Question à un sou : existe-t-il une seule voie sans nid-de-poule de nos jours à Ouagadougou ? A la faveur de l’hivernage, le phénomène a pris une telle ampleur qu’il y a eu un cas de décès. Mais quelle en est la cause ? Y a-t-il une volonté d’en venir à bout ? Eléments de réponse à travers cette plongée dans l’enfer de ces trous béants au milieu de la chaussée que certains qualifient de puits.
« Mayé Wendé ! » (oh ! mon Dieu). En entendant le bruit sourd que fait notre véhicule de reportage en tombant dans un nid-de-poule non loin du siège de la Haute Cour de justice (ex-chef de file de l’Opposition), notre chauffeur Moïse Ouédraogo ne peut réprimer un juron : «Vous voulez aller faire quoi au SIAO ? Mais voilà nid-de-poule ici !» ajoute-t-il, dissimulant à peine son énervement. Silence dans le véhicule pendant que nous progressions vers le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO). Pourquoi là-bas ? Parce que lorsque vous entamez une conversation sur le sujet, la ritournelle veut que «les plus terribles» ou les « plus profonds » soient sur la circulaire (boulevard de Tansoba) passant devant le SIAO.
Le « periph-sur-Kadiogo » à cet endroit précis ? Plutôt, de la terre rouge, des crevasses à la pelle, la poussière qui se dégage, le bitume est à peine visible ; difficile de faire un dépassement et des usagers qui certainement n’ont pas d’autre choix que de faire avec pour rejoindre leur destination. Dans ce nuage de poussière et de fumée, des membres de l’association One Village tentent de boucher les trous avec de petites pierres et de la latérite. A en croire Vincent Balima, représentant de l’association, chaque année, ils font l’effort de boucher les crevasses mais c’est un véritable travail de Sisyphe. Ce qui peut se comprendre aisément avec les moyens utilisés : la terre et les cailloux ayant vite fait d’être emportés par les eaux de ruissellement. Néanmoins, M. Balima et son équipe ne baissent pas les bras, lui qui pense que tout ne doit pas venir de la mairie et qui reste fier de ce qu’il fait sur la route. Il faut dire que certains usagers le leur rendent bien.
«C’est pas vous qui ne grouillez pas !», «Vous au moins ! Le gouvernement, lui, s’en fout comme, ce n’est pas une voie de Ouaga 2000», leur lance-t-on pendant notre entretien. Adjara Yago, elle, fait l’effort de s’arrêter pour donner un peu d’argent «pour boire de l’eau». Elle qui emprunte la voie tous les jours pour se rendre à son service à Ouaga 2000 trouve que le travail qu’ils abattent est salvateur, même si elle reconnaît qu’à eux seuls c’est difficile, même s’ils ont la volonté. A cet effet, elle exhorte les autorités à venir faire mieux. «Nous souffrons beaucoup avec cette voie ; chaque année, c’est le même problème.
Il faut que le gouvernement jette un œil par ici». Pour montrer son satisfecit, elle a donné 800 F CFA pour soutenir les jeunes. «Ce ne sont plus des nids-de-poule, ce sont des puits, regardez vous-même !» s’énerve Lucien Traoré, qui, lui, prétend qu’il n’a pas de monnaie mais se donne la peine de marquer une halte pour aider à pousser la brouette sous nos yeux. «Cette affaire-là, c’est grave, figurez-vous que même le Fonds d’entretien routier qui est chargé de s’en occuper en principe, la voie qui passe devant son siège à Ouaga 2000 est en mauvais état, ce n’est pas nos voies à nous qui vont être arrangées. Je me demande à quoi sert ce fonds-là même ?», nous éructe-t-il avant de prendre congé. Vous avez dit Fonds d’entretien routier ? One Village semble en constituer un tous les jours à travers son œuvre car ses membres se partagent, selon leurs propres dires, une recette qui varie entre 25 000 et 80 000 F CFA par jour.
Changement de décor.
Direction Laarlé où des cas similaires ont été signalés. Sur la portion de la circulaire allant du SIAO à la Pédiatrie, c’est à un véritable slalom que se livrent les usagers, tant le «goudron est troué». L’avenue 56 non plus n’est pas épargnée, même si ces « cratères » y sont plus rares.
Au niveau du carrefour de Laarlé Yaar, non loin de la gare STAF, on dirait même que ce sont les nids-de-poule qui dictent leur loi. A ce problème s’ajouterait celui de l’eau qui inonde le bitume quand il pleut. Une chose qui ne facilite pas le travail des Volontaires adjoints de sécurité (VADS). Selon un d’entre eux, Arnaud Kaboré, les usagers ne respectent pas les STOP de peur de poser les pieds dans l’eau. Mais dans leur précipitation, ils oublient que l’eau cache en fait des trous, ce qui donne lieu à de véritables cascades à cet endroit.
Benoît Ouédraogo, un usager, lui, fustige la réalisation de nos voies bitumées : «Quand on passe des marchés de gré à gré avec des gens qui ne savent que laver les cuirs, on ne doit pas s’étonner de se retrouver avec des goudrons aussi fins qu’une lame de peau. Après, ils vont nous accuser, nous les usagers, de faire ceci ou cela pour dégrader, le bitume ; c’est faux, y a des goudrons qui n’ont pas même deux ans et qui ont des nids-de-poule.» Notre plongée semble illimitée tant les cas signalés se multiplient : Pissy, Tampouy, Tanghin, Somgandé, Wayalghin… ; difficile de faire finalement le tour de tous les quartiers souffrant de ces rigoles.
Hyacinthe Sanou
& Akodia Ezékiel Ada (stagiaire)