«Dans la société, ce sont les individus qui génèrent ou alimentent le non droit, la violence physique et verbale, l’intolérance, le sectarisme qui sont les démons de la cohésion sociale…» C’est l’Union pour le progrès et le changement (UPC) de Zéphirin Diabré, candidat à l’élection présidentielle du 11 octobre prochain, qui dresse ce constat, qui ne devrait souffrir d’aucune contestation.
Malheureusement, ces propos traduisent désormais assez bien la situation sociopolitique de plus en plus délétère qui prévaut au Burkina à quelque quatre mois des élections couplées —présidentielle et législatives —du 11 octobre. Si ces scrutins doivent sonner la fin de la transition engagée au «pays des Hommes intègres» au lendemain de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, il n’en demeure pas moins que les Burkinabè, qui souhaitent vivement passer à une autre étape du changement, ne cachent pas leur inquiétude au sujet de la marche de la nation.
Et pour cause! Depuis un certain temps, des dérives langagières tiennent la rampe de l’actualité. Comme engagés dans une arène de gladiateurs des temps lointains où tous les coups sont permis, des hommes politiques—encore eux!— se découvrent des «atouts» qui deviennent de véritables armes de destruction massive, utilisés dans des discours publics. Beaucoup de pays les ont expérimentés autour ou loin de nous, et le résultat est toujours immuable.
Au pire, ces ingrédients, diaboliquement mis en cocktail explosif par des politiciens en manque d’arguments objectifs, conduisent à des guerres civiles et donc au désagrègement du tissu social. Au mieux, ils installent un climat de méfiance tendu entre frères d’une même famille, voisins du même quartier, collègues de travail, sportifs d’une même équipe, camarades de classes ou d’amphi, etc. En somme, ce répertoire sémantique d’un autre âge, à bannir sans autre forme de procès en plein XXIe siècle, se métastase, s’enkyste et, comme le cancer,ronge la société dans toutes ses composantes.
Finalement, «même nos mamans au marché sont divisées», comme le chante si bien l’Ivoirien Tiken Jah Fakoly dans son célèbre opus intitulé «Mon pays va mal». L’artiste sait de quoi il parle, lui dont le pays a été mis à mal par des politiciens qui y ont implanté le laboratoire de l’«ivoirité» et de tous ses corollaires qui continuent de miner la cohésion sociale d’une Côte d’Ivoire, jadis terre d’hospitalité mais aujourd’hui engagée dans les chantiers difficiles de «réconciliation nationale».
Si seulement les politiciens pouvaient apprendre de leurs propres erreurs ou des impairs des autres! Mais dans leur lutte pour le pouvoir, et rien que le pouvoir, et mus par des intérêts égoïstes et très personnels, ils sont prêts à pactiser avec le diable. Marcher sur des cadavres pour s’installer à Kosyam? Quelle logique diabolique!
Fort heureusement, le Burkina possède une classe politique et une société civile plus aguerries qui savent s’organiser en veille contre les dérives, d’où qu’elles viennent et de quelque nature qu’elles soient. Les diverses condamnations de ces écarts verbaux dangereux pour la cohésion sociale ont ainsi donné la preuve que les semeurs de la graine de division feront toujours face à une réplique cinglante, à la hauteur de leur forfaiture.
En tout état de cause, les réactions de la jeunesse sur les réseaux sociaux devraient décourager les auteurs et vecteurs de ces projets funestes qui portent atteinte à la cohésion sociale. Il vaut mieux prévenir que guérir, car cela n’arrive pas qu’aux autres!
Morin Yamonbgbè