Me Bénéwendé Sanakara, candidat à la prochaine présidentielle, a introduit le 5 septembre 2015 un recours auprès du Conseil constitutionnel contre les candidatures de Ram Ouédraogo (RDEBF), Yacouba Ouédraogo (UBN), Djibrill Yipéné Bassolé (candidat indépendant), et Maurice Denis Salvador Yaméogo (RDF). Les raisons ? Lire le recours ci-dessous.
« RECOURS CONTRE LA LISTE DES CANDIDATS A L’ELECTION DU PRESIDENT DU FASO DU 11 OCTOBRE 2015 OBJET DE LA DECISION N°2015-023/CC/EPF DU 28 AOUT 2015
INTRODUIT DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL PAR :
Monsieur Bénéwendé Stanislas SANKARA, Avocat, né le 23 Février 1959, inscrit sur la liste électorale sous le numéro 01859884, Tél. : 25 36 96 10 ou 70 20 34 78 – demeurant à 09 BP 715 Ouagadougou 09, candidat à l’élection présidentielle du 11 Octobre 2015 pour le compte du parti Union pour la Renaissance/Parti Sankariste (UNIR/PS) –
Es qualité de recourant
OBJET DU RECOURS
Recours contre la liste provisoire des candidats à l’élection du Président du Faso du 11 Octobre 2015 publiée le 28 Août 2015 par le Conseil Constitutionnel par décision N°2015-023/CC/EPF portant arrêt de la liste provisoire des candidats à l’élection du Président du Faso du 11 Octobre 2015 ;
PLAISE AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres
Monsieur Bénéwendé Stanislas SANKARA, candidat à l’élection présidentielle du 11 Octobre 2015 et recourant comme ci-dessus identifié a l’honneur de vous exposer ce qui suit :
I – DES FAITS ET PROCEDURE
De la recevabilité du recours
Considérant que par décision N°2015-023/CC/EPF le Conseil Constitutionnel a procédé le 28 Août 2015 à la publication de la liste provisoire des candidats à l’élection présidentielle du 11 Octobre 2015 ;
Considérant que sur cette liste de seize (16) candidats, y figurent malencontreusement les noms de :
Monsieur Ram OUEDRAOGO (RDEBF) ;
Monsieur Yacouba OUEDRAOGO (UBN)
Monsieur Djibrill Yipéné BASSOLE (candidat indépendant)
Monsieur Maurice Denis Salvador YAMEOGO (RDF)
Considérant que le Code électoral en son article 123 dispose que : « … les candidatures peuvent être présentées, soit à titre individuel, soit par un parti, un collectif de partis ou un regroupement de formations politiques légalement reconnus. » ;
Considérant cependant que l’article 135 du Code électoral dispose que sont inéligibles :
«- les individus privés par décision judiciaire de leurs droits d’éligibilité en application des lois en vigueur ;
les personnes pourvues d’un conseil judiciaire ;
les individus condamnés pour fraude électorale ;
toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte au principe de l’alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandat présidentiel ayant conduit à une insurrection ou à toute autre forme de soulèvement. »
Que très surabondamment, l’article 136 du Code électoral interdit la publication de la candidature d’une personne inéligible en vertu du Code électoral ;
Qu’en revanche, aux termes de l’article 131 du Code électoral, le droit de réclamation contre la liste des candidats est ouvert à toute personne s’étant présentée à titre individuel ou ayant été présentée par un parti ou une organisation politique, un collectif de partis ou regroupement de partis ou formations politiques légalement reconnus ;
Considérant que par décision N°2015-017/CC/EPF du 28 Août 2015, le Conseil Constitutionnel a déclaré que le candidat Bénéwendé Stanislas SANKARA remplit les conditions de forme et de fond édictées par les dispositions des articles 38 de la Constitution, 123 à 128 du Code électoral ;
Considérant que le Conseil Constitutionnel a ainsi déclaré la déclaration de candidature à l’élection présidentielle du Président du Faso du 11 Octobre 2015 de Monsieur Bénéwendé Stanislas SANKARA provisoirement validée ;
Qu’il s’en suit que Monsieur Bénéwendé Stanislas SANKARA a qualité et intérêt pour agir et doit être déclaré recevable en son recours contre la liste des candidats à l’élection présidentielle du 11 Octobre 2015 publiée le 28 Août 2015 par le Conseil Constitutionnel dont la compétence ne peut être querellée ;
De la compétence du Conseil constitutionnel
Considérant que l’article 152 de la Constitution dispose que : « Le Conseil constitutionnel est l’institution compétente en matière constitutionnelle et électorale. Il est chargé de statuer sur la constitutionnalité des lois, des ordonnances, ainsi que la conformité des traités et accords internationaux avec la Constitution.
Il interprète les dispositions de la Constitution. Il contrôle la régularité, la transparence et la sincérité du référendum, des élections présidentielles, législatives et est juge du contentieux électoral… »
Considérant que l’article 154 de la Constitution du Burkina Faso dispose que « le Conseil Constitutionnel veille à la régularité des élections présidentielles. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin… En matière électorale, le Conseil Constitutionnel peut être saisi par tout candidat intéressé… » ;
Considérant en outre la loi organique N° 011-2000/AN du 27 Avril 2000 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement du Conseil Constitutionnel et procédure applicable devant lui ;
Considérant la jurisprudence acquise et constante en la matière ;
Qu’il ne peut alors être contesté que le Conseil Constitutionnel est compétent en l’espèce ;
Considérant qu’il doit alors accueillir le recours de Monsieur Bénéwendé Stanislas SANKARA et le déclarer bien fondé au regard des moyens et arguments de droit tirés des faits de la cause ;
II – DES FAITS DE LA CAUSE
Considérant qu’il n’est pas contesté ni contestable que les 30 et 31 Octobre 2014, il est survenu au Burkina Faso un soulèvement inhérent à une insurrection populaire d’une extrême gravité avec pour conséquence la suspension de la Constitution, plus d’une trentaine de morts, et des centaines de blessés ainsi qu’une grande détérioration d’infrastructures et de biens privés et publics sur toute l’étendue du territoire national ;
Considérant que cette grave atteinte à la Constitution et à l’Etat de droit est essentiellement due à l’entêtement de personnes dont des membres du gouvernement, des députés et des responsables de partis politiques ou d’associations de l’ex-majorité ayant soutenu le projet de modification de l’article 37 de la Constitution ;
Considérant qu’un Front Républicain a même été créé par des responsables politiques de l’ex-majorité dont le Rassemblement des Ecologistes du Burkina Faso (RDEBF) présidé par Ram OUEDRAOGO et le Rassemblement des Démocrates du Faso (RDF) présidé par Maurice Denis Salvador YAMEOGO dont les noms figurent malheureusement sur la liste provisoire des candidats à l’élection du Président du Faso du 11 Octobre 2015 ;
Considérant que les activités du Front Républicain et de ses dirigeants ont été la principale cause de l’insurrection comme en attestent les déclarations des membres dudit Front à sa conférence de presse du 10 Avril 2014 à Bobo-Dioulasso ;
Considérant qu’il est établi que Ram OUEDRAOGO et Maurice Denis Salvador YAMEOGO ont soutenu la modification de l’article 37 de la Constitution ;
Que pour preuves, Ram OUEDRAOGO affirme dans l’Express du Faso du 08 Juin 2014 ceci : « Oui pour le référendum, le sénat et la modification de l’article 37. » ;
Que c’est également dans ce sens que le Sieur OUEDRAOGO Ram a été chef de délégation ayant conduit des missions dont celle du 20 Août 2014 au Yatenga et participé activement à la caravane qui a parcouru les 18 et 19 Juillet 2014 plusieurs localités du Burkina Faso pour appeler au référendum en vue de modifier l’article 37 de la Constitution ;
Considérant qu’il en est de même de Monsieur Maurice Denis Salvador YAMEOGO membre du même Front Républicain ;
Qu’en effet, dans une interview du 02 Mai 2014, il affirme que « concernant l’article 37 qui a fait couler beaucoup d’encre au Burkina et hors de nos frontières, nous constatons que les textes ne s’y opposent pas. L’article n’a pas été verrouillé…»
Il en conclut qu’il faut appeler à un référendum car dit-il « Si le dialogue a échoué, il faut que le Président du Faso qui en est l’initiateur se prononce, et que chaque camp prenne ses responsabilités. » ;
Considérant que c’est ainsi que le Président du Rassemblement des Démocrates du Faso (RDF) a appelé au référendum en soutenant que « le respect de la Constitution impose l’installation du sénat, davantage encore, que d’envisager la relecture de l’article 37 ne contrevient pas à la loi fondamentale. »
Considérant enfin que le 10 Septembre 2014, 81 élus nationaux du CDP, du groupe parlementaire CFR et le non inscrit de l’UNDD prendront sur eux la responsabilité d’appeler le Chef de l’Etat à lancer le référendum ;
Qu’à cet effet, ils déposeront même une proposition de modification de l’article 37 de la Constitution au soutien de la campagne lancée par le Front Républicain pour le référendum qui devrait voter oui à la modification de l’article 37 de la Constitution ;
Qu’un comité de soutien au référendum en abrégé CSR sera alors créé avec l’appui de centaines d’associations selon le Président dudit comité ;
Considérant que c’est dans ce contexte que le 25 Octobre 2014 au cours d’une rencontre du Bureau politique de l’ADF/RDA son Président, Gilbert Noël OUEDRAOGO a affirmé sans ambages que ses députés voteraient « Oui » au « Tripatouillage » de la Constitution ; (cf. l’Observateur Paalga N°8734 du lundi 27 Octobre 2014)
Considérant qu’il est aisé et manifeste de comprendre pourquoi le gouvernement a tenu un Conseil extraordinaire de ministres le 21 Octobre 2014 pour marquer son accord pour la transmission à l’Assemblée nationale d’un projet de loi en vue de convoquer un référendum pour modifier la Constitution ;
Considérant que l’article 68 de la Constitution du Burkina Faso dispose pourtant que : « Les membres du Gouvernement sont responsables de la direction de leurs départements respectifs devant le Premier ministre. Ils sont solidairement responsables des décisions du Conseil des ministres. » ;
Considérant que Messieurs Djibrill Yipéné BASSOLE et Yacouba OUEDRAOGO étaient bel et bien des membres du Gouvernement qui a adopté le projet de loi portant révision de la Constitution ;
Qu’ils restent donc responsables de la décision prise le 21 Octobre 2014 par le Conseil extraordinaire des ministres d’opérer une modification de l’article 37 de la Constitution ;
Considérant quant à Messieurs Ram OUEDRAOGO, Président du RDEBF et Maurice Denis Salvador YAMEOGO, Président du RDF, qu’ils ne sont pas non plus des citoyens ordinaires et sont incontestablement des dirigeants et membres influents du Front républicain qui a soutenu le projet de modification de l’article 37 ;
Qu’il convient de tout ce qui précède, en tirer toutes les conséquences de fait ci-dessus et de droit ;
III – DES CONSEQUENCES DE DROIT
Considérant qu’il est manifeste et de notoriété publique que les membres du gouvernement issus du décret N° 2013-002/PRES/PM du 02 Janvier 2013 et les responsables du Front Républicain ont activement soutenu le changement anticonstitutionnel qui a porté atteinte au principe de l’alternance démocratique notamment au principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels tel que prévu à l’article 37 de la Constitution du Burkina Faso ;
Considérant que leurs attitudes et actes ont conduit à une insurrection populaire au Burkina Faso les 30 et 31 Octobre 2014 ;
Qu’en conséquence, les personnes ayant soutenu ce changement anticonstitutionnel et dont les noms se retrouvent sur la liste des candidats à l’élection du Président du Faso publiée le 28 Août 2015 conformément à la décision N°2015-023/CC/EPF doivent être déclarées purement et simplement inéligibles ;
Qu’il s’agit en l’occurrence de :
Monsieur Djibrill Yipéné BASSOLE, Ministre d’Etat, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Régionale au moment des faits ;
Monsieur Yacouba OUEDRAOGO, Ministre des Sports et des Loisirs au moment des faits ;
Monsieur Ram OUEDRAOGO, Président de RDEBF, membre du Front Républicain au moment des faits ;
Monsieur Maurice Denis Salvador YAMEOGO, Président du RDF, membre du Front Républicain au moment des faits ;
Considérant que la jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel est que doivent être déclarés inéligibles tous les candidats qui ont soutenu le projet de modification de l’article 37 de la Constitution ;
Cf. : – Décision N°2015-021/CC/EL du 25 août 2015 sur le recours de Monsieur DABIRE
Angelin ;
– Décision N°2015-026/CC/EL du 26 août 2015 sur le recours de Messieurs
OUEDRAOGO Ousmane, SAWADOGO Mahamadi, BAZIE Jean Baptiste et
Madame TAONSA/KABDAOGO Victorine Sophie;
– Décision N°2015-027/CC/EL du 26 août 2015 sur la requête de Madame KABORE
Cathérine Sibdou ;
– Décision N°2015-029/CC/EL du 26 août 2015 sur le recours de Monsieur
BASSONO Fulgence Yi So Némon.
Considérant qu’au demeurant, le Juge communautaire de la CEDEAO dans l’arrêt rendu le 13 Juillet 2015 rappelle à bon droit que « la sanction du changement anticonstitutionnel de gouvernement vise des régimes, des Etats, éventuellement leurs dirigeants, mais ne saurait concerner les droits des citoyens ordinaires ».
Que d’ailleurs, le Conseil Constitutionnel est constant pour soutenir que l’article 135 du Code électoral est une disposition qui reste en vigueur en ce que l’Etat du Burkina Faso n’a pas mis en œuvre la décision du 13 Juillet 2015 de la Cour de justice de la CEDEAO ;
Qu’en outre, Messieurs Djibrill Yipéné BASSOLE et Yacouba OUEDRAOGO, membres du dernier gouvernement de Blaise COMPAORE, Maurice Denis Salvador YAMEOGO et Ram OUEDRAOGO, présidents de partis politiques membres du Front républicain ne sont pas des citoyens ordinaires et ont activement soutenu en leur qualité de dirigeants, le projet de modification de l’article 37 comme en attestent les éléments de preuves ci-joint en annexe et rapportés par la presse dans son ensemble ;
EN CONCLUSION
Considérant que la décision N° 2015-023/CC/EPF du 28 Août 2015 portant publication de la liste provisoire des candidats à l’élection du Président du Faso du 11 Octobre 2015 viole les dispositions de l’article 136 du Code électoral ;
Qu’il est démontré et il ne peut être contesté que Messieurs Djibrill Yipéné BASSOLE, Yacouba OUEDRAOGO, Maurice Denis Salvador YAMEOGO et Ram OUEDRAOGO ne sont pas éligibles au regard des conditions édictées à l’article 135 du Code électoral ;
Que le recourant prie donc très respectueusement le Conseil Constitutionnel d’en tirer toutes les conséquences de droit.
PAR CES MOTIFS
Qu’il plaise au Conseil Constitutionnel :
En la forme, déclarer le recours de Monsieur Bénéwendé Stanislas SANKARA recevable ;
L’y déclarer bien fondé dans son action et dire et juger inéligibles Messieurs Djibrill Yipéné BASSOLE, Yacouba OUEDRAOGO, Maurice Denis Salvador YAMEOGO et Ram OUEDRAOGO à l’élection du Président du Faso du 11 Octobre 2015 ;
En conséquence, omettre les intéressés et arrêter à nouveau la liste définitive des candidats à l’élection du Président du Faso du 11 Octobre 2015. »
Et ce sera simplement justice
Pour recours respectueux
Présenté à Ouagadougou, le 04 Septembre 2015
Par Monsieur Bénéwendé Stanislas SANKARA
Candidat à l’élection présidentielle du 11 Octobre 2015