Au terme de sa visite de travail et d’amitié à Abidjan les 31 juillet et 1er Aout 2015, le président de la Transition, président du Faso Michel Kafando lève le voile sur des informations concernant l’ex président Blaise Compaoré et les relations bilatérales entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso.
Depuis l’insurrection d’octobre 2015, certains ont semblé voir planer un froid sur les relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Votre visite vise-t-elle à démentir ces rumeurs ?
Michel Kafando (M.K.) : J’ai beaucoup entendu ces rumeurs. C’est tout à fait normal du moment que le l’ex président Blaise Compaoré a trouvé refuge en Côte d’Ivoire. Mais entre le Burkina Faso et la Côte d’ivoire, les relations dépassent les hommes, ce sont les peuples et les pays qui demeurent. Quelque soit les considérations que des autorités politiques peuvent avoir de part et d’autre de la frontière, ce n’est pas significatif. Ce qui est significatif c’est véritablement les relations entre les deux pays. Ce sont des relations qui plongent au plus profond de l’histoire.
Nous avons des parents de part et d’autre et surtout une forte communauté burkinabè en Côte d’Ivoire estimée de 3 millions 500 mille à 4 millions de personnes. Nous appartenons aussi à des organisations sous régionales qui ont fait leurs preuves comme le Conseil de l’entente, l’UEMOA, la CEDEAO, etc. C’est vrai, dès les premiers moments, du fait que l’ex président Blaise Compaoré a trouvé refuge en Côte d’Ivoire, nous cherchions à comprendre. Je puis vous assurer qu’à l’heure actuelle, les relations sont très bonnes. J’ai mis du temps à venir en Côte d’Ivoire, non pas parce qu’il y avait un problème, mais parce que je me disais que de toutes les façons, s’agissant des deux pays, nous finirons par nous voir parce que nous sommes liés par le Traité d’amitié et de coopération qui a lieu chaque année au mois de juillet.
La dernière a eu lieu à Ouagadougou en juillet 2014. Cette année, elle devait avoir lieu mais nous n’avons pas pu tenir la réunion. Avec les élections en vue, nous avons préféré gérer les urgences et laisser les nouvelles autorités qui viendront à l’issue des votes, reprendre le cours des concertations. Honnêtement, il n’y pas d’ombre dans les relations entre les deux pays et surtout entre les autorités ivoiriennes et burkinabè.
S. : Avez-vous eu des nouvelles de Blaise Compaoré, comment il se porte ?
M.K. : J’ai eu la nouvelle de l’évacuation de l’ex président Compaoré au Maroc pour être soigné. Personnellement, je n’ai pas été informé. Mais j’ai appris par la presse comme vous, qu’il a été victime d’une chute. Hier 31 juillet, j’ai pu en savoir davantage avec le président Ouattara. Il m’a précisé que Blaise Compaoré a eu une chute avec une fracture du col du fémur et qu’ils ont préféré l’évacuer au Maroc, et actuellement il se porte bien.
S. : Le sommet sur le Traité d’amitié et de coopération n’aura pas lieu cette année. Cela ne va-t-il pas impacter la réalisation des chantiers communs ?
M.K. : Pas du tout. La côte d’ivoire a continué normalement l’exécution des projets. Mais le Burkina du fait de l’insurrection n’a pu poursuivre certains chantiers. Cela va reprendre avec les nouvelles autorités à l’issue de la Transition. Lors de ma visite, nous avons eu l’occasion de revisiter cette coopération qui est très importante, notamment au niveau des infrastructures routières. L’autoroute Abidjan-Ouagadougou qui va passer par Banfora, Bobo-Dioulasso est très importante pour nous. Ils ont commencé en Côte d’Ivoire, nous, nous avons arrêté. Mais nous allons continuer en 2016. Les autres aspects de la coopération bilatérale ont été également revisités, particulièrement les échanges commerciaux, culturels… il n’y a pas eu de remise en cause.
S. : Après avoir visité le chantier de construction de la maison du Burkina Faso en Côte d’Ivoire, quelle appréciation faites-vous ?
M.K. : C’est un projet qui sera d’une importance capitale, non seulement pour l’administration, mais aussi pour nos ressortissants. C’est un espace, un complexe qui va abriter les locaux de l’ambassade, du consulat, donc des services administratifs, une salle de conférence, mais il va donner également l’occasion à certains Burkinabè comme des commerçants, de s’y installer. Cependant, je trouve dommage que ce soit récemment en mars 2014 que la construction a été lancée, parce que c’est un projet qui date de près de 20 ans. La Transition accorde une importance à cet ouvrage. Cette année, nous avons injecté 10 milliards dans le projet pour continuer la construction.
S. : Il y avait un problème de transparence dans la gestion des fonds ?
M.K. : Malheureusement. Depuis 20 ans, les Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire cotisent pour la construction de cette maison. Si les fonds étaient bien gérés, on n’aurait pas dû avoir des problèmes pour commencer le projet. L’an passé, c’est un nouvel appel de fonds qui a été fait.
S. : Vous avez visité la centrale thermique d’Azito. Y a-t-il des perspectives de fourniture supplémentaire d’électricité au Burkina Faso ?
M.K. : Selon la convention que nous avions signée avec les autorités ivoiriennes, nous devrions bénéficier actuellement de 50 Mégawatts. Mais la Côte d’Ivoire rencontre certaines difficultés en termes de remplissage de ses barrages et de nouvelles demandes. Ce qui fait que la fourniture de ces 50 Mégawatts est fluctuante. Mais il faut remercier la Côte d’Ivoire de nous aider à pouvoir régler certains problèmes. N’eût été cette contribution, nous aurions eu beaucoup de difficultés, notamment plus de délestages. La question des délestages ne concerne pas seulement le Burkina Faso. Même des pays nantis qui disposent de grands barrages ont des difficultés. Mais cela n’excuse pas les pouvoirs publics. L’année prochaine, nous allons disposer d’une centrale solaire qui sera construite grâce à l’Union européenne et à la France. Ce qui va permettre au Burkina Faso d’avoir plus de puissance pour aller vers une indépendance énergétique.
Propos recueillis à Abidjan par Bachirou NANA