Le chef de l’Etat du Congo-Brazzaville, Denis Sassou N’Guesso, va passer une bonne partie de cette semaine en France. En effet, il y est en visite officielle du 7 au 12 avril 2013. Au menu de ce séjour : des audiences avec des personnalités politiques françaises dont le président François Hollande, le tête-à-tête entre les deux hommes a eu lieu le 8 avril dernier, des rencontres avec les investisseurs français et la diaspora congolaise. Depuis le début de la semaine, on ne parle que de cette visite. Denis Sassou N’Guesso fait partie de ces chefs d’Etat africains dont les visites en France, officielles ou privées, ne passent inaperçues. Beaucoup de gens attendent de voir comment ils seront reçus par le locataire de l’Elysée, comment sera la poignée de main sur le perron du palais présidentiel, combien de temps durera la pose pour les photographes, etc. Tous ces faits et gestes sont guettés et analysés pour savoir si le visiteur est le bienvenu ou pas. L’audience de Sassou N’Guesso à l’Elysée le 8 avril dernier a donc été soumise à cette grille de lecture. Et qui dit Sassou N’Guesso dit biens mal acquis. Il s’agit de cette affaire dans laquelle le nom du chef de l’Etat congolais et celui de ses proches sont beaucoup cités. La question ne pouvait donc pas être élucidée surtout par la presse vu que la visite du n°1 congolais tombe en pleine affaire Cahuzac du nom de l’ancien ministre français du Budget accusé de vouloir cacher un compte bancaire suisse. Sassou a tout naturellement été interrogé sur cette affaire qui empoisonne les relations entre son pays et la France. Comme réponse, il a dénié à la justice française le droit d’enquêter sur « les biens mal acquis ». Pour lui, la France, à travers sa justice, s’ingère dans des affaires qui concernent le Congo. Ingérence ! Le fameux mot est lâché. On a coutume d’entendre les dirigeants africains crier à l’ingérence lorsque cela les arrange. Quand l’un d’entre eux veut modifier la Constitution de son pays pour se maintenir au pouvoir, il n’a que le mot ingérence à la bouche lorsqu’on veut lui faire entendre raison. Il y en a même qui invoquent la souveraineté de leur pays à l’appui. C’est exactement la même posture de Denis Sassou N’Guesso dans cette affaire fort embarrassante (Ali Bongo Ondimba et Théodoro Obiang N’Guema ont également le même refrain). Mais c’est une posture peu convaincante. Parler d’ingérence, invoquer la souveraineté ne résoud pas le problème. Bien au contraire, ces notions enfoncent même ceux qui y ont recours. Elles donnent l’impression, concernant par exemple le Congo-Brazzaville, que le chef de l’Etat ne nie pas la réalité des accusations mais fait tout pour qu’il n’y ait pas d’investigations sérieuses. C’est vouloir cacher le soleil avec son doigt. Dans cette affaire, Sassou N’Guesso a le malheur que certains biens dont on parle ne peuvent pas être cachés. C’est le cas par exemple des hôtels particuliers, des villas acquis en France. Les comptes bancaires, bien que cachés, n’en sont pas moins visibles. Le n°1 congolais joue également de malchance dans cette affaire avec la détermination d’ONG françaises, bien informées, décidées à mener le combat des sociétés civiles et des justices africaines qui n’osent pas évoquer un sujet aussi tabou. En niant le droit à la justice française d’enquêter sur l’affaire, Sassou N’Guesso compte bien s’assurer une impunité car si, par extraordinaire, le 3e pouvoir français venait à tout laisser tomber, ce serait un enterrement de première classe de l’affaire des « biens mal acquis ». Ce serait également la fin de la transparence sur l’enrichissement fulgurant de certains dirigeants dont les peuples s’appauvrissent de jour en jour. La ligne de défense du président Sassou est à la fois anachronique et inopérante dans cette affaire. Dans un pays où l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs sont effectives, dans un monde globalisé, c’est incompréhensible de parler d’ingérence dans des affaires intérieures et de souveraineté, alors même que l’enjeu concerne des biens placés à l’étranger. Comme dit la chanson, le disque du chef de l’Etat est rayé. Il a intérêt à le changer.