Le ministère en charge de la Fonction publique a entrepris des tournées dans les chefs-lieux de région pour présenter des outils de modernisation de l'administration publique burkinabè. Dans ce cadre le ministre Augustin Loada a conduit une mission à Ouahigouya, chef-lieu de la région du Nord, en fin juillet dernier. Mais la rencontre publique a été marquée par un incident sur lequel les auteurs de la déclaration ci-dessous font une mise au point.
Les travailleurs ont été invités le vendredi 31 juillet 2015 dans la salle de conférences de la mairie de Ouahigouya pour des échanges autour des préoccupations les concernant. Les attentes étaient nombreuses, mais les réponses du ministre n’étaient pas à la hauteur de leurs préoccupations. En effet, ce jour, s’est tenu la campagne de sensibilisation sur la modernisation de la fonction publique animée par monsieur le ministre de la Fonction publique, de la Sécurité et du Travail, Pr Augustin Loada.
Après avoir voulu limiter le nombre d’intervenants, ce sont les interventions elles-mêmes qui subiront la censure du maître du jour à savoir monsieur le ministre.
Comme il fallait s’y attendre, les interventions des participants ont révélé que ce thème, bien qu’intéressant, ne répondait pas aux priorités de l’assistance. La publicité dans les médias, sinon les dépliants, suffisaient pour comprendre les nouveaux produits (systèmes ALIAS, DIAN, etc.). C’est pourquoi bon nombre d’entre eux, saisissant cette occasion, ont cru bon de soulever des questions pendantes dans l’espoir de trouver des réponses auprès de leur ministre : la relecture de la loi 013, les statuts particuliers, les nominations à contre profil (complaisantes), les négociations gouvernement/syndicats, etc. Que nenni ! Beaucoup d’intervenants furent interrompus avec fracas : «pas de commentaire, pose ta question ou on retire le micro » menace le présidium. Ainsi, à peine un des intervenants a-t-il commencé que monsieur le ministre donne de la voix pour l’interrompre, descend précipitamment du présidium, traverse la salle jusqu’à l’intervenant, lui adresse quelques mots face-à-face puis regagne sa place. L’intervenant poursuit ses propos qui portaient sur le statut particulier ; protestation encore du présidium suivie du retrait du micro et l’intervenant agacé quitte la salle de lui-même. Le secrétaire général de la région représentant le gouverneur, défenseur furieux du ministre, profère des propos dégradants par la suite pendant de longues minutes à l’encontre de l’intervenant qui n’était même plus dans la salle.
Au-delà de l’atmosphère malsaine qui a envahi la salle de conférences, consécutive à cette série d’intimidations et de menaces, il faut relever le péril de la liberté d’opinion dont se sont rendus coupables le secrétaire général de la région du Nord et le ministre de la Fonction publique.
Cette intolérance manifeste de ces autorités à l’égard du débat contradictoire considéré comme des crimes de lèse-majesté témoigne de l’autoritarisme de notre administration. Comment voulez-vous construire une administration moderne et dynamique rien qu’avec des caresses dans le sens du poil à l’exclusion de toute voix discordante ? On note, par ailleurs, que monsieur le ministre a un mépris vis-à-vis des syndicats. Parlant de la présence des syndicats dans les commissions lors des concours professionnels, le ministre estime que la présence d’ «étrangers» est souvent source de fuite d’informations.
Toujours dans ses propos, il soutient que les nominations à contre profil se justifient car, dit-il, «la seule compétence ne suffit pas, l’agent doit être loyal». Mais loyal à qui ? Loyal à un individu ou à l’administration ? On n’est pas loin de la logique des «juges acquis», des promus béni oui-oui au service d’un individu.
Nous faisons l’économie de beaucoup d’autres aberrations qui ont été dites et qui ont déçu les attentes des agents venus assister aux échanges. Cependant, nous dénonçons l’arrogance et le mépris de monsieur le ministre vis-à-vis des travailleurs et le manque affiché de volonté de résoudre leurs préoccupations pressantes.
Toutes les tournées et campagnes médiatiques sont des fuites en avant pour ne pas résoudre les préoccupations pressantes des travailleurs.
En tout état de cause, nous appelons l’ensemble des travailleurs loyaux à une administration républicaine à renforcer leurs syndicats respectifs, véritables remparts contre une administration de collabos, de copains et de coquins, pour défendre des acquis substantiels et conquérir de nouvelles victoires. Notre expérience montre que seule la lutte organisée et consciente paie.
En rappel, les syndicats ont payé un lourd tribut sous le régime répressif de Blaise Compaoré : brimades, affectations arbitraires, blocages de carrières … Les luttes syndicales ont contribué largement à une prise de conscience de notre peuple. Par ailleurs, les travailleurs ont pris une part active à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et ne sauraient se laisser divertir par des intimidations et des fuites en avant.
Ouahigouya, le 4 août 2015
Ont signé :
Pour les centrales syndicales
Le SG de l’UR/CGTB-Nord
Boureima SAWADOGO
Pour les syndicats autonomes
Le SG du SYNATEB
Somgaalian SAWADOGO
N.B : la titraille est du site