Comme annoncé dans notre édition du mercredi 15 juillet dernier, le chef de l’Etat a parlé le jeudi 17 juillet.
A l’entame de son adresse à la Nation, il a dit son fait à notre Armée nationale en des termes inédits.
C’est bien la première fois en effet que, dans l’histoire de notre jeune nation, le chef suprême des Forces armées, sans langue de bois, met l’institution au pied de ses responsabilités dans la stabilité des institutions mises en place.
Et de s’interroger à trois reprises et en termes pathétiques : «Je le dis tout net, il n’est pas juste que pour des intérêts divergents, notre Armée nationale dont c’est la mission de protéger la paix au Burkina Faso, en vienne à être le perturbateur de la paix au Burkina Faso. Où est donc cette armée nationale, cette armée modèle à laquelle on se réfère tant dans les missions de maintien de la paix à l’extérieur ?
Trois fois, en l’espace de sept mois de Transition, nos institutions ont vacillé à cause des dissensions au sein de l’Armée. Trois fois, nous avons été au bord de l’explosion avec toutes les conséquences que cela aurait comporté.
J’espère que les décisions que j’ai prises, dans l’intérêt supérieur de la Nation, contribueront à régler de façon définitive cette situation déplorable qui met en jeu la crédibilité même de notre pays. »
De Maurice Yaméogo à Blaise Compaoré, notre Armée a toujours fait preuve de son républicanisme et surtout de son professionnalisme dans la gestion sécuritaire des grands mouvements populaires qui ont émaillé le parcours de ce pays. Autant en 1966 on a pu se féliciter qu’aucune goutte de sang n’ait été versée le 3 janvier 66, autant on peut dire que le bilan humain de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 eût été autrement plus lourd si nos forces de sécurité et de défense ne s’étaient pas une fois encore souvenues qu’elles sont une émanation du peuple et qu’à ce titre, elles se doivent de refuser de donner dans la répression aveugle.
Comment alors ne pas s’interroger avec le chef que ces mêmes Forces, dont on ne saluera jamais suffisamment le rôle positif dans le dénouement heureux des évènements d’octobre, puissent devenir la source des incertitudes qui depuis décembre n’ont cessé d’entacher la conduite de la Transition vers son but ultime qui reste l’organisation à bonne date des élections ?
Faut-il rappeler que ce conflit pérenne entre le RSP et le Premier ministre, qui en est issu, est au centre de la problématique ? Il a refait surface fin juin à l’occasion du retour de voyage du chef du gouvernement, Zida, avec les rumeurs de vrai faux ou de faux vrai complot ayant entraîné l’audition à la gendarmerie d’éléments du RSP et la saute d’humeur qui s’en est suivie dans ce corps.
Mais cette fois, le conflit a débordé pour atteindre l’ensemble de l’armée qui, à travers ses chefs, en est venue à exiger le départ du PM et de ses ministres militaires de l’exécutif.
Pour trouver une solution de sortie de crise, le chef de l’Etat a, entre autres démarches, mis en place un cadre de concertations composé de personnalités retenues pour leur sagesse et chargé de lui faire des propositions (cf. encadré).
Après consultation de toutes les composantes de la nation, les 15 sages, de source digne de foi, ont soumis à l’appréciation de Michel Kafando quatre scénarios dont nous commençons l’examen par les deux extrêmes :
- maintenir le statu quo, c’est-à-dire laisser le gouvernement en l’état ; ce qui reviendrait à dire qu’il n’ y a rien au village comme on dit alors que tel n’est pas le cas,
- deuxième scénario extrême : balayer tous les miliaires du gouvernement à commencer par le Premier ministre ; ce qui reviendrait à dire qu’il a tranché en faveur du RSP dont c’était la revendication matricielle.
Par ailleurs, ce scénario peut-il être productif à trois mois de l’échéance électorale ?
Quant aux scenarii médians, il consistait, pour le premier, à limoger le PM en maintenant les trois militaires ; l’autre, à maintenir Zida mais à le décharger du portefeuille de la Défense et à scinder le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et de la Sécurité en ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et en ministère de la Sécurité.
Comme on le sait, c’est le dernier scénario que le chef de l’Etat a retenu pour la sortie de crise.
Au moment où nous tracions hier ces lignes, nous n’avions pas toutes les implications de ce ministère que tenait le colonel Auguste Denise Barry.
Des sources concordantes semblaient dire que la partie Administration territoriale et Décentralisation reviendrait à un civil ; et des noms circulaient à ce sujet comme celui du Pr Augustin Loada, déjà titulaire de la Fonction publique. Concernant le département de la Sécurité, deux noms étaient cités, en l’occurrence ceux des généraux Ibrahim Traoré et Ali Traoré, tous deux d’anciens chefs d’états-majors.
Au moment où vous nous lisez, les choses sont peut-être claires avec la publication du décret de nomination du nouveau gouvernement.
Quoi qu’il en soit, il nous reste à croiser les doigts pour qu’avec ce compromis, historique ou pas, le pire soit derrière nous et que le rendez-vous du 11 octobre soit bel et bien tenu.
Adama Damiss Ouédraogo