Dans la déclaration qui suit, le Comité F-SYNTER de l’Université de Koudougou fait une analyse sans complaisance de la situation des universités publiques du Burkina en mettant l’accent sur celle de Koudougou. Par la même occasion, le Comité interpelle le gouvernement.
Les universités publiques burkinabè végètent dans une crise structurelle sans précédent dont les manifestations sont entre autres, l’insuffisance d’infrastructures et de matériels didactiques, la persistance d’une gouvernance extravertie que certains appliquent avec zèle ainsi que la dégradation continue des conditions de travail des enseignants. Malgré la construction de quelques amphithéâtres et salles de cours, les salles de la Société Africaine de Pneumatique (SAP) et de l’Aumônerie, des infrastructures du reste aux antipodes des universités modernes, continuent d’être squattées par les étudiants et les enseignants de l’Université de Koudougou (UK). Ces salles se caractérisent par une insuffisance d’éclairage, d’aération et un manque de matériel de sonorisation. L’argument avancé pour expliquer l’utilisation de ces infrastructures vétustes et inadaptées est l’insuffisance des allocations budgétaires. Dans le même temps, cette université dispose de ressources financières pour s’ériger des parkings de véhicules.
Devant les énormes difficultés académiques et pédagogiques, à l’échelle des universités du Burkina Faso, la dernière trouvaille est le système Licence-Master-Doctorat (LMD). Ce système, appliqué dans la précipitation et sans mesures conséquentes d’accompagnement a davantage exacerbé la crise de nos universités. Pour ne rien arranger, le président de l’Université de Koudougou, comme d’autres, sûr de son soutien externe du campus (soutien qu’il considère le seul à même de justifier sa position actuelle) se livre à des pratiques contraires aux exigences de la gestion d’une université moderne, ouverte et progressiste.
Le cas de l’Université de Koudougou (UK) conforte bien l’idée selon laquelle le délabrement actuel de nos Universités est aussi le fait de leurs dirigeants. Les étudiants, les ATOS et les enseignants ne sont que des victimes. A l’UK, les acteurs qui avaient pensé que le changement de président en 2013 signerait la fin de la gestion chaotique ont dû déchanter. L’équipe dirigeante actuelle qui avait annoncé l’avènement d’une nouvelle gouvernance s’illustre surtout par le mépris, des fuites en avant et l’amateurisme. A une rencontre avec des Enseignants à Temps Plein (ETP), ce président a osé soutenir qu’il fallait le féliciter pour avoir instauré un dialogue avec des enseignants de grade inférieur à celui de maître-assistant.
Les autorités de l’UK poussent le ridicule en créant artificiellement les conditions de chevauchement des années qui caractérisent déjà l’Université de Ouagadougou. En effet, plusieurs éléments ont participé et participent à occasionner des retards dans l’achèvement des années universitaires. D’abord, le président actuel, depuis son arrivée, a contribué à créer un climat malsain sur le campus à travers la division des acteurs en pro et anti-présidents.
Ensuite, les autorités universitaires de l’UK refusent d’accéder à la doléance des vacataires concernant l’augmentation des frais de mission. Depuis la création de l’UK, en effet, il est servi la somme de 15 000 FCFA aux vacataires correspondant aux frais de mission. Le décret N°735/PRES/PM/MEF du 21 septembre 2012 relatif aux frais servis aux agents publics en mission fixe ces frais à 27 000 FCFA pour les agents publics de catégorie A1 en mission dans un chef-lieu de région. Il faut noter que, pour alléger les difficultés inhérentes au déplacement, les enseignants vacataires des universités de Dédougou et Ouahigouya sont pris en charge à hauteur de la somme fixée par le décret ci-dessus. Pour une université sérieusement dépendante des vacataires (certains de ces départements comptent sur les vacataires pour la validation des diplômes), ce refus est lourd de conséquences pour la bonne marche des activités pédagogiques et académiques. Déjà, certains vacataires, notamment de Ouagadougou, refusent d’effectuer le déplacement de Koudougou afin de dispenser les cours.
Enfin, chaque année, l’Université de Koudougou connait de façon récurrente des tensions de trésorerie incompréhensives conduisant à d’énormes retards de paiement de certains actes pédagogiques et académiques (délibérations, soutenances, organisations, copies supplémentaires, etc.). Par exemple, pendant l’année académique 2013-2014, il a fallu que les enseignants aillent « en grève des délibérations » de juillet à novembre 2014 pour que des actes effectués soient payés. Cette année 2014-2015, il a fallu hausser le ton pour que les heures supplémentaires soient payées. Il reste encore des actes en souffrance et il n’est pas exclu que, dès la rentrée prochaine en octobre, l’Université soit encore paralysée pour exiger le paiement de ces actes pourtant prévus dans le budget de l’institution. La conséquence de ces grèves provoquées par les autorités est évidente. Actuellement, l’ensemble des établissements de l’Université de Koudougou, sauf l’IUT, accusent un retard plus ou moins sévère. En guise d’illustration, à l’UFR/SEG et à l’UFR/LSH, étudiants et enseignants de plusieurs départements (Lettres Modernes, Psychologie, Géographie, Histoire et Philosophie) doivent attendre le mois d’octobre pour terminer le reste des cours, des compositions des premières et secondes sessions avant de procéder aux délibérations. Ce temps, ajouté à la période de latence entre les compositions et les délibérations et aux risques qui pèsent sur certains cours, conséquence du problème des frais de mission, fait en sorte que l’année académique 2015-2016 pourrait débuter en mars 2016. L’Ecole normale supérieure (ENS) est obligée de demander l’autorisation de poursuivre les cours pendant le mois d’août pour terminer l’année. La situation est davantage grave en Lettres Modernes où seulement les matières des semestres impairs (S1, S3 et S5) ont été dispensées. La troisième année de ce département risque de ne pas terminer le S5 du fait de l’indisponibilité du Pr Salaka SANOU, Directeur Général de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et fervent défenseur médiatique du système LMD et de la normalisation des années universitaires.
Face à cette situation porteuse de menaces graves sur la bonne marche de l’Université de Koudougou, le Comité F-SYNTER de l’UK :
- Exige du gouvernement l’élection des présidents des universités publiques du Burkina Faso ;
-Dénonce l’amateurisme et la légèreté avec lesquels les autorités de l’UK traitent les questions relatives aux conditions de vie et de travail des ATOS, étudiants et enseignants ;
- Tient les autorités de l’UK pour responsables de la détérioration du climat de travail et du chevauchement éventuel des années académiques ;
- Dénonce le zèle de certains financiers de l’UK vis-à-vis des enseignants qui, au lieu de faciliter le fonctionnement de l’institution, lui créent des dettes sociales et participent à son blocage ;
- Appelle ses militants et l’ensemble des travailleurs de l’UK à se mobiliser pour la défense de l’institution et l’amélioration des conditions de vie et de travail1
Pain et liberté pour le peuple !
Pour le Comité F-SYNTER/UK
SOME Paulin
Secrétaire Général