Les vaginites constituent l’une des premières causes de consultation gynécologique chez les femmes. Comment se présentent-elles ? Comment les traiter et les éviter ? Éléments de réponses avec le Dr Annoné Clarisse Poda, gynécologue-obstétricienne et responsable de la clinique Helivea, située à Dassasgho (Ouagadougou).
Sidwaya (s.) : Qu’est-ce que la vaginite ?
Annoné Clarisse Poda (A.C.P.) : La vaginite est l’inflammation de la paroi du vagin qui est plus souvent due à une infection. Elle est souvent associée à l’inflammation de la vulve.
S. : Quelles sont les causes de la vaginite ?
A.C.P. : Elles sont multiples. Il y a les parasites (trichomonas vaginalis), les bactéries (mycoplasme, chlamydia…), les virus (l’herpès génital) et d’autres microbes responsables d’Infections sexuellement transmissibles (IST) les plus fréquentes ainsi que les champignons peuvent être à l’origine de certaines vaginites. D’autres vaginites peuvent êtres liées à un dysfonctionnement hormonal (chez les femmes ménopausées) ou être provoquées par un agent irritant ou une maladie dermatologique.
S. : Il y a combien de types de vaginites ?
A.C.P. : Il y a plusieurs types de vaginites. Nous avons les vaginites infectieuses causées par des micro-organismes comme des bactéries, des virus, des parasites ou une levure (champignon microscopique). Il y a les vaginites mycosiques causées par différents types de levure de la famille des candidas (aussi appelé mycose candidose vaginale). Nous avons la vaginite parasitaire à trichomonas. Les trichomonas sont des parasites transmis par l’eau, les objets souillés de toilette et surtout pendant les rapports sexuels avec un partenaire infecté. Outre ceux-ci, il y a les vaginites microbiennes, les vaginites atrophiques (entraînant la sécheresse vaginale) et les vaginites d’irritation.
S. : Comment reconnaître les vaginites ?
A.C.P. : Le signe principal de la vaginite est la leucorrhée (sécrétion blanchâtre dans le vagin et s’écoulant jusqu’à la vulve, tâchant le linge). Celle-ci peut s’accompagner de douleurs sous forme de brûlures locales, de prurit ou démangeaisons au vagin et souvent à la vulve. La femme peut aussi avoir des douleurs pendant les rapports sexuels (dyspareunie), une odeur nauséabonde dans le vagin. La texture et la couleur des pertes vaginales peuvent être des signes d’une vaginite infectieuse, une sensation d’irritation ou de brûlure durant la miction, un gonflement et une rougeur de la vulve, un léger saignement vaginal (cas rare), une fatigue, une discrète fièvre sont autant de facteurs qui sont associés aux symptômes de la vaginite. Les irritations, les démangeaisons ou les sensations des brûlures à la vulve ou au vagin et les pertes vaginales anormales sont des signes de la vulvo-vaginite. Une affection relativement courante qui touche près de 75% des femmes durant leur vie. Mais, il faut signaler que plusieurs femmes porteuses d’agent d’une vaginite infectieuse n’ont aucun symptôme. Cependant, il faut noter que les vaginites constituent le motif le plus fréquent des consultations médicales chez les femmes.
S. : Est-elle contagieuse ?
A.C.P. : Oui, elle est contagieuse. Par les rapports sexuels, on peut contaminer son conjoint, par les objets souillés, les germes peuvent se propager.
S. : Quelles sont les personnes à risques et les facteurs de risques ?
A.C.P. : A propos des personnes à risques, il y a deux catégories. La catégorie des femmes atteintes de diabète et les femmes enceintes. Les femmes atteintes de diabète dont la maladie n’est pas bien maîtrisée (vivant des crises d’hyperglycémie) sont plus sujettes aux vaginites à levures (champignons) ; les levures étant friandes de glucose. Pour les femmes enceintes, les vaginites à levures sont de 10 à 20 fois plus fréquentes. La vaginose bactérienne est également plus fréquente, touchant entre 15 à 20% des femmes enceintes. La principale raison serait l’augmentation du taux d’œstrogène du Ph, du taux de glycogène vaginal et du taux de sucre sanguin chez la femme enceinte.
Au niveau des facteurs des risques, il y a l’affaiblissement du système immunitaire (causé par la fatigue, le manque de sommeil, le suivi d’un régime amaigrissant, le stress, la prise d’un médicament, une maladie) peut favoriser l’apparition de vaginites à levures et la vaginose bactérienne. En plus de ce facteur, la prise d’antibiotiques, de corticoïdes, de pilules contraceptives peuvent entraîner une vaginite. Le port de sous-vêtements en tissus synthétiques et de vêtements serrés qui retiennent la chaleur corporelle, créent un milieu humide propice à la prolifération de la levure candida, la consommation d’aliments riches en sucre, un traitement aux œstrogènes, l’utilisation régulière de douches vaginales à des fins hygiéniques ou l’usage de produits intimes antiseptiques, le port d’un stérilet en cuivre peuvent être à la base de l’apparition d’une vaginite.
S. : Au cours de sa vie, à quel âge une femme peut courir le risque de contracter la vaginite ?
A.C.P. : A tout âge et à tout moment.
S. : Une femme atteinte de vaginite peut-elle continuer à avoir des rapports sexuels ?
A.C.P. : Il est souhaitable que cette femme cesse d’avoir des rapports sexuels durant le traitement pour éviter les douleurs et aussi pour prévenir la réinfection et réduire les agressions à la muqueuse vaginale, sinon faire porter un préservatif.
S. : S’il y a des complications, quels peuvent être les risques pour la femme enceinte ?
A.C.P. : En général, les vaginites n’entraînent pas des complications si elles sont bien traitées. Elles peuvent cependant poser des problèmes chez les femmes enceintes. En effet, les vaginites peuvent provoquer des accouchements prématurés. Les vaginites bactériennes et le trichomonas augmentent également le risque de contracter le VIH et d’autres infections durant les rapports sexuels non protégés avec un partenaire. Une vaginite récidivante, mal traitée peut conduire à l’apparition de salpingite ou annescite (inflammation des trompes et des ovaires) et menacer vraiment la fertilité de la femme car les germes peuvent migrer et atteindre d’autres organes tels l’utérus, les trompes et les ovaires.
S. : Peut-elle entraîner la mort ?
A.C.P. : Comme je l’ai dit, une vaginite mal traitée, récidivante ou chronique chez une femme peut se compliquer par une annescite et plus tard s’il n’y a pas de prise en charge adéquate, conduire à une péritonite ou une septicémie (intoxication généralisée du sang par les germes) et mettre en danger la vie de la femme.
S. : Comment se fait le traitement de cette maladie ?
A.C.P. : Il est primordial de consulter un médecin gynécologique ou un généraliste à défaut, pour obtenir un diagnostic fiable. L’examen clinique gynécologique permet de faire le diagnostic, l’association des démangeaisons vaginales et des pertes gynécologiques font poser le diagnostic des vaginites. Le traitement classique soigne à 90% des cas en moins de deux semaines. Pour ce qui concerne les vaginites microbiennes, le traitement repose sur les antiseptiques locaux (les crèmes, ovules) et des antibiotiques adaptés à prendre par voie orale, notamment le métronidazole. Le traitement est impératif en cas de grossesse. Pour les vaginites parasitaires à trichomonas, le traitement comporte trois volets : des conseils d’hygiène, détruire le parasite avec des antiseptiques en particulier le métronidazole par voie orale et traiter le partenaire pour éviter les récidives. Dans le cas des vaginites mycosiques, l’on prescrit des antifongiques par voie locale (ovule pour le vagin, des crèmes, spray, poudre) et des antifongiques par voie générale. Ici également, le partenaire doit être traité. Il faudra s’abstenir de consommer de l’alcool pendant le traitement et pendant les 48 h qui suivent car cela peut provoquer des crampes, des nausées et vomissements. Pour les vaginites atrophiques, appliquer des pommades à base de corticoïdes et d’œstrogènes. Pour les vaginites irritantes, identifier l’agent irritant et traiter la vaginite.
S. : Est-ce que l’on peut la prévenir ?
A.C.P. : Oui, il existe quelques mesures de prévention de la vaginite. Il faut avoir une bonne hygiène intime, bien rincer et bien sécher la région anale (attention cependant à ne pas se laver trop, ni utiliser des produits antiseptiques qui fragilisent la muqueuse). S’essuyer de l’avant vers l’arrière après les selles pour éviter la propagation des bactéries du rectum vers le vagin. Eviter l’utilisation de produits parfumés (savons, bains moussants, papiers hygiéniques, tampons ou protège-dessous), éviter d’utiliser des déodorants vaginaux, changer régulièrement les tampons et les serviettes hygiéniques, porter des sous-vêtements de coton, éviter les nylons et les strings. Il faut laver les sous-vêtements avec de l’eau de javel dans de l’eau chaude, dormir sans sous-vêtements pour laisser l’air circuler autour de la vulve. Eviter de porter des pantalons trop serrés et des collants en nylon et avoir des relations sexuelles protégées.
S. : Et comment prévenir les récidives ?
A.C.P. : Il faut adopter de bonnes habitudes alimentaires. Un régime alimentaire équilibré, faible en gras et en aliments transformés est de mise pour prévenir les réinfections vaginales, favoriser l’équilibre de la flore vaginale et stimuler la fonction immunitaire. Il faut également consommer des aliments riches en vitamines C (poivrons rouges et verts, goyaves, le kiwi et les agrumes), en vitamines A (comme les abats, le foie, les patates douces, les carottes et les épinards), en zinc (les huîtres, la viande de bœuf, le poulet, les légumineuses et les céréales). Pour les vaginites à levures, il est recommandé d’éviter la consommation de trop de sucre et les jus trop sucrés. Il est plutôt conseillé de manger des probiotiques sous formes de yaourt.
S. : D’autres conseils ?
A.C.P. : il faut toujours consulter un médecin quand la femme a les symptômes de la vaginite, éviter l’automédication car l’on peut mal soigner une vaginite à chlamydia en la prenant pour simple mycose et mettre en péril la fertilité de la femme. Il faut respecter la posologie déterminée par le médecin, avertir l’agent de santé en cas de grossesse.
Gaspard BAYALA