L'ancien ex-directeur, associé de la UBS Warburg, une banque londonienne, n'est pas à ses premiers démêlés avec des histoires d'argent, même si les fois antérieures, c'était toujours lui qui estait en justice : En 2005, un journal sénégalais l'accuse d'être derrière une société de téléphonie mobile ? Il attaque en justice et gagne.
La même année, un autre canard a caqueté pour affirmer qu'on aurait pris le même Karim à l'aéroport Roissy à Paris avec 20 milliards de F CFA dans les valises. Procès intenté, procès gagné.
Cette fois-ci, c'est différent, car il est dans la nasse judiciaire, une première pour lui.
Comme disait son conseiller en com., le journaliste Cheick Diallo, qui a été aussi arrêté : "Karim Wade est un point d'interrogation". Parviendra-t-il ce coup-ci à transformer ce point d'interrogation en point d'exclamation ?