Le dimanche 19 juillet 2015, le président de la Transition, président du Faso, a procédé à un remaniement ministériel entrainant le départ du ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité (MATDS), Auguste Denise Barry. Dans le but de recueillir l’avis des uns et des autres sur ce départ à quelques mois de la fin de la transition, notre équipe est allée à la rencontre des citoyens qui ont donné leurs appréciations de la situation.
Nékré Michel Yaméogo, président des jeunes pour l’alternance et la démocratie au Burkina Faso
« Nous pensons que Barry est un ministre très intelligent, à un portefeuille stratégique de la Transition »
Nous avons suivi près de deux semaines les remous qui tendaient à changer le gouvernement, consécutif à une crise entre le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et le gouvernement Zida. Crise qui a également pris de l’ampleur et qui a touché toute l’armée. Nous, en tant que cercle de jeunes, ayant pris une part active à l’élaboration de la Charte de la Transition, ayant mobilisé nos troupes pour élargir l’insurrection, étant insurgé sur toute la ligne, nous pensons que remettre en cause cette transition allait amener également notre pays d’opérer un retour en arrière. Tout en étant conscient que la Transition est à parfaire sur un certain nombre de choses, nous pensions qu’il était intéressant que tout le monde soit patient pour que la Transition puisse arriver à son terme. Le ministre Barry est un ministre très intelligent, à un portefeuille stratégique dans le système de la Transition. Il a posé des actions assez nobles, surtout à travers l’ouverture des dossiers comme ceux de Norbert Zongo, Thomas Sankara, Obouf, et récemment celui de Guiro. Le ministre Barry avait pour leitmotiv de travailler à ce que le peuple soit conscient et voit réellement le changement qui a été opéré et partant de cela voir punir ceux-là, par leurs actions malhonnêtes, ont détourné des biens publics ou qui ont eu des comportements indécents dans la gestion des affaires publiques. A ce titre, nous disons qu’il n’était pas opportun de changer le ministre Barry. Maintenant que le remaniement a été fait, nous prenons acte et nous saluons également l’arrivée d’un grand technocrate dans le gouvernement, à la personne de Youssouf Ouattara qui est un homme pétri d’expériences, connu pour sa fermeté, sa modestie. Nous espérons que les actions du ministre Barry pourront être poursuivies, sur le plan de l’Administration territoriale par le ministre Ouattara qui, à ne pas douter, pourra apporter son concours à la réussite des élections présidentielle et législatives. Sur le plan sécuritaire, le ministre Barry abattait un grand travail sur le terrain. Il a posé des actes salutaires, tout en mobilisant toutes les forces de sécurité et de défense à la lutte farouche contre le grand banditisme. Il a même initié un certain nombre d’actions à savoir : la proposition de primer les dénonciateurs des délinquants. Au regard de tous ces actes que le ministre a posé, nous pensons qu’il mérite une attention particulière. Mais comme nous sommes dans un pays où il faut tenir compte de toutes les sensibilités, de tous les acteurs, et il y a une frange non négligeable de la population, notamment l’armée qui a exigé le départ du ministre Barry ou Zida du gouvernement, nous pensons que c’est le moindre mal que de faire partir Barry et laisser le Premier ministre Zida. En tout état de cause, nous exhortons le président Kafando à utiliser le ministre Barry dans un poste stratégique pour que son action puisse également être poursuivie tout en ayant un œil regardant sur la gestion des dossiers de sécurité dans notre pays.
Pascal Zaïda, coordonnateur national de la Coordination nationale pour une transition réussie (CNTR)
« Il faut que le chef de l’Etat dise clairement au peuple, quel est le problème entre Barry, Zida et le RSP »
Pour cette question du départ du ministre Barry, nous avons plusieurs appréciations. D’abord, je ne comprends pas pourquoi le départ de Barry est l’objet d’une polémique, de contestations verbales et autres. Nous sommes dans une république. Le président de la république a décidé d’enlever qui il veut et le remplacer par qui il désire. Sur la question, je pense qu’il ne devrait pas avoir de polémique. Secundo, nous pensons que le Président de la république et ses ministres devraient savoir qu’ils sont venus par la rue et non par une élection. Lorsque vous êtes arrivés à un niveau, vous avez l’obligation de rendre compte. Nous avons pris acte du limogeage de Barry. Le président de la Transition devrait dire aux citoyens burkinabè, ce qui s’est passé entre Barry, les militaires pour ne pas dire, la problématique des forces de défense contre Zida. Les citoyens doivent savoir ce qui se passe dans la république. Cette question a manqué de réponse de la part du chef de l’Etat qui avait pourtant promis de rendre compte au peuple insurgé. Tertio, nous avons, lors de notre assemblée générale du 30 avril, demandé la démission pure et simple de Barry, car étant le ministre de l’Administration territoriale, avait pris une position. Nous reprochons au président, qu’il aurait dû dire exactement ce qui s’est passé avant de procéder à ce remaniement. Le Burkina Faso n’a plus besoin de masquer les choses. Qu’il dise clairement au peuple burkinabè, quel était le problème entre Barry, Zida et les militaires. Et aussi, nous souhaitons que le verdict sur la question des militaires soit livré au peuple afin que les uns et les autres puissent situer les responsabilités. De façon générale, nous n’avons rien contre Barry. Nous l’avons critiqué parce qu’il gérait mal. Maintenant que le Président lui-même s’octroie le poste de ministre de la Défense et de la Sécurité, c’est une première au monde. Il ne nous reste plus assez de temps, il faudrait qu’on nous garantisse une élection libre, équitable sans contestation. Ce qui est arrivé à Barry, je crois que c’est une leçon pour ceux-là qui s’amusent. Il appartient au Président Kafando, dès son retour de Malabo, qu’il dise clairement au peuple burkinabè, ce qui s’est passé entre les militaires et Zida. En 2011, le président Blaise Compaoré a expliqué au peuple ce qui se passait entre les militaires. Cette fois-ci, il y a un problème entre la hiérarchie militaire et Zida, pourquoi refuser de dire au peuple ce qui se passe au fond. A mon avis, je pense que c’est trop osé pour le Président Kafando de diriger le ministère de la Défense et de la Sécurité. Nous souhaitons que le Président de la République voit avec le professeur Ibriga, pour que l’on diligente un audit au niveau du MATDS afin que nous sachions ce que chaque ministre de la Transition a fait durant son mandat.
Nestor Bassière, ancien député
« A mon avis, je ne vois pas ce que l’on peut lui reprocher »
Avant de donner mon appréciation sur ce remaniement qui est intervenu le 19 juillet dernier, il serait mieux de se référer aux raisons qui ont conduit à ce remaniement. Il est vrai, nous avons entendu beaucoup de choses par des rumeurs, par la presse, mais les autorités, pour l’instant n’ont pas donné les vrais raisons de cette crise que le Burkina Faso a traversée. Ce qui a laissé libre cours à tous les « on dit » qui opposent Zida au RSP. Nous aussi avons entendu, à travers les médias, les débats qui ont eu lieu avec le Collège des sages dont les conclusions que le Président du Faso a reçues, mais qui n’a pas, à son tour, livré son contenu. Il a ses raisons, il a ses motivations. Il s’est peut-être appuyé sur ces conclusions pour mener le remaniement ministériel. Alors une question s’impose, fallait-il un remaniement ministériel à trois mois des élections ? Je crois que lors de son premier message, nous l’avons écouté et nous nous sommes dits qu’il veut un certain nombre d’informations, avant de prendre une décision. Lorsqu’il s’est adressé pour la seconde fois, en donnant sa vision de la crise, ces propositions de remaniement, j’ai immédiatement apprécié son courage. Je ne voyais pas pour l’instant, un remue-ménage, car cela mettrait en cause la date de l’objectif visé par la Transition, c’est-à-dire organisé les élections à bonne date. Quand nous avons pris connaissance de ce gouvernement remanié, j’ai eu l’impression que le problème a été transporté sur une personne, à la personne de Barry. Fallait-il aller à un remaniement pour une personne, ou bien fallait-il conserver le statu quo ? Pour ma part, au regard des actions que pose Auguste Denise Barry, malgré que son ministère soit scindé en deux, si je prends le MATD, il a posé des actes nobles surtout dans la nomination des gouverneurs, des préfets, nous avons senti des hommes de métier à leur poste. Cela n’a pas été des nominations politiques mais des administrateurs et des secrétaires qui ont fait une formation pour des fonctions similaires. Nous l’avons, également, suivi dans l’accompagnement des partis politiques dans l’organisation des élections, à mon avis, je ne vois pas ce que l’on peut lui reprocher. Si nous allons sur le volet sécurité, même s’il y a eu des manquements, nous pensons que cela ne pouvait pas valoir son seul départ. Auguste Barry pouvait rester au gouvernement, soit au MATD si l’on pense qu’au niveau de la sécurité cela peut poser problème comme on l’a fait avec Yacouba Isaac Zida en rattachant la défense au chef de l’Etat. Notre souci majeur, c’est que le chef de l’Etat, pour avoir pris en charge le ministère de la Défense et de la Sécurité, doit s’assumer. Il ne faudrait pas qu’à un moment le peuple se sente qu’il y a quelqu’un d’autre en dehors de lui, qui tire les ficelles en ce qui concerne ce ministère, quand on sait quel rôle et quel temps il faut avoir pour gérer les questions de l’Etat et gérer les questions de la Défense et celles de la Sécurité. Je pense que c’est une lourde charge, en tant que homme d’Etat, je pense qu’il apprécie la lourdeur et la charge avant de pouvoir se proposer comme étant la personne pour l’assumer, être au dessus de tout soupçon. Pour moi, on n’en avait pas besoin, à quelque mois des élections. Ces questions pouvaient être traitées autrement. On ne devrait pas donner l’impression que l’Exécutif est dirigé par une autre tendance qui devrait normalement se soumettre. Dans un Etat, nous avons des institutions républicaines et tout citoyen a le devoir de se soumettre à celles-ci. Quand dans un Etat, nous avons l’impression qu’il y a deux donneurs d’ordre, je pense que nous violons la Charte de la Transition qui est un consensus de l’ensemble des forces vives du Burkina Faso. J’espère que ce réaménagement pourra nous permettre de travailler dans la sérénité et aboutir à des élections transparentes, le 11 octobre 2015.
Abdoulaye Sanou, étudiant en philosophie
« Je suppose qu’ils ont tous les éléments nécessaires pour demander le départ de ce ministre ».
J’ai appris comme tout le monde le départ de Auguste Denise Barry. Je suppose qu’ils ont tous les éléments nécessaires pour demander le départ de ce ministre. Quand nous repartons en arrière depuis sa nomination jusqu’à nos jours il a posé des actions telle l’opération main propre qui était une opération ciblée. Notamment les anciens dignitaires du régime déchu qui ont été interpellés. C’était une fausse interpellation parce que le ministère de l’Administration territoriale de la Décentralisation et de la Sécurité ne peut pas interpeller les hauts dignitaires à souhait. Il y a une juridiction habilité à les interpeller et juger par rapport aux actes qu’ils ont posés. Si on doit interpeller les gens parce qu’ils ont mal géré le bien public, je pense qu’il faut remonter et saisir tous ceux qui ont eu des postes de responsabilité avant l’insurrection jusqu’à nos jours. Notamment les hommes du MPP et de l’UPC, car quoique l’on dise l’Etat est une continuité et de ce point de vue on ne peut pas cibler des individus pour faire l’opération main propre.
Mahamadi Rakistaba, étudiant en anglais
« Que Auguste Denise parte ou que Zida parte, c’est la même chose »
Concernant le départ d’Auguste Denis Barry, je n’ai pas grand-chose à dire. C’est comme tout autre personne dans le gouvernent qui part.C’est un gouvernement de la Transition qui est là on ne sait pas si il y a eu des tractations au départ pour désigner ceux qui sont là-bas. Donc si il y a eu des tractations pour que d’autres partent, je pense c’est un départ comme les autres. D’ailleurs même ce gouvernement de la Transition n’a rien apporté et n’apporte rien au peuple burkinabè.Que Auguste Denise parte ou que Zida parte, c’est la même chose.
Joseph Tindano étudiant en anglais
« Qu’il reste ou pas, son départ ne change rien dans le gouvernement ni dans le quotidien des Burkinabè »
Je pense que le départ du ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité, Auguste Denise Barry n’aura pas un impact négatif dans la vie du gouvernement. Qu’il reste ou pas, son départ ne change rien dans le gouvernement ni dans le quotidien des Burkinabè.
Abdallah Bala Ben Azise Ouattara, coordonnateur général du Collectif contre l’exclusion.
« Nous voulons une explication du départ de Barry »
Le départ de Barry laisse beaucoup de questions en suspense que le peuple burkinabè voudrait connaitre. Hier, nous avons voulu sortir pour transmettre un message au chef de l’Etat afin qu’il puisse répondre à certaines questions. D’abord, sur la crise actuelle, aucune communication n’est venue éclairer le peuple sur ce qui se passe ou s’est réellement passé. En suite il y a eu le cadre de concertation auquel nous avons pris part et salué l’initiative, à sa juste valeur, et dont aucun rapport n’a été publié sur les conclusions de ces travaux en vue d’éclairer le peuple. Pour ce qui est du débarquement du ministre Barry, il faut qu’il arrive à éclairer l’opinion publique sur les faits réels. Le gouvernement a été formé à base d’une Charte élaborée par les différentes couches de la société civile. Nous voulons une explication du départ de Barry. Nous ne disons pas qu’il est un super ministre mais il faisait bien son travail. Si nous n’avons pas des réponses dans les jours à venir, ils verront les actions que nous allons mener ».
Ludovic Bationo, membre du Bureau national du MPP.
«Nous avons confiance que c’est une décision la plus sage, qu’il a pu prendre pour l’intérêt supérieur
de la Nation ».
Nous prenons juste acte du départ du ministre Barry de ce gouvernement qui a connu un léger remaniement. Pour nous, nous faisons confiance aux institutions de la transition, au CNT et au gouvernement. De notre point de vue, le président Kafando a dit que toute la Nation fonde l’espoir de pouvoir conduire à bien la Transition à son terme. Je dirai, en bon diplomate, qu’il est une personne avisée qui sait prendre ses responsabilités devant des décisions qui s’imposent. Pour cela, nous avons confiance que c’est une décision, la plus sage, qu’il a pu prendre pour l’intérêt supérieur de la Nation. Il a pris une décision sage car il a eu la présence d’esprit de mettre en place un cadre de concertation des sages. Tout comme le Collège de sages l’avait fait, juste après la crise post assassinat de Norbert Zongo, je pense que la mesure qui a été prise d’effectuer un léger remaniement doit être la bonne pour que les choses puissent aller de l’avant. Je fais le constat du départ du ministre Barry du gouvernement, à la suite d’une crise que je qualifie de mineure. L’armée est partie prenante de la Charte, les OSC, les partis politiques le sont aussi. Donc tout conflit qui engage une des parties une des composantes doit se régler à l’intérieur, mais doit pas éclabousser sur l’entente cordiale qui a permis la mise en place de la Charte qui est un contrat social pour aller aux élections , du 11 octobre 2015.
Clément Sawadogo, secrétaire général du MPP.
« Nous ne savons pas les circonstances précises qui ont entrainé sa sortie du gouvernement ».
C’est une crise politique qui a traversé le gouvernement. Tout ce que nous savons, est que l’issue de cette crise a été dévoilée par le chef de l’Etat qui a procédé à un réaménagement technique du gouvernement. Pourquoi et comment est-il sorti du gouvernement ? Nous ne saurons le dire. Si c’est de sa propre volonté ou de la volonté du chef de l’Etat, nous ne saurons non plus vous le dire. Le ministère a été scindé en deux ; il aurait pu occuper l’un des postes. Donc nous ne savons pas les circonstances précises qui ont entrainé sa sortie du gouvernement. Nous savons tout simplement que c’est à l’issue de la crise actuelle. Il peut arriver que des circonstances politiques conduisent à votre sortie du gouvernement. Le ministre Barry a eu beaucoup de mérites dans son travail et il faut reconnaitre cela. Mais l’Administration étant une continuité, son remplaçant qui est d’un profil du métier. Etant un administrateur civil, il connait les textes, les lois c’est donc un cadre de grande expérience qui pourra travailler à poursuivre l’œuvre de son prédécesseur. Je dois aussi préciser qu’à moins de 3 mois des élections, du point de vue de la préparation des élections, par le gouvernement, toutes les carottes sont cuites. L’essentiel des tâches se déroulent maintenant au niveau de la CENI. C’est la CENI qui organise les élections, le gouvernement encadre juste le dispositif général dans lequel s’inscrivent ces élections. Je pense qu’il n’y aura pas d’incidences sur le cours des choses.
Laurence Martial Ilboudo, membre du bureau politique du MPP
« Il ne faut pas s’attacher aux hommes mais aux institutions »
Le départ de Barry n’est pas un problème parce que nous pensons que l’essentiel n’est pas de se cantonner aux hommes. Barry est venu, il a fait son travail et il appartient maintenant à son successeur de continuer ce que celui-ci a commencé. Il faut arrêter de s’attacher aux hommes et de ne s’en tenir qu’aux institutions. Nous allons rester dans une constance, en ce sens, que l’Administration ne fonctionne pas qu’avec une seule personne mais avec l’ensemble de ceux qui animent. Nous ne connaissons pas les raisons du départ de Barry, mais le ministère doit continuer à fonctionner1
Par : L.R.K ; S.R.K ; V.Z ; S.W