Ceci est une déclaration d'organisations de la société civile burkinabè qui se sont retrouvées en atelier le 24 juillet 2015 à Ouagadougou sur les changements climatiques. La déclaration a été faite en prélude à la Conférence de décembre prochain à Paris sur le sujet.
Les rapports du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) nous révèlent que notre planète est victime d’une crise climatique aux conséquences dramatiques et multiformes à telle enseigne que si rien n’est fait pour la contenir, c’est l’apocalypse qui s’annonce. Les dérèglements climatiques ayant conduit à cette crise sont à 95 % d’origine anthropique selon le cinquième rapport du GIEC en novembre 2014.
C’est surtout la conséquence des appétits boulimiques de certains pays industrialisés qui exploitent de manière non durable les ressources naturelles tout en déversant dans l’environnement des tonnes de gaz à effet de serre. Tout ceci met en péril le développement durable au niveau mondial. Dans le cas singulier du Burkina Faso, la dégradation des terres, les cycles de sécheresse et d’inondations, l’érosion de la biodiversité sont des exemples de conséquences du changement climatique.
Nous, organisations de la société civile réunies dans la salle de conférences du Liptako Gourma à Ouagadougou le 24 juillet 2015 sur la problématique des changements climatiques, saluons la prise de conscience du péril climatique par les différents Etats du monde, dont le Burkina Faso, à travers l’adoption de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) en 1992 et les différentes étapes parcourues dans le sens de la lutte contre ce fléau depuis lors.
Toutefois, nous déplorons les maigres progrès enregistrés dans ce combat au niveau mondial et estimons qu’ils restent très en deçà des aspirations légitimes des peuples. En effet, en 2010 l’Afrique contribuait à hauteur de 9,1 % des rejets de gaz à effet de serre au niveau mondial. Cependant, ce continent est parmi les espaces de la planète les plus directement affectés par les dérèglements climatiques. Les conséquences humaines, écologiques, sociales et économiques sont très alarmantes. Le sommet de Copenhague en 2009, attendu comme le point de conclusion de la négociation internationale, a débouché sur un document non contraignant, sans engagement précis, aux antipodes du traité international espéré. Celui de Durban en 2011 avait, dans ses conclusions, débouché sur un engagement des pays industrialisés à accompagner sur le plan technique, humain et environnemental, la transition des pays les plus pauvres. Force est de constater que jusqu’à ce jour ces engagements ne sont pas tenus.
Au regard de tout cela, nous appelons de tous nos vœux, conformément à l’objectif de la COP 21 de Paris, à la signature d’un accord juridiquement contraignant pour tous les pays, afin de limiter la hausse des températures à 2°C d'ici la fin du XXI siècle et exécutoire au plus tard en 2020. Aussi, les engagements des Etats pour la prise en compte de l’atténuation et de l’adaptation ne devraient pas être occultés. Il est grand temps et même très urgent de passer des beaux discours aux actions concrètes et courageuses avant que la situation ne franchisse le seuil de l’irréversible. Tous les efforts doivent concourir au maintien du réchauffement à moins de 2°C. A cet effet, à moins de 130 jours de la COP21, nous interpellons vivement les autorités de notre pays à préparer à l’interne, de façon concertée et avec tout le sérieux requis, la contribution du Burkina pour l’adoption de cet accord tant attendu ; et nous marquons notre disponibilité à les y accompagner.
Du fait de la responsabilité des pays industriels dans les changements climatiques, nous disons qu’il est de leur devoir d’apporter un appui financier aux pays en développement notamment le Burkina Faso non seulement pour qu’ils adoptent dès maintenant un modèle de développement peu émetteur de gaz à effet de serre et peu consommateur d’énergie, mais aussi pour qu’ils puissent être résilients aux effets néfastes des changements climatiques. L’application du principe « pollueur-payeur » doit entraîner la mise à disposition des ressources financières adéquates et des transferts de technologie en faveur des pays vulnérables. Dans ce sens, nous souhaitons vivement que la COP21 impulse la mise en œuvre effective du Fonds Vert pour les financements climat et la mobilisation des 100 milliards de dollars à l’horizon 2020
Considérant que les dérèglements climatiques sont des questions scientifiques qui demandent des réponses politiques, et vu la nécessité absolue des mesures d’atténuation à prendre, nous lançons un vibrant appel aux autorités politiques du Burkina Faso afin qu’ils mettent en œuvre des politiques énergétiques qui privilégient et encouragent l’utilisation des énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles; car aucun pays ne pourra se prévaloir d’un microclimat paradisiaque dans un macroclimat infernal. Nous entrons dans une époque où l’usage de l’éco-énergie devient la condition sine qua non pour notre survie collective. Cela exige une grande révolution sociale qui va chambouler toutes nos habitudes de production et de consommation.
Parallèlement aux mesures d’atténuation, nous soulignons la nécessité d’intensifier au Burkina la mise en œuvre des actions d’adaptation aux effets des changements climatiques, en tenant compte de la décision des ministres Africains de l’environnement le 6 mars au Caire qui exigent une parité de financements entre atténuation et adaptation. Afin de protéger les populations et les économies burkinabé des impacts néfastes des changements climatiques, nous appelons à des politiques et à des mesures d’adaptation pour faire en sorte que les infrastructures critiques comme les hôpitaux, les unités de production et de transport, les écoles, les réseaux de transport, les ponts, de même que les activités agro pastorales soient plus résilientes au climat.
Nous appelons également toutes les parties prenantes à l’économie nationale du Burkina Faso, y compris les banques et les institutions nationales, bilatérales et multilatérales de développement ainsi que le secteur privé à pleinement intégrer les enjeux climatiques, tant d’atténuation que d’adaptation, en vue de concourir à une meilleure efficacité des financements climat. Nous affirmons que la réorientation des projets de développement devrait se faire au profit de la lutte contre les changements climatiques et du développement durable en prenant en compte les enjeux d’équité sociale, d’accès à l’énergie et de réduction de pauvreté.
Enfin nous lançons un vibrant appel à toutes les organisations de la société civile (OSC) du monde entier, soucieuses de l’avenir de notre planète et particulièrement aux OSC du Burkina et des pays africains, à faire preuve d’une mobilisation générale de masse pour des manifestations publiques pacifiques lors de la COP21 en vue d’influencer les décisions qui seront prises à Paris sur le sort du climat ; car c’est notre sort, ainsi que celui des générations futures qui seront décidés à Paris en décembre 2015.
Ouagadougou, le 24 juillet 2015
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