Rendu le 25 août dernier, le verdict du Conseil constitutionnel sur la validation des candidatures aux législatives 2015, a été diversement apprécié. Pendant que des candidats de l’ex-majorité recalés, appellent à la désobéissance civile, d’autres Burkinabè appellent au respect du verdict rendu par la plus haute juridiction burkinabè. Au rang de ces derniers, Ali Badra Ouédraogo, président du Rassemblement des patriotes pour le renouveau (RPR), ex-militant du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). A travers les lignes qui suivent, il appelle tous les Burkinabè à se conformer à la décision du Conseil constitutionnel car pour lui, l’instance chargée de la validation des candidatures n’a fait que dire le droit. Il invite le CDP à s’inscrire dans une logique républicaine car, a-t-il averti, « nous allons nous dresser comme un seul homme contre toute personne qui aura tendance à menacer la quiétude sociale ou à sacrifier l’avenir du Burkina sur l’autel de ses intérêts égoïstes et individuels ». Lisez plutôt.
‘’Le Pays’’ : Comment avez-vous accueilli le verdict du Conseil constitutionnel qui recale certains candidats de l’ex-majorité?
Ali Badra Ouédraogo: J’ai accueilli la décision du Conseil constitutionnel avec un esprit républicain, parce que j’estime que nous sommes en train d’aller vers un Etat de droit, véritablement démocratique, où les institutions peuvent s’élever au-dessus de la mêlée et apprécier froidement la situation. Malgré les menaces et tentatives de prise en otage, un esprit républicain a guidé le Conseil constitutionnel. Sa sage décision est l’expression du droit. Et l’ensemble du peuple burkinabè doit en être fier. Chacun de ceux-là qui, avant le verdict, étaient pour ou contre, doit se dire que ce verdict n‘est pas la victoire d’un camp sur l’autre, mais que c’est plutôt la victoire du droit qui a été proclamée au Burkina.
Quel commentaire faites-vous de la réaction du CDP qui en appelle à la désobéissance civile?
Je voudrais d’abord féliciter les partis dont certains candidats ont été recalés, notamment l’Alliance pour la démocratie et la fédération/ Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) et le Nouveau temps pour la démocratie (NTD) qui, dès les premiers instants, ont reconnu que c’est le droit qui a été dit et qu’ils s’y conformaient. Quant à la décision du CDP qui en appelle à la désobéissance civile, je voudrais dire aux Burkinabè que chacun de nous doit faire profil bas, parce que la Nation burkinabè est notre bien commun et qu’il n’appartient à aucun groupe de citoyens, par ses actes ou propos, de mettre en péril la paix sociale si chère au Burkina Faso. Que ceux du CDP reconnaissent qu’en réalité, eux aussi, ont été responsables pendant longtemps dans ce pays et qu’il y a eu aussi certaines décisions de justice sous leur règne qui n’ont pas toujours rencontré l’assentiment de l’ensemble des populations, mais comme elles émanaient des institutions républicaines, les citoyens n’avaient fait que s’y plier. Donc aujourd’hui, nous devons avoir cette vision de la cohésion sociale pour ne pas appeler à la perturbation de la quiétude sociale, même si l’on peut reconnaître que c’est douloureux de voir recaler des candidats sur lesquels un parti comptait.
« Il faut reconnaître tout simplement que le droit a été dit »
Certes, cela fait mal, mais comme le CDP s’est toujours targué d’être un grand parti, il doit pouvoir procéder à leur remplacement d’autant plus que la loi le lui permet. En tout cas, il ne peut pas nous convaincre qu’en son sein, il n’y a pas de gens capables de le conduire aux élections avec succès. Il faut reconnaître tout simplement que le droit a été dit et que chacun doit s’y conformer.
Donc pour vous, il suffit que le CDP remplace les militants recalés et la Nation aura la paix?
Je crois qu’il n’y a pas d’autres solutions parce que les décisions du Conseil constitutionnel sont sans appel. En tant que parti politique, le CDP doit s’inscrire dans une logique républicaine. En tous les cas, je ne pense pas que le peuple burkinabè accepterait encore de pardonner des comportements tendant à déchirer le tissu social, à perturber la paix sociale. Ils (NDLR : les militants du CDP) n’ont qu’à remplacer les candidats recalés par d’autres militants aussi valeureux et puis, on ira aux élections. En tous les cas, le peuple souverain saura apprécier. Ce n’est pas parce qu’un tel ou tel candidat est recalé que le parti n’enregistrera pas de succès aux élections. En tout état de cause, toute autre attitude visant à perturber la quiétude sociale pourrait se retourner contre eux. Je ne pense pas que ce serait bon pour l’image du parti qui vient de sortir d’une grande turbulence. Il appartient au CDP de s’élever au-dessus de la mêlée et d’être beaucoup plus responsable et d’arrêter de poursuivre les actions de cette nature, qui pourraient menacer la paix sociale.
Pensez-vous que cette décision du Conseil constitutionnel permettra au CDP de se refonder comme vous le souhaitiez avant votre départ de ce parti?
Honnêtement, l’histoire nous donne raison. Quand nous y étions, notre principale revendication était que tous ceux qui étaient d’une manière ou d’une autre identifiés comme des responsables politiques des événements malheureux que le Burkina a connus les 30 et 31 octobre 2014, battent en retraite et permettent à d’autres militants qui ont une certaine virginité politique de pouvoir régner sur l’arène politique au nom du parti et par les idéaux du parti. Mais notre voix n’a été pas entendue. On nous a plutôt traités de tous les noms d’oiseaux et nous sommes partis. Aujourd’hui, la puissance publique s’impose. Donc, il faut que ce rajeunissement qu’on a souhaité se fasse. Le fait que par la puissance publique, certaines personnes qui pensent que sans elles, le parti ne peut pas vivre, battent en retraite, est une bonne chose. Et j’en appelle à la conscience des jeunes du CDP de reconnaître que la décision prise par le Conseil constitutionnel est une aubaine dans laquelle ils doivent trouver leur compte. Qu’ils ne se mettent pas en ordre de baille pour répondre à des appels de certaines personnes qui sont en manque de visibilité politique, car ils pourraient eux-mêmes compromettre leur avenir politique. Ils doivent se réjouir et assumer courageusement leurs responsabilités en tant que jeunes, en confiant les choses à d’autres militants qui peuvent défendre la cause du parti. C’est une bonne décision qui les arrange.
Un mot pour conclure?
Je voudrais rappeler l’ensemble de la classe politique burkinabè que nous, nous sommes des légalistes républicains. Aujourd’hui, le Burkina a besoin de tous ses fils et filles. La décision que le Conseil constitutionnel vient de rendre est une décision de justice et tout le monde doit la respecter.
«Plus jamais, quelqu’un ne se dressera contre le Burkina et nous allons nous asseoir les bras croisés »
Il n’appartient en aucun cas, à une personne fâchée ou non de penser qu’à un certain moment, elle peut prendre en otage l’avenir du Burkina. Nous, nous allons nous dresser comme un seul homme contre toute personne qui aura tendance à menacer la quiétude sociale ou à sacrifier l’avenir du Burkina sur l’autel de ses intérêts égoïstes et individuels. Nous sommes des patriotes engagés et convaincus. Plus jamais, quelqu’un ne se dressera contre le Burkina et nous allons nous asseoir les bras croisés et regarder notre Nation aller à vau-l’eau. Nous sommes convaincus que la paix est le gage du développement du Burkina et nous y travaillons. Nous invitons tout le monde à s’inscrire dans cette logique afin que nous puissions avoir une Nation réconciliée avec elle-même, avec l’ensemble de ses fils et filles pour qu’ensemble, nous envisagions l’avenir du pays de façon sereine, pour le bonheur de tous les Burkinabè.
Propos recueillis par Dabadi ZOUMBARA