Interprète-traductrice indépendante, Marie Michella Somé est la présidente de l’Association des interprètes et traducteurs du Burkina Faso (AITF). Dans cette interview, sans langue de bois, elle nous parle des contraintes du métier d’interprétation, de traducteur. Et surtout, les conditions pour prétendre être professionnel du domaine.
Sidwaya(S.) : Pourquoi une association des interprètes et traducteurs ?
Michaela Somé (M. S.) : Nous avons créé cette association des interprètes et traducteurs pour assainir la corporation, faire connaître le métier et pour pouvoir mieux exercer. Parce que, nous exerçons selon des normes internationales. Et il fallait qu’on existe. Avant que nous existions, ces métiers étaient exercés soit par des professionnels, soit par des amateurs. Il y a toujours des brebis galeuses dans tous les métiers. Donc, il était important que nous créions une association afin de se serrer les coudes, traverser la mare, sans que le caïman ne nous avale.
S. : Le 8 août dernier, vous avez tenu votre deuxième assemblée générale. Quels ont été les objectifs de cette rencontre ?
M. S. : Cette assemblée générale nous a permis de faire le point de nos activités, depuis notre création et projeter l’avenir. Parce que, la première phase a consisté à la création de l’association, à la mise en place de certains instruments ; maintenant que nous avons fini tout cela, le produit final est l’élaboration de l’annuaire. Donc, nous allons maintenant, passer à la visibilité extérieure de l’association. Mais les racines sont là, la base est fondée et maintenant les murs seront élevés et on pourra mieux voir l’association.
S. : Quelles sont les ambitions de votre association ?
M. S. : Notre ambition, c’est de faire connaître d’abord, le métier. Parce que c’est un métier, où l’on croit qu’il suffit de parler deux langues qu’on peut l’exercer. Mais, ce n’est pas cela. Si on pense à nos langues africaines, l’on va se rendre compte que ce n’est pas parce je parle mooré, que je peux interpréter en mooré pour des mooréphones purs. Et, c’est pareil dans notre métier. Donc, la première ambition, c’est de faire connaître le métier, assainir la corporation. Il faut que le métier soit exercé par des professionnels. Les professionnels, c’est après des études de langue qu’ils se spécialisent dans des écoles de traduction et d’interprétation. Je dis bien interprétation, parce que le mot interprétariat qui a été le plus souvent utilisé pour le métier, ce n’est pas cela. C’est le métier d’interprétation et celui de traduction.
S. : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans ce métier ?
M. S. : Les difficultés que l’on rencontre, c’est toutes ces personnes qui croient être bilingues et qui pensent pouvoir exercer le métier. Par exemple, lors d’une réunion, vous pouvez voir des participants parce qu’ils comprennent les deux langues, ils vont dire, l’interprète a dit ceci, cela ou le traducteur dans le document a mis cela. Il part sur le vif pour dire que c’est ainsi. L’interprète avec tout son bagage qu’il a, le traducteur également avec toutes les documentations qu’il a pu consulter peut lui permettre d’utiliser tel ou tel mot. Donc la difficulté, ce sont les personnes qui se croient interprètes ou traducteurs du simple fait qu’ils parlent deux langues.
S. : Avez-vous des attentes particulières vis-à-vis de l’Etat ou de ceux qui emploient vos membres ?
M. S. : Oui, nous devons cheminer ensemble. Le Burkina Faso a des partenaires internationaux, alors que ces partenaires ne sont pas francophones. Pourtant, nous sommes un pays francophone. Même si nous voulons écrire les documents dans nos langues, nos partenaires certainement ne comprennent pas nos langues. A tout moment, on aura besoin d’un traducteur ou d’un interprète pour que ceux qui viennent pour aider le Burkina Faso dans son développement, nous puissions nous comprendre afin que le Burkina Faso puissent dire à ses partenaires, voici ce que nous voulons, et le partenaire dire, voilà ce que nous pouvons faire sans que cela ne soit compris. Nous attentons beaucoup et nous allons faire une tournée auprès de tous les employeurs potentiels, des structures étatiques pour qu’ils sachent qu’il existe une association qui regroupe des professionnels et qu’on commence à se détacher de l’amateurisme.
S. : Votre cri du cœur ?
M. S. : Je souhaite que nous soyons conscients que pour bien communiquer, il faut des professionnels. Je souhaite que les journaux nous accompagnent pour nous faire comprendre.
Interview réalisée par :
Abdel Aziz NABALOUM
emirathe@yahoo.fr