Le 1er août dernier, l’Opposition burundaise, toutes tendances confondues (partis politiques, anciens chefs d’Etat, organisations de la société civile), était réunie à Addis Abeba dans la capitale éthiopienne, pour convenir de la suite à donner au brigandage électoral de Pierre Nkurunziza. Le conclave a accouché du RNAREC, (Conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha et la restauration d’un Etat de droit au Burundi). Après le ralliement de Agathon Rwasa, jusque-là figure de proue de l’Opposition burundaise, aux institutions issues des élections contestées, on imaginait le visage que présenterait ce qui reste de cette Opposition.
Mais voilà, la nouvelle tête s’est dessinée avec Léonard Nyangoma, un opposant en exil, désigné pour présider aux destinées du RNAREC dont les objectifs sont clairs : combattre politiquement et, au besoin, militairement Pierre Nkurunziza.
Sur le plan de la stratégie, cette initiative revêt un intérêt certain. Seulement, on a envie de se demander ce que cette opposition, délestée de sa figure « emblématique », Agathon Rwasa, et orpheline du soutien de la communauté africaine et internationale peut faire encore face à Nkurunziza. Quel crédit accorder au RNAREC et ses leaders ? S’agit-il d’un baroud d’honneur de « loosers » qui voudraient « revenir par la petite porte pour rentrer dans les institutions » ou d’une réelle volonté politique, et même militaire, de contraindre le tyran de Bujumbura à revenir à la raison par l’application effective des accords d’Arusha ?
L’interrogation à tout son sens, au regard non seulement de la déficience de leadership des premiers leaders du RNAREC, mais aussi de la versatilité des opposants. On voudrait bien juger Léonard Nyangoma et ses camarades sur leurs actes, mais le revirement « spectaculaire » de Rwasa pour soutenir le régime, nourrit le pessimisme. Dire que le combat contre le tripatouillage constitutionnel de Nkuzunziza est presque fini, ne serait pas une pure vue de l’esprit. Il pourrait s’en trouver des opposants qui frappent à la porte du président, même si c’est pour ramasser les miettes qui tombent de la table de convives déjà installés. Autrement dit, Pierre Nkurunziza a toutes les cartes en main pour démobiliser à son profit tous ceux qui, contrairement à Rwasa, continuent de s’opposer à son pouvoir.
L’assassinat du général Adolphe Nshimirimana est un mauvais signe pour le président burundais
Tel un tek, Nkurunziza reste un mauvais exemple pour la démocratie en Afrique. Car, d’une part, il est l’illustration parfaite de la défiance d’une triste race de présidents africains vis-à-vis des constitutions de leurs pays respectifs et des règles internationales en matière de gouvernance démocratique.
D’autre part, il reflète l’image honteuse d’une Union africaine (UA) mouillée jusqu’au coup pour sa complicité dans les dérives monarchiques et dictatoriales des régimes. Pour cela, l’instance continentale devrait avoir la décence de décréter la caducité de tous ses textes sur la démocratie et dont le contenu ne vaut plus rien. L’UA organiserait un autodafé de sa charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance, que cela permettrait à tous les Africains de faire le deuil de la démocratie dans la région des Grands Lacs. Car, après l’épisode Nkurunziza, Denis Sassou Nguesso, Joseph Kabila, Paul Kagamé, pour ne citer que ces trois chefs d’Etat, vont passer à l’action de charcutage constitutionnel.
Cela dit, et pour en revenir au président burundais, sa seule préoccupation actuelle est la coopération avec les pays occidentaux. Belges, Français, Américains, entre autres, vont-ils lui fermer le robinet ou finiront-ils par accepter de collaborer avec lui nonobstant ses dérives autocratiques ? Pour une fois, les pays occidentaux ont l’occasion de se montrer respectueux des revendications de démocratie d’un peuple burundais démuni face aux forces répressives de leur président. Sans une pression internationale et occidentale plus forte, Nkurunziza boira son petit lait, assis sur les décombres des accords d’Arusha et les cadavres de dizaines de Burundais. L’endiguement de la dictature du régime passera par l’Occident, à travers des embargos.
Cela aura le mérite de l’asphyxier et de le contraindre au respect des textes. Mais il est vrai que, rejeté par l’Occident, Nkurunziza pourrait se tourner vers des partenaires qui ne s’embarrassent pas de scrupules comme la Chine, la Russie, ou même vers certains de ses pairs de la sous-région est-africaine. Mais cela ne peut indéfiniment suffire à le maintenir à flot. On ne fait pas l’apologie de la force, mais il convient de reconnaître que de simples prières et autres incantations ne raisonneront pas le satrape de Bujumbura. Seule une action d’éclat peut sauver la démocratie et le peuple burundais. Les opposants au régime semblent avoir compris la leçon.
L’assassinat, le dimanche dernier, du général Adolphe Nshimirimana, bras droit de Nkurunziza et numéro deux de son régime est un mauvais signe pour le président burundais. Cet assassinat peut raisonnablement être analysé en dehors de la pression qui va s’abattre sur le pouvoir. Tous les opposants, à commencer par Rwasa, qui ont fait l’option de pactiser avec le « diable », devront s’attendre à être des victimes collatérales d’une crise qui ne fait que commencer.
Michel NANA