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Ecole primaire de Napalgué/Sanmatenga :les dessous d’un fiasco au CEP
Publié le mardi 21 juillet 2015  |  Sidwaya
Education
© Autre presse
Education : Des élèves en classe à l`éole primaire de Kounéni (Burkina)




L’école primaire publique de Napalgué, de la Circonscription d’éducation de base (CEB) de Kaya 3, dans la région du Centre-Nord, a enregistré pour cette année scolaire 2014-2015, un taux d’admis de 2,08% au Certificat d’études primaires (CEP), soit un admis sur 48 candidats présentés. Faible niveau des élèves ou incompétences des encadreurs ? Enquête !

Un (1) admis sur quarante -huit (48) présentés au Certificat d’études primaires
( CEP) ! Du jamais-vu, à l’école primaire de Napalgué, vieille de 53 ans. Comment un tel résultat a pu être enregistré dans cette école de la Circonscription d’éducation de base (CEB) de Kaya 3, réputée pour l’excellence de ses résultats? La question taraude toujours l’esprit des parents d’élèves et de la population de la localité. Mamounata Sawadogo et son frère Pamoussa font partie des 47 élèves qui ont échoué au CEP à l’école primaire de Napalgué. Leur géniteur, Larba Sawadogo, ne comprend pas cet échec en masse. Par ailleurs président du Conseil villageois de développement(CVD), Larba Sawadogo ne cache pas sa colère. La gorge nouée toujours par l’émotion, il exprime son incompréhension de voir toute une promotion (CM1 2013-2014) échouer lamentablement au CEP session 2015. « Depuis la création de notre école, si ce n’est pas cette année, nous n’avons jamais vu un tel résultat dans notre village», s’indigne M. Sawadogo. Même si ses trois filleuls, Adama, Ibrahim et Adjara ne connaîtront pas cette année les délices du succès. Amado Ouédraogo, les yeux rivés vers le ciel, pense que leur mauvais résultat est la volonté de Dieu. « Nous ne pouvons pas prévoir l’avenir. Si trois de tes enfants échouent à un examen, tu ne peux qu’être mécontent. Mais, si Dieu décide de quelque chose, personne ne peut contre sa volonté. C’est lui qui décide de tout », foi de M. Ouédraogo. « Il faut qu’on nous aide à résoudre ce problème. Que les autorités en charge de l’éducation voient aussi, si cette situation n’est pas due à un problème de secrétariat qui a causé l’échec massif de nos enfants», justifie Arouna Sawadogo, parent d’élève.
Larba Sawadogo se souvient encore que plusieurs enseignants, quel que soit le niveau des élèves, ont régulièrement enregistré des taux d’admission de 100%. Il explique que ce fiasco est imputable à l’enseignant, car le rôle premier d’un maître est de bien former ses élèves. Napalgué est un village situé à 32 Km de Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord. L’unique école primaire qu’il compte a ouvert ses portes en 1962. Chaque année, elle s’illustre par l’excellence de ses résultats au Certificat d’études primaires (CEP). 100%, respectivement pour les années scolaires 2012-2013 et 2013-2014.
Pour le chef de village de Napalgué, Naaba Simbdo, cet échec pourrait être imputable au corps enseignant, le maillon essentiel de l’éducation des scolaires. « Quand le maître est arrivé (en 2013), s’il avait constaté que le niveau des élèves était faible, il fallait qu’il redouble d’efforts depuis la classe où, il a eu la charge de l’éducation des enfants », affirme le chef de canton de Napalgué. Comment se justifie ce fiasco ? A qui la faute ?


Des responsabilités en cascade


La majorité des voix s’élève à Napalgué pour condamner le corps enseignant avec à sa tête Salfo Sawadogo, le directeur de l’école, par ailleurs maître de la classe de CM2. Malgré l’existence de 6 logements pour les enseignants, aucun maître ne réside à Napalgué, confirme le chef de canton. « Si vous dormez à Kaya, située à plus de 30 Km du village, est-ce que vous pouvez être à l’heure aux cours tous les matins?», s’interroge Issa Sawadogo dit Ben Laden grâce à qui nous obtenons quelques confidences. Il pointe aussi du doigt l’absentéisme notoire des enseignants. « De deux cultivateurs, celui qui dort dans son champ et celui qui va se reposer loin de ses cultures, peuvent-ils avoir les mêmes rendements ? », nous demande-t-il, tout en colère. Négatif ! Il nous dit que dans son Napalgué natal, le corps enseignant déserte régulièrement les salles de classe. Certains se sont même transformés en de véritables «businessmen ». « Des encadreurs se sont spécialisés dans le commerce, les affaires…au détriment de l’éducation de nos enfants qu’ils sont chargés de former intellectuellement», explique-t-il les yeux écarquillés. Les maîtres sont des fantômes, dénonce-t-il, haut et fort. Les élèves de Salfo Sawadogo n’hésitent pas, eux aussi, à tirer à boulets rouges sur leur enseignant. Du haut de ses 13 ans, Fatimata Sawadogo confirme que depuis la classe de CM1 où Salfo Sawadogo les a tenus au cours de l’année scolaire 2013-2014, il « disparaît » fréquemment pour les laisser à leur sort. « Depuis la classe de CM1, notre maître ne nous enseigne pas correctement, il est régulièrement absent », témoigne tristement, Fatimata Sawadogo. D’après ses confidences, chaque mardi ou mercredi, après les cours de l’après-midi, ce dernier quitte l’école pour ne revenir que le lundi suivant. Inoussa Sawadogo pense aussi qu’il a échoué à cause de son enseignant. « Il est beaucoup absent et nous n’avons rien appris au cours de cette année scolaire. Quand il n’est pas là, c’est la maîtresse de CE2 qui nous donne des exercices durant son absence », révèle-t-il.


Quand un élève devient maître


Oumarou Ouédraogo vient de loin. Depuis 2012, il a abandonné les bancs, en classe de CE2, pour le site d’orpaillage de Bendogo, situé à quelques encablures de son village. Cette année scolaire, il a repris les cours à l’école primaire de Napalgué. La joie se lit toujours sur le visage de cet enfant « prodige » qui a évité à l’école 0% d’admis au CEP. A plusieurs reprises, confie-t-il, il a été le substitut de M. Sawadogo. Jouant à moult reprises, le rôle d’encadreur. A 14 ans, l’élève Oumarou Ouédraogo n’hésitait pas à partager « son savoir » avec ses camarades en l’absence de son « collègue », Salfo Sawadogo. « Quand le maître n’est pas là, il nous laisse des exercices et des leçons. Je les traite avec mes camarades», confirme le seul admis de l’école primaire de Napalgué. En cas de difficultés, c’est la maîtresse de CE2 qui vient à la rescousse, avoue-t-il. Face à toutes ses accusations, Salfo Sawadogo reste muet comme une carpe avant de se lâcher. Le 6 juillet dernier, nos multiples tentatives pour lui arracher quelques mots ont failli tourner au vinaigre. Refusant d’être flashé, notre dictaphone et l’appareil photo, le mettent dans une colère noire. Visiblement hors de lui-même, en quelques mots, il nous lance : « je n’ai rien à vous dire. J’ai déjà rendu compte à ma hiérarchie. La population et moi, nous avons eu des rencontres et nous nous sommes entendus ». Impossible de lui faire cracher plus. Le maître de CM2 se reproche-t-il quelque chose ? Comment en est-il arrivé à ce résultat ? Quelle est sa part de responsabilité dans ce fiasco ? En tous les cas, toutes ces interrogations ne trouveront pas de réponses. Ne dit-on pas que « qui ne dit rien consent ? ». Son silence n’est-il pas coupable ? Qu’à cela ne tienne, le maître Salfo Sawadogo a déjà introduit une demande d’affectation avant de se raviser, selon le chef de la CEB de Kaya 3, François Sawadogo. « Je l’ai reçu, il est plus que découragé. Mais, il a promis de rester pour relever le défi l’année prochaine. Le connaissant, c’est un bon enseignant. Il a bien fait son travail. Et, je pense que c’est une situation qui devait arriver », soutient François Sawadogo.
Le Directeur provincial de l’éducation nationale et de l’alphabétisation(DPENA) du Sanmatenga, Aimé Sawadogo, ne l’entend pas de cette oreille.


Persona non grata ?


A l’en croire, le taux d’admission, au plan provincial, est de 68,05%. La CEB de Kaya 3 dont relève Napalgué a enregistré un taux de succès de 78%. « Après les résultats au plan provincial qui nous ont émerveillé, nous étions surpris de trouver dans un ensemble de bon travail, cette particularité », déplore Aimé Sawadogo. Il précise : « On n’a pas pu me dire qui n’a pas fait son travail. Mais dans une classe, le tout premier responsable est l’enseignant. S’il veut bien réussir, l’accompagnement peut lui être efficace. Mais s’il pèche, malgré un bon dispositif d’accompagnement, on peut toujours parvenir à ce résultat ». Pour lui, la solution n’est pas de sanctionner l’enseignant incriminé. Mais de l’entendre, lui faire comprendre sa responsabilité dans cet échec, tout en l’amenant à prendre des mesures endogènes pour relever le défi l’année scolaire prochaine. « Il faut que l’enseignant prenne conscience, qu’il a échoué et recherche les solutions pour se relever de son échec », souhaite le DPENA. « S’il décide de rester, nous allons l’accompagner pour que les résultats soient meilleurs au profit des élèves, des communautés et en son honneur », indique Aimé Sawadogo. Car, l’essentiel, dit-il, c’est de trouver des mesures correctives pour que ces élèves puissent, l’année prochaine, obtenir au moins leur certificat. Pour les 47 ajournés, les regards sont désormais tournés vers la rentrée scolaire 2015-2016. Leur avenir, ils ne l’envisagent plus avec Salfo Sawadogo, leur maître. Certains demandent son affectation pure et simple de Napalgué. Inoussa Sawadogo est de ceux-là. « Je demande au ministre de l’affecter car, c’est son absentéisme qui est la véritable cause de notre échec collectif », soutient le jeune scolaire. Fatimata Ouédraogo abonde dans le même sens : « nous sommes allés à l’examen sans achever le programme. Mon souhait est qu’on l’affecte afin d’avoir un autre enseignant qui va bien nous encadrer ». En attendant, l’urgence s’impose à l’école primaire de Napalgué. Outre les 47 redoublants, 54 élèves sont admis pour la prochaine rentrée scolaire 2015- 2016 au CM2. Et quels seront les résultats en fin d’année scolaire pour les 101 futurs candidats au CEP, session 2016 ?


Abdel Aziz NABALOUM
emirathe@yahoo.fr
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