Aujourd’hui jeudi 11 avril 2013, cela fait trois mois, jour pour jour, que débutait l’opération «Serval», du nom de l’intervention militaire française au Mali. Une entrée en guerre du Coq gaulois qui a surpris aussi bien les djihadistes, qui menaçaient de prendre Mopti, que bon nombre d’observateurs de la situation chaotique au nord malien, passé alors sous contrôle de groupes islamistes armés.
Pour la genèse de cette intervention, rendue publique par notre confrère français «Le Nouvel Observateur» dans son édition du 7 février, sachez que c’est par suite de la prise de la ville de Konna, frontière symbolique entre le Nord et le Sud, que Dioncounda Traoré fit appel à François Hollande. Dans une lettre écrite le 9 janvier et communiquée le lendemain à l’Elysée par télégramme de l’ambassade de France à Bamako, le président intérimaire malien… «Suite aux développements récents constatés sur le terrain et à la menace qui se précise contre nos premières lignes de défense, une intervention aérienne immédiate s'impose. Celle-ci consistera à fournir un appui renseignement et un appui feu au profit de nos troupes».
Autrement dit, analyse l’hebdomadaire français, Bamako demande à la France de dépêcher des avions et des hélicoptères, mais ne sollicite pas le déploiement de soldats au sol.
Jugeant cette demande «trop imprécise», Paris exige une autre missive, plus précise. Une réécriture qui a pris trop de temps, «faute de rédacteur : «"Pendant plusieurs heures, nous avions perdu la trace de Traoré, nous n'arrivions pas à le contacter, nous ignorions même s'il était toujours en vie", explique-t-on dans l'entourage de François Hollande. Les raisons de cette disparition demeurent mystérieuses. Quand il est réapparu, le président malien a signé la seconde lettre sollicitée par Paris, qui appelle donc seulement à une intervention aérienne», lit-on dans la même livraison de notre confrère, qui ajoute : «Les 8, 9 et 10 janvier, en effet, les services de renseignement relèvent un fait troublant : les groupes terroristes, et particulièrement Ansar Dine, sont en contact permanent avec les leaders des manifestants qui, à Bamako, exigent, depuis quelques jours, le départ du président Traoré. "Notre analyse, dit un officiel, était que les djihadistes et les manifestants, contrôlés en fait par le capitaine Sanogo, s'étaient mis d'accord pour mener une action conjointe : les premiers prenaient Sévaré tandis que les seconds dénonçaient l'incapacité du pouvoir en place à empêcher la chute d'une ville si importante. "Résultat : le président par intérim, Dioncounda Traoré, chutait "dans les quarante-huit heures", et un nouveau pouvoir s'installait à Bamako. De mèche avec les terroristes, les putschistes n'auraient pas autorisé le déploiement de la Misma et encore moins une intervention militaire française. Toute la stratégie de Paris s'effondrait. Et le Mali devenait, de fait, un sanctuaire pour les djihadistes.
Le 10, François Hollande décide d’intervenir, précisant d’abord ne s’en tenir qu’à des frappes aériennes. La suite, on la connaît : 4 000 soldats déposent armes et bagages dans le septentrion malien. Comme quoi, à la guerre, c’est le terrain qui commande la manœuvre.
On notera que rarement intervention militaire française en Afrique n’aura autant fait l’unanimité. En Côte d’Ivoire comme en Libye, pour ne citer que ces deux exemples, ce fut toujours sous des cris d’orfraie que les contingents furent accueillis sur le continent noir.
C’est là tout le paradoxe africain à l’égard de l’ancienne puissance tutélaire. Quand elle se mêle de nos affaires, la bien-pensance instruit le procès en néocolonialisme et en paternalisme. Quand elle se garde de toute ingérence, on l’accuse de non-assistance à…
Trois mois après le déclenchement de l’opération «Serval», grâce aux troupes hexagonales et tchadiennes, plusieurs villes sont libérées du joug islamiste. A Konna, Gao, Tombouctou, Kidal et Tessalit, les combattants djihadistes sont chassés, parfois sans grande résistance. Le MUJAO, Ansar Dine et AQMI sont sérieusement affaiblis, et leur capacité de nuisance fortement entamée. Certains de leurs chefs sont même tués. Ainsi d’Abou Zeid, dont la mort a été confirmée par Paris après une longue période de scepticisme, et de Mocthar Bel Mocthar, dont l’élimination, annoncée par N’Djamena, n’a toujours pas été «homologuée» par le grand chef blanc.
Mais qu’à cela ne tienne, c’est actuellement l’enfer sur terre pour les fous d’Allah, condamnés à un baroud d’honneur dans les grottes du massif des Ifoghas, où ils se sont terrés.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le conflit n’est pas terminé. Pire, il est entré, depuis deux mois, dans une phase asymétrique avec les attentats-suicides à Gao et Tombouctou notamment.
C’est dans ce contexte que la France, qui a longtemps annoncé qu’elle n’avait pas «vocation à rester», a entamé depuis lundi dernier le rapatriement progressif de ses troupes. Nonobstant les supplications de Bamako, vaste théâtre de querelles politico-militaires alors que soldats français et tchadiens poursuivent la périlleuse mission de pacification du Nord.
Alors, ne demandons pas Hollande plus qu’il ne peut ou ne veut nous donner. Ses hommes ont fait l’essentiel du sale boulot. Aux Maliens et aux autres Etats membres de la CEDEAO de prendre la relève.
Le plus tôt serait le mieux. Car touchés mais pas coulés, les terroristes sont toujours présents sur le sol malien et constituent un danger aussi bien pour le pays que pour l’ensemble de la région. A tout cela s’ajoute la crise politique, à l’issue aussi lointaine qu’incertaine.
Comme on le voit, grâce à l'offensive franco-tchadienne, l'opération "Serval" est si près de l'objectif. Mais rapporté à Bamako, où règne le désordre institutionnel, et à la CEDEAO, plongée dans l'attentisme, appelés pourtant à assurer le service après-vente, cette guerre est loin d'avoir atteint son objectif.