Après la décision d’invalidation des candidatures de certains mentors du CDP aux prochaines élections législatives le 24 août 2015, les grands juges ont enfoncé le clou le 29 août dernier en rejetant la candidature du président du parti, Eddie Komboïgo à la présidentielle. Ce dernier, lors d’un meeting organisé le samedi dernier au Stade municipal de Ouagadougou, bien que qualifiant la décision des grands juges d’inique et de politique, a appelé les militants à la retenue avant de déclarer que le parti jouera la carte du remplacement en alignant de vaillants jeunes.
Prévu pour 14 heures, c’est finalement à 16 heures que le meeting régional a effectivement commencé. Une demi-heure avant, autour du stade municipal et sur les rues attenantes plusieurs dizaines de cars affrétés pour la circonstance n’arrêtent pas de faire la navette pour convoyer des militants.
A l’intérieur de la cuvette du stade, des artistes musiciens mettent le public, franchement pas monstrueux, en jambes en attendant l’arrivée d’Eddie. On peut lire çà et là sur les différents panneaux : Mouvement Eddie la solution pour la jeunesse (MESJ), « Je suis du Kadiogo : je dis ne touche pas à mon CDP ». Sur la tribune officielle, on peut remarquer la présence des ténors du parti qui ont subi la fatwa des grands juges avec au premier plan : Achille Tapsoba, Fatou Diendéré, Salam Dermé, Noël Sourwema, Traoré Nignan/Yago, Catherine Ouédraogo, Léonce Koné, Alpha Yago, Zoma Jérôme et un soutien de taille REK. Le maître de cérémonie l’inénarrable Ambroise Tapsoba use de toutes ses cordes vocales pour appeler les militants devisant par petits groupes autour du stade « le président va arriver d’un moment à l’autre».
16h-05. Celui-là que tout le monde attendait fait son entrée comme une star du sport roi par le côté nord du stade, précisément la porte numéro 11 dans une hystérie totale. Le public jubile comme si Pitroipa ou Bancé venait d’envoyer le ballon dans les filets adverses. Il est habillé de cotonnade blanche brodée, assortie d’un bonnet. Il se hisse sur le toit de la V8 blanche dans laquelle il était en faisant le V de la victoire sous les acclamations et les youyous du public avec en fond sonore le tube de Floby « Ton na touma–touma). L’ambiance est surchauffée voire électrique. Le « prési » prend son bain de foule et achève son arrivée triomphale au pas de course pour gagner la tribune officielle où l’attendaient les bonzes du BEN et du haut conseil du parti.
Après le « Eddie show », on peut entrer dans le vif du sujet parce qu’en fin de compte ce qui réunit les militants en cet après-midi de samedi n’est pas très réjouissant. Le parti a été «décapité » par le Conseil constitutionnel pour les élections à venir disent certains ; pour d’autres, la locomotive a été détachée du train.
Le coordonnateur du meeting régional du Kadiogo, Salifou Sawadogo en l’occurrence, est le premier à prendre la parole pour saluer la « forte » mobilisation, la détermination des militants et leur attachement au parti malgré les moments difficiles qu’il traverse. Il a ensuite demandé la libération des militants CDP qui sont détenus à la MACO et l’arrêt des interpellations dans les rangs du parti.
Puis vint le moment tant attendu, l’intervention d’Eddie Komboïgo. Celui-ci, avant de dévaler les escaliers de la tribune et la pelouse du Stade municipal, se tint tout droit, stoïque comme un soldat devant les membres du BEN pour prononcer quelques mots à leur endroit avant de gagner l’estrade. Il annonce tout de suite la couleur : « Chers militants, merci d’être venus quand même nombreux ; malgré les pressions et les menaces dont vous avez été l’objet toute la nuit, vous avez tenu à être là. Mais je voudrais que mon message parvienne aussi aux oreilles de ceux qui ne sont pas militants du CDP. Il n’y a plus de justice au Burkina. Nous n’avons pas pu modifier l’article 37 de la Constitution. Nous reconnaissons que c’était une erreur. Mais il faut reconnaître au moins le mérite de bâtisseur du Faso à Blaise Compaoré. Il faut rendre à César ce qui est à César. Blaise a abandonné le pouvoir, mais il n’a pas abandonné le pays. Nous regrettons ce qui s’est passé parce que des vies humaines ont été fauchées… Nous n’avons pas d’ambitions personnelles. Nous n’avons d’ambitions que pour le CDP, pour le pays, pour la patrie, pour la justice, pour la paix au Burkina. On a exclu des candidats alors que la Constitution du Burkina, la Charte de la Transition et l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO prônent des élections inclusives. Les militants du CDP ne sont pas des bagarreurs. Le CDP participera aux élections afin de bâtir le Burkina et construire la paix. Nous ne brûlerons rien au Burkina parce que nous sommes des Burkindi. Le CDP regorge d’autres cadres, des femmes et de vaillants jeunes. Nous les alignerons et ils iront gagner», a-t-il martelé. Ambiance !
Jean Stéphane Ouédraogo
Le CDP et ses bagnards
Lors de cette rencontre avec les militants, le président du parti, Eddie Komboïgo, à l’instar du coordonnateur régional du meeting, Salifou Sawadogo, est revenu sur la situation de leurs camarades emprisonnés. Ils dénoncent une chasse aux sorcières. Il s’agit, entre autres, des trois ex-ministres du gouvernement Compaoré : Jérôme Bougma ; Jean Bertin Ouédraogo et Arthur Kafando. Quant aux anciens maires ce sont entre autres Marin Casimir Ilboudo, Pascal Tiga Ouédraogo, Basile Kaboré, Joanny Ouédraogo, Stanislas Ilboudo, Adama Zongo, Salia Sanou, Karim Barro, Seydou Sanou et Thomas Baguemzanré.
Substitution des candidats
Le patron du CDP a déclaré que le bureau exécutif national du parti se réunira incessamment pour procéder au remplacement des militants dont les candidatures ont été invalidées par le Conseil constitutionnel. Selon lui, le parti regorge encore de femmes, d’hommes et de jeunes capables de remporter des victoires. Espérons que ces substitutions ne seront pas une autre source de tensions au sein du parti car de jeunes loups attendent dans le bois depuis longtemps.