Le président de la Transition, président du Faso, Michel Kafando, a effectué une visite d’amitié et de travail à Abidjan en Côte d’Ivoire, les 31 juillet et 1er aout 2015. Avec son homologue ivoirien, Alassane Ouattara, plusieurs sujets d’intérêt ont été évoqués, notamment : le renforcement des relations, les élections dans les deux pays, le sommet sur le Traité d’amitié et de coopération qui n’aura pas lieu cette année, le rapatriement des Burkinabè du Mont Péko et la présence en terre ivoirienne de l’ex-président Blaise Compaoré.
Au pied de la passerelle, l’attendait son « frère » Alassane Ouattara. Arrivé à Abidjan aux environs de 10h40 dans la matinée du 31 juillet, le président du Faso, Michel Kafando, a été chaleureusement accueilli par son homologue ivoirien : poignée de main, exécution des hymnes nationaux, honneurs militaires. Après un bref tête-à-tête les deux chefs d’Etat ont été ovationnés à leur sortie de l’aéroport Félix Houphouët Boigny par des membres de la communauté burkinabè. Au palais présidentiel situé au quartier Plateau, le président Kafando accompagné de 6 ministres (Moussa Nébié en charge des Affaires étrangères, Boubacar Ba en charge des Mines et de l’Energie, Frédéric Nikiéma en charge de la Communication, Daouda Traoré en charge des Infrastructures et du Transport, Nicole Angéline Zan/Yélémou en charge de l’Action sociale, François Lompo en charge de l’Agriculture) ont eu une séance de travail avec le gouvernement ivoirien.
A l’issue des travaux, les deux chefs d’Etat ont d’emblée souligné l’excellence des relations de fraternité, d’amitié et de coopération entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. « Nous ne sommes pas surpris de l’accueil (…) entre les deux pays, il ne saurait avoir de difficultés », a déclaré Michel Kafando. « Nous avons fait le point et nous nous sommes félicités de l’excellente coopération entre nos deux pays, notamment à travers les organismes sectoriels, les organisations sous-régionales comme le Conseil de l’entente, l’UEMOA, la CEDEAO et plusieurs instruments de coopération. Quasiment 50 accords, protocoles et conventions ont été signés au fil des ans entre nos deux gouvernements », a indiqué le président Ouattara. Les deux délégations ont aussi abordé les relations commerciales entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, marquées par des échanges importants qui se chiffraient à 290 milliards de FCFA en 2014. Le Burkina est ainsi le 10e partenaire commercial mondial de la Côte d’Ivoire.
Déguerpissement négocié du Mont Péko
Les deux délégations ont aussi ouvert le dossier du Mont Péko, ce parc naturel de l’Ouest de la Côte d’Ivoire, « illégalement » occupé par des ressortissants burkinabè. « Les discussions continuent. Le statut quo crée des situations de tension que nous essayons d’apaiser au mieux. Ce qui est important, c’est de faire en sorte que la sécurité puisse prévaloir et la violence soit évitée », a relevé le chef de l’Etat ivoirien. Le départ des volontaires de ce site vers le Burkina Faso est prévu en fin 2015. Pour le moment, une commission conjointe a été mise en place avec le soutien du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), afin de définir les modalités de rapatriement.
Par ailleurs, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire organisent des élections en octobre prochain et les deux chefs d’Etat militent en faveur du respect du calendrier électoral ainsi que la tenue d’élections inclusives et apaisées afin de « préserver la paix dans les deux pays, compte tenu des liens séculaires et de l’importance de la communauté burkinabè en Côte d’Ivoire ». Le président de la Transition a insisté sur sa volonté de respecter les échéances. « Nous avons fixé les élections couplées au 11 octobre et nous sommes prêts.
Si nous voulons des élections claires, transparentes et crédibles comme la Côte d’Ivoire et la communauté internationale nous ont demandé, nous avons tous intérêt à faire en sorte qu’il y ait un apaisement dans la conduite de tout un chacun et dans la façon de mener la campagne électorale. Personnellement, je ne doute pas que nous allons réussir », a précisé le président du Faso. D’ailleurs, pour ces contraintes électorales, Le Traité d’amitié et de coopération (TAC) qui se tient généralement dans la dernière semaine du mois de juillet n’aura pas lieu cette année. Cependant, cette visite en Eburnie du président Kafando et celle du Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, les 6 et 7 juillet dernier ont permis d’examiner les chantiers communs.
Blaise Compaoré sera-t-il extradé ?
En outre, les échanges entre Michel Kafando, les ministres et leurs hôtes ont porté sur la sécurité régionale et frontalière, notamment les récentes menaces apparues au Mali qui a des frontières communes avec le Burkina Faso et la Côte d’ivoire. « Nous avons décidé de renforcer notre coopération en matière de renseignements. Déjà, nous avons déployé des forces de défense et de sécurité à nos frontières Nord pour éviter toute surprise. C’est une situation qui n’est pas seulement régionale mais mondiale et nous devons continuer d’être très vigilants », a confié Alassane Ouattara. Lors des échanges avec la presse, une seule question a cristallisé les journalistes.
« Est-ce que vous avez évoqué le cas Blaise Compaoré ? ». Et le président Alassane Ouattara de répondre : « ce n’est pas la première fois que le président Kafando et moi nous nous retrouvons. Nous avons de temps à autre évoqué la présence du président Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire. Nous considérons qu’elle est tout à fait normale et qu’il n’y a pas lieu d’en faire un sujet… ». Un autre journaliste a voulu savoir si la Côte d’Ivoire acceptera d’extrader Blaise Compaoré si le Burkina en faisait la demande. Le président ivoirien préfère « ne pas rentrer dans ce débat ». Pour son homologue burkinabè, « ce n’est pas une question qui nous dérange tant, pour autant que de sa part (Compaoré), il n’y ait pas de velléité de déstabilisation ou certaines actions qui puissent nuire à la Transition ».
A quelques distances du somptueux palais, dans le même quartier Plateau d’Abidjan, le président Michel Kafando est allé « inspecter» le chantier de construction de la maison du Burkina en Côte d’Ivoire et dire ses encouragements aux ouvriers, contremaîtres et ingénieurs sur le chantier. L’architecte, Wango Pierre Sawadogo, a montré dans les détails les différents éléments du plan de cet imposant immeuble qui comptera 17 étages et 3 niveaux inférieurs (au sous-sol), sur une superficie de 5886 m².
Fin 2016 pour livrer un joyau de 20 milliards de FCFA
Cette infrastructure d’un coût de 20 milliards de F CFA est financée par l’Etat burkinabè et par la diaspora pour environ 600 millions de F CFA. Elle comprendra l’ambassade, le Consulat général, la résidence de l’ambassadeur, une salle de conférence de 800 places, des boutiques, etc. Lancés en mars 2014, les travaux ont été confiés à l’entreprise turque Decotek et devront s’achever au mois de juillet 2016. Le chef de projet, Afsi Ramazan, a expliqué que les travaux se déroulent globalement bien, le sous-sol est achevé et les piliers de la tour sont en train d’émerger. A l’en croire, ce sont les tâches les plus importantes car l’essentiel d’une telle bâtisse repose sur les fondations.
« Nonobstant des difficultés comme les intempéries, nous œuvrons à livrer l’immeuble dans le temps », a précisé M. Ramazan. La délégation présidentielle a ensuite mis le cap sur l’immense centrale thermique d’Azito, située dans la commune de Youpougon. Après un entretien avec les autorités ivoiriennes du secteur de l’Energie, particulièrement le ministre Adama Tounkara et le directeur général de la centrale, Luc Ayé, l’hôte de marque a visité les différents compartiments de la centrale en service depuis 1999.
Selon les techniciens, la seule centrale Azito fournit 35% sur les 75% de l’électricité en Côte d’Ivoire. «Nous sommes impressionnés. Ce complexe qui renferme plusieurs composantes de haut de gamme est un fleuron en Afrique. Le Burkina Faso bénéfice beaucoup de la production de la centrale d’Azito », a confié le chef de l’Etat burkinabè. Pour lui, il est du devoir des Etats, notamment ceux de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), d’élaborer une stratégie pour parvenir à une indépendance énergétique de la sous-région. Et, Azito peut constituer le point de départ de cette coopération.
Le samedi 1er août 2015, le chef de l’Etat burkinabè a échangé à bâtons rompus avec des représentants de la communauté burkinabè au sujet de la vie de la Nation et des conditions dans leur pays d’accueil. Au terme de son séjour « fraternel » au bord de la lagune ébriée, le président du Faso, Michel Kafando, a regagné Ouagadougou à bord d’un avion de la présidence ivoirienne.
Bachirou NANA
Envoyé spécial à Abidjan (Côte d’Ivoire)