Situé au Centre-ouest d’Abidjan en Côte d’Ivoire, la commune d’Attécoubé est composée d’une trentaine de quartiers parmi lesquels Mossikro. Cette contrée très peu touchée par l’urbanisation doit son nom à la cohabitation quasi-parfaite entre la communauté burkinabè et la population autochtone (les Ebrié) de la localité. Reportage.
Quelque part à Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire, en ce dimanche 12 juillet 2015, aux environs de 15 heures, nous sommes dans un quartier atypique. La géotechnique présente un sol rouge argileux qui garde encore les traces de la fine pluie matinale. Un seul bitume traverse le quartier. Sur cette voie, taxis et minicars à la recherche de passagers, se faufilent dans un tintamarre de klaxons à longueur de journée. De modestes maisons enchevêtrées les unes contre les autres sont «accrochées» aux flancs des collines. Les ruelles sans caniveaux jonchées d’ordures par endroit, sont fendues par des coulées d’eau des ménages, obligeant les passants à faire régulièrement de grandes enjambées. Malgré l’existence d’un marché, les devantures des concessions, pour la plupart des «cours communes», servent de lieu de commerce. Y sont étalés, entre autres, des condiments, des chaussures, des vêtements et des jouets pour enfants. Chaque concession a son animation propre à elle. Le français et le dioula sont les langues les plus parlées. Nous sommes à Mossikro, un quartier de la commune d’Attécoubé, situé au Centre-ouest d’Abidjan. Ici, l’administration publique est représentée par des services administratifs de base : un commissariat, un centre de santé et une école primaire publique auxquels s’ajoutent des structures privées. En somme, Mossikro fait partie des quartiers précaires de la commune d’Attécoubé.
Mais au-delà de ce visage que présente ce bled, c’est un quartier où l’intégration de la communauté burkinabè est une véritable réussite au point qu’on oublie parfois qui sont les autochtones (les Ebrié). Le représentant de la communauté burkinabè dans cette partie d’Abidjan est El hadj Oumar Djiré. Ce menuisier à la retraite, polygame et père de 18 enfants, réside à Mossikro depuis 45 ans. Le témoin privilégié raconte que l’histoire de Mossikro a débuté avec Issaka Bissiri. Ce dernier, originaire de la province du Zondoma, s’y est installé en 1931 pour travailler avec un Ivoirien, Djoro Marc Mobio, dans sa plantation. «C’est le premier Burkinabè (Issaka Bissiri, Ndlr) à habiter à Mossikro, et il avait pour amis, Baladji Konan, un Ivoirien, Ousmane Guindo un Malien et un autre compatriote, Lassina Paré», explique-t-il. Avec l’occupation progressive des terres par des Ivoiriens et bien d’autres communautés étrangères (majoritairement des Burkinabè), Issaka Bissiri et les autres, poursuit le septuagénaire, décident de donner un nom au quartier. Ainsi, celui-ci a eu pour nom de baptême : Mossikro. «Mossi» pour désigner l’ethnie de Issaka Bissiri, et «Kro» qui signifie village en Baoulé, détaille-t-il. Quant au Malien, poursuit-il, étant donné qu’il habitait à l’extrême, sa zone a été nommée «Dindé» qui signifie pagaie en ethnie «Bozo», au Mali.
Un bled de 70 000 habitants
A en croire Mohamed Guinche, un autochtone, la population actuelle est estimée à 70 000 habitants avec une prédominance de Burkinabè. Puis, viennent des Ivoiriens, les Maliens, les Nigériens et des Nigérians. «Ici à Mossikro, il est difficile de faire la différence entre un Burkinabè et un Ivoirien parce que nous partageons ensemble les moments de peine et de joie. Les crises n’ont pas réussi à diviser les deux communautés», explique Lassina Ouattara, un Ivoirien âgé de la quarantaine. De l’avis de Fatogo Tahirou Cissé de la diaspora burkinabè, Mossikro a une jeunesse burkinabè très dynamique qui participe à la vie économique, à travers des métiers libéraux comme la couture, le commerce et la conduite. Le moins que l’on puisse dire est que le retour au bercail n’est pas d’actualité pour la plupart des Burkinabè résidant à Mossikro. «Certains ont la nationalité ivoirienne, notamment ceux qui sont nés d’une mère ivoirienne et d’un père burkinabè. Je ne pense pas que ces derniers retourneront au pays, sauf en cas de force majeure. Nous vivons dans des maisons construites par nos parents bien avant l’indépendance de la Côte d’Ivoire. De plus, il y a d’autres, dont moi-même, qui n’ont jamais mis les pieds au Burkina Faso», justifie Hamidou Yé. Dans ce quartier précaire, la communauté burkinabè partage avec les Ivoiriens et les autres communautés étrangères la même hantise à l’approche de la période des grandes pluies. En effet, les maisons construites sur ou au flanc des collines font que les éboulements sont légion lorsque le ciel ouvre grandement ses vannes. Le dernier éboulement date de juin dernier où, suite à une grosse pluie, l’effondrement de maisons a occasionné la mort de six personnes dont trois enfants. Pendant que le gouvernement ivoirien pense au déguerpissement de ce quartier jugé à risque, voire recaser les habitants ailleurs, la population, quant à elle, suggère le lotissement intégral de la zone pour éviter les glissements de terrain. «Depuis 2002, une convention a été signée avec le maire de la commune. Les ouvertures avaient été faites à l’époque et il ne restait plus qu’à placer les bornes. L’Etat doit nous aider à nous installer au lieu de vouloir démolir le quartier parce que les gens ont acheté vachement cher les lopins de terre et ils y ont beaucoup investi», plaide Mohamed Guinche. En attendant que son cri du cœur soit entendu par les autorités, Mossikro, qui a le plus grand électorat de la commune, garde toujours son statut de quartier précaire.
Paténéma Oumar
OUEDRAOGO
De retour d’Abidjan
(Côte d’Ivoire)
Ali Dabo, ancienne gloire du tournoi de la diaspora
Le tournoi de la diaspora organisé par la Fédération burkinabè de football (FBF) dans les années 1993 et 1994, au-delà du fait qu’il a permis de révéler des talents de footballeurs burkinabè vivant en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays de la sous-région. Il a aussi permis à certains de découvrir pour la première fois la mère patrie. D’autres, à la faveur de ce tournoi, ont animé le championnat national burkinabè, à l’époque. C’est le cas de Ali Dabo, habitant à Mossikro né de père burkinabè et de mère ivoirienne. Joueur au Stella club d’Abidjan depuis les catégories minime, cadette, junior et sénior, ce joueur au poste de milieu offensif, a d’abord joué le championnat ivoirien aux côtés de Didier Zokora (ancien défenseur de l’équipe nationale ivoirienne). Ensuite, rentré au bercail, il a monnayé ses talents à l’Etoile filante de Ouagadougou qui avait pour président, en son temps, Salif Kaboré. Cette aventure a été de courte durée, car Dabo est retourné dans son ancien club. Toutefois, il garde toujours en mémoire des noms de joueurs du championnat burkinabè qu’il a côtoyés. Il s’agit, entre autres, de Alain Nana, de Tall Mamadou, de Hamidou Balboné, de Idrissa Ouédraogo et Mohamed Koffi. «J’avais eu un contrat qui devait m’amener en France, mais j’ai fait un accident qui a mis fin à mes ambitions», poursuit-il. Pour Ali Dabo, il est impérieux que la FBF rétablisse le tournoi de la diaspora afin de rehausser le football burkinabè en ce sens qu’ils sont nombreux ces Burkinabè qui animent le championnat ivoirien. «Il y a des jeunes Burkinabè talentueux qui veulent rentrer au pays mais ne connaissent personne là-bas. Ce qui fait que beaucoup d’entre eux se dirigent principalement vers l’Europe. Sinon le tournoi de la diaspora était une très bonne initiative», dit-il.
P.O.O.