Construit à la faveur des festivités du 11-Décembre 2013 à Dori, l’hôtel administratif de la région du Sahel a coûté 900 000 000 F CFA au budget de l’Etat. Il est occupé par sept directions régionales. Ce joyau au cœur du Sahel sert aussi d’entrepôt au matériel réformé de l’Etat. Ce qui explique que ce joyau soit devenu un « zoo de serpents ». Nous y avons effectué une visite, le lundi 13 juillet 2015, afin de constater de visu, les déboires des agents qui occupent ce bâtiment.
De loin, l’on se hâterait de visiter l’hôtel administratif de la région du Sahel. Mais une fois à l’intérieur de la cour, on est désagréablement surpris de constater des imperfections sur le bâtiment. De prime abord, les portails des deux entrées principales sont endommagés. Pour la première entrée, les roulettes sont cassées et depuis quelques mois, le portail ne s’ouvre plus. Quant à la seconde entrée, le portail est cette fois-ci ouvert, mais ne peut plus se refermer. Aussi, les locaux du bâtiment sont accessibles à toute personne, quelle que soit sa moralité et du coup, les vigiles se trouvent en insécurité. « Nous sommes chargés de veiller sur le matériel de l’Etat à l’hôtel administratif, mais nous sommes en insécurité. A la descente, nous nous asseyons sur des chaises au milieu de la cour pour mieux faire notre travail. Nous avons rendu compte à qui de droit. Mais il n’y a pas eu de suite jusqu’à présent », témoigne l’un des vigiles, Hama Mahamoudou Dicko.
Une zone d’insécurité
Autre imperfection dans l’enceinte du bâtiment, c’est l’inexistence de robinet, donc d’aire de lavage des véhicules des différentes directions régionales. « Pour laver les véhicules, on est obligé de rentrer en ville pour le faire avec nos propres moyens. Par lavage, on paye 1 500 F CFA. Je lave le véhicule une fois par semaine, mais avec la saison des pluies, je le fais deux fois. Toute chose qui me pousse à débourser 3 000 F CFA par semaine », révèle le chauffeur de la Direction régionale du contrôle des Marchés publics et des engagements financiers de l’Etat (DR-CMEF) du Sahel, Thierry Ouédraogo. En outre, il précise avec tristesse qu’il a avisé son patron qui lui a fait comprendre qu’il n’y a pas de ligne budgétaire à cet effet. Le manque de robinet engendre d’autres difficultés. En effet, les usagers du bâtiment et surtout les vigiles ne disposent pas d’eau de boisson. L’arrosage des plants mis en terre est une véritable gymnastique. A en croire Hama Mahamoudou Dicko, c’est dans des toilettes externes qu’ils ont bricolé un tuyau pour avoir accès à l’eau afin de satisfaire leurs besoins. Et quelquefois, il faut pour cela passer une trentaine de minutes pour remplir un seau. En plus de cela, l’enceinte du bâtiment bâti sur 2,5 hectares, n’est pas nettoyée, donnant l’impression qu’il s’agit d’une broussaille. Pire, le matériel réformé de l’Etat y est entreposé depuis plus de trois mois. Renseignements pris, il est ressorti que le matériel s’est retrouvé à l’hôtel administratif par le biais de la réforme en cours dans la région du Sahel. C’est-à-dire que le matériel inutilisable et désuet des autres structures a été acheminé à l’hôtel administratif afin de faire des lots et procéder à leur vente aux enchères. Ces biens publics notamment du mobilier de bureau, des climatiseurs et des réfrigérateurs, se retrouvent ainsi exposés aux intempéries. Les engins à deux roues et le matériel informatique, eux, sont respectivement entreposés dans le parking et dans une salle. Ce matériel entreposé dans les herbes, est un refuge idéal pour les reptiles (lézards, serpents). Ce qui constitue par conséquent, une zone d’insécurité pour les travailleurs et les usagers.
Le chauffeur Thierry Ouédraogo qualifie même l’hôtel administratif de « zoo de serpents », parce qu’il n’y a pas ce jour, où l’on n’en tue pas au moins un. « Il y a tellement de serpents dans la cour de l’hôtel administratif que nous l’avons rebaptisé le zoo de serpents », s’indigne-t-il.
« J‘ai payé des rideaux de ma poche »
Une fois à l’intérieur, on est accueilli par la poussière et des toiles d’araignées de toutes parts dans ce bâtiment de standing R+2, comprenant 48 bureaux, 6 salles de réunion et un parking. Cette situation est visible dans les halls, couloirs et recoins du bâtiment. Toute chose qui prouve que le bâtiment n’est pas nettoyé dans son intégralité. C’est pourquoi, chaque direction «se débrouille» pour assainir son cadre. Selon le directeur régional de la communication du Sahel, Urbain Kaboré, ses locaux ont fait un semestre sans être nettoyés en 2014. Pour sa propre image, M. Kaboré a dû embaucher à son compte personnel une dame qui nettoie deux fois par semaine ses locaux. A cet effet, il avoue payer 20 000 F CFA par mois, vu qu’il n’y a pas de budget prévu à cet effet. C’est la même somme payée par le directeur régional des droits humains et de la promotion civique du Sahel, Benjamin Sow, pour s’offrir les services de deux techniciennes de surface. « J’ai négocié avec elles pour assainir mes locaux, parce que tout était sale et dégueulasse. Malheureusement, je paie de ma poche », soutient-il. «Les moutons se promènent ensemble mais ils n’ont pas le même prix », dit un adage populaire. En effet, si certains directeurs payent de leurs poches, les frais de nettoyage, ce n’est pas le cas du directeur régional du contrôle des marchés publics et des engagements financiers du Sahel, Lassané Dango. Sa direction comme toutes les autres structures déconcentrées du ministère de l’Economie et des finances dans la région du Sahel possède un contrat de nettoyage avec une entreprise. Selon des sources bien introduites, ce contrat a été signé au niveau central. Hormis le manque d’entretien intégral du bâtiment, l’on note l’absence d’un certain nombre d’équipements. C’est dans ce sens que Lassané Dango confie que le bâtiment est grand et beau, mais il n’a pas toutes les commodités nécessaires pour abriter un service d’ordre financier. « Il n’est pas équipé en logiciel métier à savoir le Circuit informatisé de la dépense (CID), en réseau Internet et en téléphone fixe en vue de nous permettre de pouvoir traiter les dossiers de façon électronique sur place », déplore-t-il. Par ailleurs, il souligne que ses services traitent les dossiers des marchés publics et ont l’obligation d’envoyer les avis et les résultats à la revue des marchés publics pour y être publiés. « Nous sommes obligés de fréquenter les cybercafés ou de passer de service en service, à la recherche de la connexion Internet », a-t-il soutenu. Quant au directeur régional de la communication, il a dû se contenter de rideaux de fortune en papier pour se protéger des rayons du soleil. Son collègue Benjamin Sow a, pour sa part, investi son argent dans la « République ». « J’ai déboursé 40 000 F CFA pour l’achat des rideaux pour me protéger des rayons de soleil», a-t-il fait savoir.
Six mois de salaires impayés à des balayeuses
Pour couronner le tout, en cas de délestage, tout le travail est interrompu parce que le bâtiment, qui a coûté la bagatelle de 900 millions de F CFA au contribuable burkinabè, manque de groupe électrogène de relais alors que le local pour l’abriter y a été construit. L’hôtel administratif de Dori est placé sous la gestion de la Direction générale des affaires immobilières de l’Etat (DGAIE), représentée par la direction régionale du budget du Sahel. Par conséquent, c’est cette structure qui est chargée d‘équiper et de nettoyer le bâtiment. Comment peut-on expliquer ce manque d’entretien et d’équipement? Quand le matériel de l’Etat sera-t-il enlevé ? Quand les imperfections seront-elles corrigées ? Selon le directeur régional du budget du Sahel, Valéry Justin Adouabou, c’est l’entreprise « Enviro service Sarl » qui a été retenue pour assurer le nettoyage de l’hôtel administratif. Et d’ajouter que le contrat a été signé au niveau central pour toute l’année 2014. Cependant, il révèle que les dames commises à la tâche l’ont approché quelques mois plus tard pour lui signifier certaines difficultés. «Elles ont évoqué, entre autres, la faiblesse de leur nombre qui est de 6 personnes pour nettoyer 48 bureaux et 6 salles de réunion. En outre, il y avait l’insuffisance des produits d’entretien et l’irrégularité de leur rémunération », renseigne-t-il. «Par la suite, les dames chargées du nettoyage ont décidé de rompre le contrat suite au départ de trois d’entre elles et le non paiement des six mois de salaires. Toute chose qui a conduit à la rupture du contrat en avril 2014. Et jusque-là, aucune autre entreprise n’a été recrutée », précise-t-il. Toutefois, M. Adouabou laisse entendre qu’en janvier 2015, la procédure de recrutement d’une nouvelle entreprise a été entamée. Aux dernières nouvelles, ajoute-t-il, une entreprise a été retenue et il lui a été notifié. Pour le téléphone fixe et la connexion Internet, il assure avoir déposé une demande auprès de l’ONATEL à cet effet. En ce qui concerne le manque de robinet, Valéry Justin Adouabou dit avoir approché l’ONEA à ce sujet. Quant aux portails, il indique qu’il y a une semaine que l’autorisation lui a été donnée de les faire réparer. Sur la question du matériel de l’Etat entreposé dans la cour de l’hôtel administratif, M. Adouabou affirme que c’est par manque de ligne budgétaire que l’opération traîne jusqu’à maintenant. Mais il reconnaît que la mise à prix a été déjà faite. «Les premiers responsables du ministère ont pris le problème à bras-le-corps et sont à pied-d’œuvre pour entamer l’opération de vente aux enchères», a-t-il conclu.
Souaibou NOMBRE
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Un électricien mordu par un serpent
En août 2013, alors que l’on achevait les travaux d’électrification de l’hôtel administratif, un électricien a été mordu par un serpent, au 2e étage du bâtiment. Selon les faits, il a ouvert le coffret local où se trouve les différents branchements électriques et a touché quelque chose de glacé qu’il pensait être un des câbles. Malheureusement pour lui, ce n’était pas le cas et le reptile l’a mordu. Avec l’aide de ses collègues, il a été vite évacué et un sérum antivénimeux lui a été administré. Toute chose qui lui a sauvé la vie.
S.N.
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Zoom sur le CID
Selon Lassané Dango, les dépenses exécutées par les structures déconcentrées de l’Etat notamment les crédits délégués, sont inscrits sur le Circuit informatisé de la dépense (CID) avant d’être transmis au niveau du contrôle financier pour appréciation et visa. « C’est à partir de ce moment que le CID devient très important, parce qu’il faut chaque fois viser et traiter de façon électronique le dossier, de sorte qu’il puisse continuer son chemin dans le circuit de la dépense », explique-t-il. A en croire, M. Dango, sans le CID les budgets et les crédits délégués ne peuvent pas être exécutés. Faute de CID, l’on va à la direction régionale du budget du Sahel qui, elle-même, dépend de la trésorerie régionale du Sahel pour pouvoir traiter les dossiers de façon électronique.
S.N.