En cette période de fortes pluies, certaines voies de la ville de Ouagadougou révèlent leur état de dégradation poussée. C’est le cas du boulevard des Tansoaba, communément appelé «La circulaire» dont une partie relie l’échangeur de Ouaga 2000 à celui de l’Est. Sur ce tronçon de quelques kilomètres, les nids-de-poule sont devenus de véritables puits débordant d’eau, rendant la circulation difficile et dangereuse pour les usagers. Le mardi 11 août 2015, c’est le triste constat fait sur l’une des plus grandes avenues qui sert aussi de trafic international.
Coup de frein par-ci, zigzag par-là. C’est le parcours du combattant sur le boulevard des Tansoaba, nommé «La circulaire». Chaque usager, de jour comme de nuit, aux heures de pointe, comme en temps de trafic normal, essaie à qui mieux-mieux d’éviter les multiples nids-de-poule qui jalonnent le tronçon long de moins de dix kilomètres situé, à l’est de la capitale. En cette matinée du 11 août 2015, un motocycliste s’agrippant solidement au guidon de sa monture bleue, se faufile péniblement entre deux vieux camions dont l’un enfume littéralement ceux qui sont derrière lui. Les freinages brusques montrent la vigueur des coups de frein que le conducteur administre à son engin pour ne pas davantage ruiner de vieux amortisseurs dont les grincements s’entendent au loin. Emprunter la circulaire depuis l’hôpital du District sanitaire de Bogodogo, ex-Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) du secteur n°30 jusqu’à l’échangeur de l’est est devenu un véritable calvaire pour les Ouagalais et les nombreux conducteurs de poids lourds qui relient les pays côtiers à ceux de l’hinterland.
«La circulaire», cette grande artère qui, autrefois faisait la fierté, passe aujourd’hui pour le couloir de l’angoisse et de l’anxiété, tant la mort guette à chaque seconde les usagers. Du fait de sa trop grande dégradation, «La circulaire» est désormais source de nombreux désagréments et le danger de mort est permanent. A certains endroits, le bitume a fait place au sable sur des rayons atteignant parfois un mètre. L’érosion a fini par passer par-là, laissant de gros trous que l’usager ne peut plus contourner quelle que soit sa dextérité. La partie la plus dégradée de cette route qui fait pratiquement le tour de la capitale, d’où son nom de circulaire, se situe entre le site du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) et la mairie de Bogodogo juste en face du maquis «Point focal». Là, le constat est simplement dramatique en cette saison des pluies. Le bitume a fait place à des nids-de-poule qui s’apparentent à des puits à ciel ouvert. L’endroit semble être une nouvelle retenue d’eau ouverte en pleine chaussée, au grand dam des citoyens.
Le désarroi des usagers
«C’est regrettable que l’on laisse les routes se dégrader jusqu’ à ce point. J’emprunte cette route parce que je n’ai pas le choix. J’habite dans le quartier et il me faut passer par-là pour me rendre en ville. La grosse pluie tombée la dernière fois a inondé notre quartier Sanyiri. Le bitume était envahi par l’eau. J’ai atterri dans un des gros trous, brisant le pare-brise de mon taxi», se lamente le chauffeur Amadou Ouédraogo, 42 ans. Son désarroi, il le partage avec un autre usager, Amina Savadogo, une riveraine de «La circulaire». Tenancière d’une petite gargote, cette mère de famille de deux enfants s’égosille à qui veut l’entendre sur les désagréments que l’état de la voie fait subir à son commerce, les risques de renverser ses ustensiles s’étant accrus. «Les passagers délaissent la chaussée et passent maintenant sur les bas-côtés au risque de me renverser, avec mes plats. Un jour une motocycliste a renversé mon plat de sauce, heureusement, elle ne m’a pas eue», raconte-t-elle interpellant furieusement, les autorités municipales sur l’état piteux de « cette voie qu’on colle et recolle depuis des années au point qu’elle ressemble à une chambre à air, sans jamais songer à la refaire définitivement». Plus à droite de Mme Savadogo, Alassane Traoré, parqueur au maquis d’à-côté, indique qu’il perd beaucoup d’argent ces temps-ci parce qu’il ne peut plus faire garer les engins du fait de la défectuosité de la route qui oblige certaines personnes, à faire de la devanture du maquis, un lieu de passage. «Je ne peux garer aucune moto là. Sinon, les usagers vont écraser mes engins», dit-il. A 36 ans, Jean Compaoré, un propriétaire d’atelier de vitrerie, voisin du maquis où travaille M. Traoré se dit «le plus malheureux» des commerçants installés aux abords de «La circulaire». «Je vends des vitres et de l’aluminium. J’ai de la peine à livrer mes commandes de vitre surtout. Car, lorsqu’on embarque les vitres dans les camions, on éprouve d’énormes difficultés à passer avec ces nids-de-poule. Des vitres se brisent du fait des secousses et cela nous cause de grosses pertes», dit-il, le doigt pointé sur l’eau qui coule «Les usagers nous envahissent aussi. Comme la voie est dégradée, les gens laissent le bitume et passent devant notre atelier. Certains ne se gênent pas d’emprunter nos pavés», poursuit l’homme de teint bien ciré. Les véhicules qui s’embourbent en ces lieux, Jean Compaoré en a vus pleins. «Ceux qui se laissent surprendre, en cette saison des pluies, tombent dans les trous et les véhicules ne peuvent plus en sortir. Ils s’embourbent très fréquemment dans ces nids-de-poule», assure-t-il. Les accidents, il en a également vus, «beaucoup». Les uns plus graves que les autres.
Un camion sauvé de justesse
Alors que nous poursuivions nos échanges, un camion-benne transportant du gaz butane et qui, visiblement ignorait la situation, a failli s’embourber n’eut été l’aide des membres de l’association «One village» qui ont accouru pour le sortir du trou dans lequel l’une de ses roues venait de tomber. Formés de volontaires pour aider les usagers en difficulté sur cette chaussée, les membres de «One village» s’attellent chaque jour à vider ces puits à ciel ouvert gorgés d’eau de pluie et de ruissellement dans laquelle pataugent et s’éclaboussent les usagers du boulevard des Tansoaba. Le président de «One village», M. Ousmane Sawadogo souligne que lui et ses camarades ont décidé d’apporter leur aide pour améliorer un tant soit peu, l’état de la route en remblayant certains nids-de-poule, lorsqu’ils le peuvent, avec de la terre. «Nous intervenons dans la sécurité routière et dans le secteur de l’environnement. Ici sur la circulaire, notre rôle c’est d’aider les usagers à poursuivre du mieux qu’ils peuvent leur trajet en leur évitant surtout les malheurs comme les accidents mortels fréquents sur ce tronçon», témoigne-t-il.
«L’une des raisons des accidents, ce sont surtout les multiples nids-de-poule qui jalonnent la chaussée. Nous avons donc décidé ce matin par exemple de boucher les trous. Nous essayons de délimiter, de compacter les trous et faire un passage d’eau afin de réduire les désagréments», explique-t-il.
Le gouvernement déchu du président Blaise Compaoré avait annoncé la reprise du tronçon, mais jusque-là les travaux tardent à démarrer.
En attendant que le gouvernement de la Transition se penche sur la question, les usagers continuent de «danser» littéralement en faisant leurs acrobaties quotidiennes pour rejoindre qui, son lieu de travail, qui son domicile. A quand la fin du calvaire ?
Somborigna Djélika DRABO