Le Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) a appelé ses militants à observer un arrêt de travail de 96 heures, soit du 2 au 5 avril 2013. Par cette grève, qui fait suite au sit-in du 14 au 29 mars, le syndicat exige la réintégration de Nonguezanga kaboré, licencié, dit-on, pour non-assistance à une patiente. Pour la réussite de ce mot d’ordre, les militants et sympathisants du SYNTSHA/Gourma ont répondu à l’appel du bureau national. Du moins, c’est le constat que nous avons fait dans quelques structures sanitaires de la ville de Fada N’gourma, le mercredi 3 avril 2013.
Le 6 mars 2013, le Conseil des ministres a décidé de la révocation pure et simple de Nonguezanga Kaboré, anesthésiste en poste à Séguénéga, dans la région du Nord. Un licenciement qui n’a pas manqué de provoquer la colère du Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA). Un acte qui, à ses yeux, résonne comme une atteinte aux libertés syndicales. Les faits remontent au dernier trimestre de l’année écoulée. Durant cette période, le SYNTSHA avait mené une série de grèves. Pendant que l’anesthésiste Kaboré observait un arrêt de travail suite à un appel de son syndicat, il a été réquisitionné pour la prise en charge d’une patiente qui était en travail. Une réquisition que l’agent n’a pas respecté causant ainsi la perte en vie humaine de la patiente. Voilà la justification que le porte-parole du gouvernement, le ministre de la Communication, Alain Edouard Traoré, a donné suite à la révocation de Nonguezanga Kaboré. Le syndicat qui considère l’action du gouvernement comme une intimidation des travailleurs et une atteinte aux libertés syndicales a donc donné du ton. Il a appelé les hommes de la blouse à observer une grève de 96 heures. Un appel auquel la section de la province du Gourma a bien répondu. C’est ce constat que nous avons fait au deuxième jour de la grève. « Nous sommes très satisfaits de la mobilisation. C’est allé même au-delà de nos attentes. En matière de mobilisation syndicale, on n’est jamais sûr à 100% tant qu’on ne voit pas les gens. Par exemple, hier, on était à 89% de participation. Aujourd’hui, on fera le point le soir. Nous espérons qu’au fur et à mesure, les autres vont nous rejoindre », a estimé Mady Nébié, secrétaire général de la section de SYNTSHA/Gourma. Et par rapport aux conséquences d’une telle mobilisation, quand on sait qu’une grève du personnel de la santé entraine toujours des pertes en vie humaine, Mady Nébié, se fait moins de soucis. « Quand je suis en grève, cela veut dire que je ne suis pas à mon poste. Par conséquent, je ne peux pas savoir qu’il y a des pertes en vie humaine. Du reste, les souffrances des populations, les pertes en vie humaine et autres dégâts liés à la grève ne sont imputables qu’à ceux qui nous poussent à la grève. Et ceux-là, ce sont l’administration centrale, les autorités et autres gouvernants de ce pays qui ne donnent pas de solutions aux problèmes qui nous assaillent », a-t-il soutenu. A propos du refus de leur camarade de répondre à la réquisition pour la prise en charge de la patiente qui, de surcroit était la femme d’un confrère, le secrétaire général de SYNTSHA/Gourma explique : « C’était une soi-disante réquisition. Dans la forme, cette réquisition ne suivait pas les normes. Non seulement, la réquisition a été faite avant le début de la grève, en plus, elle était collective parce qu’ils étaient convaincus que nos camarades participeraient à la grève. Pourtant, il fallait attendre que le camarade aille en grève. Ensuite, une réquisition est individuelle parce que c’est pour résoudre les questions d’urgences et spécifiques. C’est ce que disent les textes qui régissent la réquisition. Enfin, la patiente souffrait d’éclampsie dont le plateau technique de Séguénéga ne permet pas la prise en charge. Pour la prise en charge de cette maladie, il faut une structure de niveau 3, c’est-à-dire un CHR ou CHU. D’ailleurs en 2012, Séguénéga a eu 4 cas d’éclampsie qu’ils ont transférés au CHR de Ouahigouya. Pourquoi, on n’a pas fait pareil pour cette patiente». En attendant, les responsables de structures ont dû se contenter des volontaires et des stagiaires de l’ENSP pour assurer le service minimum. Au district de Fada N’Gourma, nous n’avons pas eu d’interlocuteur. Mais, en faisant le tour de quelques structures sanitaires, notamment les CSPS 1 et 7 et ceux des secteurs 1 et 11, nous avons compris que le médecin-chef a été contraint de recourir aux anciens volontaires que le Programme national de volontariat avait mis à sa disposition. Au Centre hospitalier régional (CHR) de Fada, les stagiaires de l’ENSP sont des atouts inestimables. « Nous avons pu observer qu’au niveau du personnel paramédical et infirmier, la grève a été suivie. En tout, nous avons recensé 48 grévistes. Mais, le dispositif que nous avons prévu a permis de faire face aux urgences. Hormis le bloc où nous avons quelques difficultés, le personnel que nous avons, nous permet de fonctionner et d’assurer les prestations au niveau des autres services. Donc, la grève est suivie, mais notre dispositif, nous permet d’assurer le service minimum », a reconnu Eric N Tougouma, directeur général du CHR de Fada. A entendre celui-ci, un seul médecin aurait respecté le mot d’ordre du SYNTSHA. Les médecins étant donc à sa disposition, cela lui a permis de réaménager le reste du personnel afin de profiter des stagiaires de l’ENSP/Fada. Cependant au niveau du bloc, il ne pourra que compter sur les réquisitions. Un chemin qu’Eric Tougouma a déjà exploré sans pouvoir mettre la main sur les qualifications qu’il désire. « A l’étape actuelle, le problème se situe au niveau des urgences chirurgicales. Pour le moment, nous n’avons pas réquisitionné un chirurgien et un aide opérateur », a-t-il regretté. Ainsi, Monsieur Tougouma a-t-il de la chance ? L’hôpital a perdu son affluence depuis que la grève a commencé. Qu’à cela ne tienne, partout où nous sommes passés, les agents, qu’ils soient stagiaires, volontaires, réquisitionnés ou non grévistes, ont tous regretté la révocation de Nonguezanga Kaboré. Ils trouvent cette sanction très sévère. Mise à pied, retraite anticipée, retenue sur salaire, ou encore permettre à la justice de faire son travail, ont-ils suggéré. Zaratou Peledé née Gnakini est à la maternité du CHR. Elle a été recensée par le bureau syndical comme « une obstruction » à la réussite de la grève parce qu’elle est venue travailler. « Je ne suis pas contre eux parce que je veux qu’on reprenne notre collègue. Les autorités savent bien que les cas d’éclampsie sont compliqués. Si on ne le reprend pas, comment va-t-il faire avec sa famille. Je suis d’accord avec leur grève. Seulement, je ne peux pas supporter la souffrance des populations parce que je suis catholique. Donc, je fais à ma manière la grève. Je viens gérer les cas graves et je repars chez moi. Je viens aider les pauvres. Les riches vont en clinique. D’ailleurs, certains agents, même en grève, vont travailler quand les riches les appellent. Ils vont prester jusqu’à leur domicile », nous a-t-elle confié pour se justifier .