Le village de Balogo, dans la province du Nahouri, a connu un week-end agité. Des centaines d’orpailleurs y ont déposé leurs pénates après avoir appris la découverte d’un nouveau site d’or. Les 12 et 13 septembre 2015, il s’est engagé une course-poursuite entre les gendarmes venus sécuriser les lieux et les orpailleurs déterminés à chercher le métal jaune, malgré la fermeture des sites, pendant la saison des pluies.
A Balogo, village situé à 55 km de Pô, chef-lieu de la province du Nahouri, l’expulsion des orpailleurs du site d’or, nouvellement découvert, a alimenté les débats, le week-end. Des centaines d’orpailleurs ont parcouru de longues distances pour se retrouver sur le nouveau site, présenté comme l’un des meilleurs actuellement au Burkina, en terme de teneur d’or. Quand nous nous sommes rendus sur les lieux, le dimanche 13 septembre 2015, bon nombre d’orpailleurs se pavanaient à Poré, un village situé à 12 km de Balogo, faute de pouvoir accéder au fameux site pour extraire l’or. En effet, la veille, ils ont été dispersés à coup de gaz lacrymogène et de matraque par les gendarmes qui ont été dépêchés par les autorités locales. La plupart des orpailleurs que nous avons rencontrés ont trouvé la mesure injuste parce qu’ils estiment que le site n’est pas potentiellement dangereux pour leur sécurité.
Selon eux, l’or se ‘’ ramasserait ‘’ à 1 ou 2 mètres du sol. Cette situation, selon eux, ne peut pas occasionner les éboulements tant redoutés. Ils étaient tous unanimes à revendiquer l’accès au site d’or parce qu’ils ne savent plus à quel saint se vouer. En effet, bon nombre d’orpailleurs se sont retrouvés sans un seul sou, buvant l’eau des mares et négociant le maïs des paysans pour calmer leur faim. C’est sur le comptoir de Balogo que nous les avons rencontrés. La colère se lisait sur leur visage et par le ton acerbe de leurs propos. Selon Oumarou Kaboré, ressortissant de Zorgho, il a bravé la pluie depuis 5 jours, pour accéder au site. Vaine a été sa tentative. C’est tout furieux qu’il a accepté de confier sa galère dans la petite bourgade de de Balogo. « Selon les informations que nous avons, il paraît que le site d’or est une forêt classée. Certains disent que le site appartient à un blanc ou à l’Etat. On nous dit aussi que c’est à cause de la fermeture des sites d’orpaillage pendant la saison pluvieuse que nous sommes expulsés. Mais nous n’avons pas d’autres sources de revenus que l’orpaillage.
L’alimentation de la famille et la scolarité des enfants proviennent de l’or. Comme il s’agit d’un nouveau site, on devrait nous laisser travailler parce qu’il n’est pas dangereux. Même si on nous chasse, nous irons sur d’autres sites parce que nous n’avons pas d’autre choix », a-t-il laissé entendre avant d’appeler les autorités nationales à se pencher sur le sort des orpailleurs. « Il faudrait qu’elles encadrent le travail au lieu de nous chasser comme des mal propres. Nous avons fait le tour de la sous-région à la recherche de l’or. Mais nulle part, nous avons été traités comme au Burkina », a-t-il dit avant de suggérer que la période de fermeture des sites d’or soit moins longue. En effet, elle s’étend actuellement de 4 à 5 mois suivant les régions du Burkina. Les orpailleurs ont en outre révélé que les gendarmes ne se sont pas contentés de sécuriser le site. Ils se sont adonnés à cœur joie à l’exploitation du site. C’est ce qu’a soutenu Amado Compaoré qui a confié que les agents de sécurité permettaient à certains orpailleurs d’exploiter l’or, une fois la nuit tombée. Nous n’avons pas pu vérifier de telles allégations. Néanmoins, nous avons échangé avec les pandores sur le site d’or qui n’ont pas voulu piper un seul mot sur de telles accusations. Après notre passage, les gendarmes, avons-nous appris, ont bouché les trous du site d’or. En effet, beaucoup craignent que l’ouverture qui doit intervenir le 1er octobre n’occasionne des pertes en vie humaine. Quand nous quittions les lieux, le lundi 14 septembre, beaucoup d’orpailleurs rebroussaient chemin à la recherche d’un autre site non sécurisé1
Moustapha Souli, vice-président du Syndicat national des orpailleurs du Burkina :
« Nous sensibilisons les orpailleurs pour qu’ils respectent la période de fermeture du site d’or »
« Nous avons effectué la mission de Balogo parce que les orpailleurs sont dans des problèmes. Ils nous ont dit qu’ils n’arrivaient pas à travailler et que les agents de sécurité ont retiré leur minerai. Nous les avons écoutés. Mais, nous avons déploré le fait qu’ils n’ont pas pu donner des témoignages avec des preuves à l’appui. Personne n’a pu nous dire qu’il a vu ceci ou cela. Nous sensibilisons les orpailleurs pour qu’ils respectent la période de fermeture du site d’or. Il ne reste plus que 17 jours pour que les sites s’ouvrent de nouveau. Nous allons négocier avec les autorités locales pour qu’à l’ouverture les orpailleurs puissent travailler en toute tranquillité. Nous avons remarqué aussi que le site d’or est situé entre des champs. Nous avons exhorté les orpailleurs pour qu’ils n’endommagent pas les récoles. Si après avoir eu l’or, ils ne peuvent pas avoir à manger, cela est regrettable. Nous avons aussi relevé que c’est la loi qui a institué la période de fermeture des sites d’or. C’est pourquoi, la sécurité était sur le site pour empêcher toute activité. C’est pour éviter les éboulements. Nous avons causé avec les gendarmes qui étaient sur le terrain. Ils nous ont fait comprendre qu’ils ont reçu des consignes très strictes par rapport au respect de la fermeture des sites d’or. Nous les remercions beaucoup parce que les éboulements n’arrangent personne. Nous reconnaissons que nous sommes dans une période de soudure. C’est pourquoi, nous avons demandé aux autorités de diminuer le temps de la fermeture des sites d’or. Pour le moment, il est à 5 mois. Nous souhaitons qu’il soit de 2 mois pour permettre aux orpailleurs de pouvoir travailler. Nous souhaitons que la fermeture concerne les mois d’août et de septembre. C’est à cause de la famine que beaucoup de personnes sont venues dans ce village à la recherche de l’or. Nous avons demandé aux orpailleurs de patienter jusqu’à l’ouverture des sites qui interviendra dans 17 jours. La patience est un chemin d’or. Mais à l’ouverture du site, il est nécessaire qu’il y ait la présence du Syndicat national des orpailleurs et de la sécurité pour encadrer le travail. Nous demandons aux autorités locales de favoriser cela. »
Propos recueillis par RHO