« Le Code de l’information (qui date de 1993) a été fractionné en 4 lois distinctes portant règlementation de la publicité, de la presse écrite, de l’audiovisuelle et de la presse en ligne… » L’affirmation est du ministre burkinabé de la Communication, par ailleurs ministre en charge des relations avec le Conseil national de la transition (Cnt) et porte-parole du gouvernement.
Dans une interview avec le site Lefaso.net, Frédéric Nikiéma (photo) détaille les tenants et les aboutissants du futur régime juridique qui sera appliqué au secteur de la communication au Burkina Faso. Trois projets de loi ont été adoptés lors de la session extraordinaire du Conseil des ministres, le 30 juillet 2015. Il ne reste plus que leur adoption par le Cnt qui est l’organe législatif de la transition politique au Burkina. Le dernier projet de loi, qui porte sur la publicité, est en cours de finalisation.
Les textes contiennent plusieurs dispositions qui apportent des innovations majeures dans la pratique du journalisme et le fonctionnement des médias. Dans le secteur public, les entreprises de presse changeront de statut. Ils cesseront d’être des établissements publics de l’Etat à caractère administratif pour devenir des sociétés d’Etat. La nouveauté sera l’autonomie juridique et financière, c’est-à-dire moins d’emprise de l’autorité de tutelle technique. D’ailleurs, les directeurs généraux de ces entreprises de presse assureront les fonctions de directeur de la publication en lieu et place du ministre de la Communication consacré par le vieux Code de l’information. Par ailleurs, ces directeurs généraux seront désignés par appel à candidature et nommés par un décret pris en Conseil des ministres.
Des cahiers de charges seront désormais assignés aux médias publics, notamment la télévision publique. Le ministre Frédéric Nikiéma reconnaît que si ce média public a été saccagée lors des soulèvements populaires de 2014, c’est parce « la grande majorité du peuple burkinabé ne se reconnaissait pas dans les programmes de cette télévision. Elle la trouvait partisane, politisée ». Quant aux médias privés, le service public leur sera plus que jamais appliqué. « Désormais, l’obligation de service public imputée à l’entreprise de presse privée est affirmée (…) Ces entreprises de presse privée bénéficient de l’octroi de subvention pour leur permettre de fonctionner et de remplir leur mission de service public », explique le ministre. Toujours au plan économique, la transparence sera plus qu’indiquée dans l’administration et la gestion de l’entreprise de presse. La loi reprécisera notamment le financement de cette catégorie d’entreprise ainsi que la fiscalité qui lui sera appliquée.
L’autre innovation concernera les infractions de presse. Le Burkina entrera dans l’ère de la dépénalisation des délits de presse. Mais celle-ci sera partielle, tient à préciser le ministre. « Cette dépénalisation partielle s’entend par le fait que les infractions commises par voie de presse sortent du régime pénal pour devenir des infractions relevant du droit civil. Ainsi, comparativement au Code de l’information de 1993, les peines privatives de liberté sont supprimées et remplacées par des peines d’amendes en ce qui concerne les délits d’opinion et les délits contre les personnes, en l’occurrence l’outrage, l’injure, la diffamation, l’offense. Mais ces peines sont maintenues en cas de provocation aux crimes et d’appels à la haine ethnique et raciale. En effet, il s’agit d’une dépénalisation partielle, car certaines dispositions du Code pénal continueront à s’appliquer aux journalistes », explique-t-il.
Par ailleurs, toute une loi sera dédiée à la presse en ligne qui n’est que très peu réglementée jusqu’ici. Un journal en ligne pourra être publié sans dépôt cautionnement. Par ailleurs, à la création d’une publication online, le parquet du Tribunal de grande instance est tenu de délivrer un récépissé de déclaration dans les 15 jours suivant le dépôt du dossier. La déclaration doit indiquer l’objet de la publication, les langues de publication, le titre de la publication, les nom, prénom (s) et domicile du directeur de publication et, le cas échéant, du co-directeur. Après le dépôt de ce dossier, la publication ne sera en aucun cas liée par le silence de l’autorité judiciaire.
Une fois que ces lois seront adoptées, les acteurs auront 12 mois pour se conformer à la nouvelle réglementation.